La violence est une faiblesse ...
Un médecin m’avait expliqué que la trêve charriait l’inquiétude. Les hommes s’endormaient au son du canon. Le vacarme devenait la norme. Lorsqu’il cessait, les nuits étaient blanches.
Le quatrième mur, c'est ce qui empêche le comédien de baiser avec le public, a répondu Samuel Akounis.
Une façade imaginaire, que les acteurs construisent en bord de scène pour renforcer l'illusion. Une muraille qui protège leur personnage. Pour certains, un remède contre le trac. Pour d'autres la frontière du réel. Une clôture invisible, qu'ils brisent parfois d'une réplique s'adressant à la salle.
- La France a du bon, tu sais ? Ça vient de chez toi, ça...
Le chrétien me montrait son fusil de bois blond, avec lunette de visée.
- Je te présente mon ami le FR-F1. Bipied, poignée, mire de nuit, tout le confort moderne. Et puis c'est précis à 800 mètres. De quoi voir venir.
- Il s'appelait Maroun. C'était notre ange. Il a été égorgé.
Je regardais l'aiguille, la laine. Je me suis demandé si les autres viendraient.
- Il était dans les Forces Libanaises ?
Simone a levé son aiguille et secoué la tête.
- Il avait dix-huit mois, monsieur Georges.
J'ai tendu mon passeport au Libanais. Confiance absolue. Et pas le choix non plus. Sam m'avait décrit son chauffeur comme un prince. La soixantaine, bel homme, grand, mince, le visage anguleux, cheveux gris, moustache et cicatrice ancienne, du coin de la bouche à la tempe droite. C'est elle que j'ai vue en premier. Puis sa main tendue. Son sourire. Et cet accent roulé, qui ourle les phrases en modulant la dernière voyelle. Il y a des hommes comme ça. Au premier regard, au premier contact de peau, quelque chose est scellé. Cela n'a pas de nom, pas de raison, pas d'existence. C'est l'instinct qui murmure de marcher dans ses pas. (p 120)
Et seule à part, une ombre agenouillée, habillée de fragile, qui cueille une fleur de talus pour dire adieu à sa mère.
Après avoir épuisé nos certitudes, nous étions orphelins d’idéologie. Et je savais que les lendemains chanteraient sans nous (p.33)
Sam s'est arrêté.
- Sais-tu combien de juifs de Salonique sont morts dans les camps ?
J'ai secoué la tête.
Il a repris sa marche lente sur le boulevard parisien.
- Près de 55 000. C'est Brunner qui a planifié la Shoah des Séfarades.
Il m'a donné un coup de coude.
- Alois Brunner. Tu te souviens ?
Il a contemplé mon regard désolé. Il a ri. Il a dit que j'avais un papillon dans la tête et un cœur de trop.
Après avoir épuisé nos certitudes, nous étions orphelins d’idéologie. Et je savais que les lendemains chanteraient sans nous.