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Citations sur Le Quatrième Mur (432)

La guerre, c'était ça. Avant le cri des hommes, le sang versé, les tombes, avant les larmes infinies qui suintent des villes, les maisons détruites, les hordes apeurées, la guerre était un vacarme à briser les crânes, à écraser les yeux, à serrer les gorges jusqu'à ce que l'air renonce.
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Je suis tombé comme on meurt, sur le ventre, front écrasé, nuque plaquée au sol par une gifle de feu. Dedans et dehors, les pieds sur le talus, les mains sur le ciment. Mon corps était sidéré. Une lumière poudrée déchirait le béton. Je me suis relevé. La fumée lourde, la poussière grise. Je suffoquais. J’avais du sable en gorge, la lèvre ouverte, mes cheveux fumaient. J’étais aveugle. Des paillettes argent lacéraient mes paupières. L’obus avait frappé, il n’avait pas encore parlé. La foudre après l’éclair, un acier déchiré. Odeur de poudre, d’huile chaude, de métal brûlé. Je me suis jeté dans la fosse au moment du fracas. Mon ventre entier est remonté dans ma gorge. J’ai vomi. Un flot de bile et des morceaux de moi. J’ai hurlé ma peur. Poings fermés, oreilles sanglantes, recouvert par la terre salée et l’ombre grasse.
Le blindé faisait mouvement. Il grinçait vers le garage. Je ne le voyais pas, j’entendais sa force. Le canon hésitait. Droite, gauche, mécanique enrouée. L’étui d’obus avait été éjecté. Choc du métal creux en écho sur la route. Silence.
— C’est un T55 soviétique, un vieux pépère.
J’ai sursauté. Voix de rocaille, mauvais anglais. Un homme âgé était couché sur le dos, dans le trou, à côté de moi dans la pénombre. Je ne l’avais pas remarqué.
— Baisse la tête, il va remettre ça.
Keffieh, barbe blanche, cigarette entre deux doigts, il fumait. Malgré le char, le danger, la fin de notre monde, il fumait bouche entrouverte, laissant le nuage paisible errer sur ses lèvres.
— C’est confortable ?
Il a désigné mon ventre d’un geste. J’écrasais son arme, crosse contre ma cuisse et chargeur enfoncé dans mon torse. Je m’étais jeté sur un fusil d’assaut pour échapper à un obus.

Chapitre 1: Tripoli, nord du Liban.
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c'était ainsi. nous avions l'Histoire en commun mais pas d'histoire commune.Pas non plus de souvenir de peau.Je n'ai rien gardé de ma mère, aucune trace de mètres, aucune caresse, aucun regard.De mon père, je n'ai rien conservé parce que rien n'a été.Je ne me souviens pas de sa main, de ses doigts qui rassurent lorsque l'orage gronde.Pas même de sa colère, de de sa joie, de ses cris. Ni de sa voix. Je ne me souviens pas du rire de mon père.Jusqu'à ce jour, lorsque je pense à lui, je revois le silence. Il y a des enfants aimés, détestés des enfants battus, des enfants labourés ou couverts de tendresse. Moi, je suis resté intact. J'ai souri souvent, en mimant au théâtre le baiser paternel, deux lèvres sur le front de l'enfant qui s'endort. Ou la tendresse maternelle, sein offert, bras ouverts, les yeux brillants du ventre. J'étais venu au monde parce qu'une femme avait aimé un homme. Elle était repartie sans avoir eu le temps de m'aimer.J'étais une bouche en trop, je suis devenu un coeur en plus.
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Je n'avais pour exemple de père que l'absence du mien.
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De mon père, je n'ai rien conservé parce que rien n'a été. Je ne me souviens pas de sa main, de ses doigts qui rassurent lorsque l'orage gronde. Pas même de sa colère, de sa joie, de ses cris. Ni de sa voix. Je ne me souviens pas du rire de mon père. Jusqu'à ce jour, lorsque je pense à lui, je revois le silence. Il y a des enfants aimés, détestés, des enfants battus, des enfants labourés ou couverts de tendresse. Moi, je suis resté intact.
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L’antinationalisme ? C’est le luxe de l’homme qui a une nation.
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Faire sourire le prolétariat était une bagarre comme une autre.
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Le jour de la cérémonie, le fils de Dieu a été plus élégant que l'élu de la République qui nous avait unis. Lui nous a mariés avec une joie qui a fait la mienne.
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Personne ne sait ce qu'est un massacre. On ne raconte que le sang des morts, jamais le rire des assassins. On ne voit jamais leurs yeux au moment de tuer. On ne les entend pas chanter victoire sur le chemin du retour. On ne parle pas de leurs femmes, qui brandissent leurs chemises ensanglantées de terrasse en terrasse comme autant de drapeaux.
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Il y a des hommes comme ça. Au premier regard, au premier contact de peau, quelque chose est scellé. Cela n'a pas encore de nom, pas de raison, pas d'existence. C'est l'instinct qui murmure de marcher dans ses pas.
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