- Tu crois quoi ? Quand ils brûlent nos églises et massacrent nos villages, il y a plein [d'enfants] en sang sur les trottoirs.
- Vous massacrez aussi !
- Pour que les massacres cessent !
(p. 154)
Je n'étais plus acteur de rien. J'étais devenu spectateur inutile.
Je dormais. Un soldat m'avait recouvert d'une couverture pendant mon sommeil. Il faisait froid. Les premiers jours, les tirs me réveillaient. Puis ils m'ont rassuré. Je n'aimais pas l'hypocrisie du silence.
Je n'avais pour exemple de père que l'absence du mien.
Personne ne pourrait rapiécer l’écolier qui cueille une fleur pour dire adieu à sa mère.
J’ai cessé de respirer. Je connaissais cette voix. Elle mentait. C’était la voix qu’entend celui qui va mourir. La voix qui parle des jours à venir, de l’été prochain qui ne sera jamais, de toutes ces choses à tellement vivre ensemble. C’est la voix qui grimace pour ne pas pleurer, la voix qui maquille la mort, la voix qui chantonne, qui soulage, qui met du baume au cœur. C’est la voix qui referme les draps, puis la porte, puis le cercueil. C’est la voix qui ne croit plus un seul mot de la vie.
L'antinationalisme ? C'est le luxe de l'homme qui a une nation... mes parents n'avaient pas de nation, ils avaient une étoile.
J'avais malmené un chagrin. J'avais hurlé qu'ailleurs, dans des berceaux, des bébés avaient eu la gorge tranchée. Que des enfants avaient été hachés, dépecés, démembrés, écrasés à coups de pierres. Et ma fille pleurait pour une putain de glace? C'est ça son drame? Une boule de chocolat tombée d'un cornet de biscuit? Les misères de la paix me dégoutaient.
Il disait que le sport, c'était une autre façon de résister. A soi-même, aux difficultés, aux intempéries, à cette mélancolie qui m'allait si bien.
Il redoutait les certitudes, pas les convictions.