La République c'est le respect des différences...
Pourquoi la mort?
Parce qu’on ne quitte pas la vie autrement.
Sam a haussé les épaules. Oui, Anouilh. Bien sûr, Anouilh. Évidemment, Anouilh.
- Et Sophocle ?
Le Grec a balayé ce nom. Il disait l'Antigone de Sophocle réduite au devoir fraternel et prisonnière des dieux.
- Sa colère est soumise au divin. Alors que la petite maigre te ressemble.
- Me ressemble ?
- En vingt-quatre siècles, elle est passée d'un chœur rituel offert à Dionysos à une histoire moderne, du religieux au politique et du tragique à la tragédie absolue...
Nous n'étions pas convenus mais nous étions convenables. Habillés pour faire honneur à la cérémonie. Mais le maire nous a humiliés. Un élu de droite, venu avec son écharpe et son mépris.
- La République, c'est le respect des institutions.
Il nous a accueillis comme ça. Aurore, moi, et les copains brouillons. Il a dit qu'un mariage était un acte particulier, un jour particulier, qui imposait une attitude particulière et une tenue appropriée.
- La République, c'est le respect des différences, a répondu Sam, mon témoin, sans élever la voix.
Le maire a été saisi. Il nous a unis comme on se débarrasse d'une tâche inopportune.
J'étais une bouche en trop, je suis devenu un coeur en plus.
La violence est une faiblesse, m'avait dit Sam.
Imane a souri. Puis elle a inspiré, tendue, poings le long du corps. Elle a baissé la tête, cherchant au fond d'elle un autre regard que le sien. Charbel a compris ce que faisait la jeune femme. Il l'a imitée. J'ai cessé de respirer. La fille a relevé la tête. Le garçon a ouvert d'autres yeux. L'instant fut magnifique. Deux acteurs se mesuraient. Ni chrétien, ni sunnite, ni Libanais, ni Palestinienne. Deux personnages de théâtre.
Le quatrième mur ? … Une façade imaginaire, que les acteurs construisent en bord de scène pour renforcer l’illusion. Une muraille qui protège leur personnage. Pour certains un remède contre le trac. Pour d’autres, la frontière du réel. Une clôture invisible, qu’ils brisent parfois d’une réplique s’adressant à la salle. P 39
Marwan était là adossé à sa voiture rouge. Il n'a pas eu un sourire pour moi. Ne m'a pas même souhaité la bienvenue. Plus de terre, ni de famille à m'offrir. Il a ouvert les bras, je m'y suis réfugié. Il m'a serré comme il serrait Nakad. Nous avons passé les contrôles des Forces libanaises. Marwan baissait les yeux. Ces militaires affrontaient son peuple dans la montagne. Trois fois, ils nous ont fouillés mains levées. Le coffre de la voiture, la boîte à gants, le dessous des sièges, les pare-chocs. J'étais metteur en scène de théâtre et Marwan, mon chauffeur. Pourquoi un Druze ? Parce que je vivais à l'hôtel Cavalier, dans Hamra. Un hôtel druze, donc, et c'était plus pratique pour moi.
Il y a des hommes comme ça. Au premier regard, au premier contact de peau, quelque chose est scellé. Cela n’a pas encore de nom, pas de raison, pas d’existence.