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Dans un futur proche, Will Bear (ou un autre de ses neuf autres pseudonymes), la cinquantaine, sillonne les Etats-Unis à bord de son camping-car « l'Etoile du Berger » avec son pitbull Flip, un ancien chien de combat qu'il a sauvé de l'enfer. Il effectue des livraisons et des actions pour le compte d'une organisation criminelle dont nous ne saurons pas grand-chose, fumant un joint de temps en temps et prenant quotidiennement sa microdose de LSD. N'ayant pas été déclaré par sa mère à la naissance, il n'a aucune identité officielle. Dans un seau, à côté de lui, il a neuf téléphones intraçables, un pour chacune de ses identités. Or, un jour ses téléphones se mettent tous à sonner l'un après l'autre ; il finit par répondre et entend une voix féminine lui parler : son interlocutrice lui dit être sa fille biologique et lui propose qu'ils s'entraident… ● Si le début retient l'intérêt, je ne peux pas dire que j'ai été emballé par la suite qui part dans tous les sens et malgré cela réussit à être répétitive et lassante ! J'ai été tenté à plusieurs reprises d'abandonner… ● L'intrigue n'est pas vraiment maîtrisée, le récit se déploie au rythme des déplacements de Will comme dans un road trip sans but réel, et la fin est carrément décevante. ● Comme souvent dans ce genre de récit d'anticipation, l'avenir est vu de façon très sombre et sans grande originalité.
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Will est heureux. Ou, en tout cas, ne se demande pas s'il ne l'est pas. Il sillonne les États-Unis à bord de son camping-car l'Étoile du Berger, customisé selon ses goûts, où il conserve tous ses souvenirs. Il est accompagné de son chien Flip, un pitbull qu'il a sauvé plus jeune et qui lui est fidèle. Il a un boulot qui n'est peut-être pas reluisant, mais lui permet de vivre et l'occupe. Sa vie est bien organisée et se déroule sans réel accroc. Jusqu'au moment où le téléphone sonne. Et là, tout dérape.

Forcément, quand l'auteur nous met d'emblée dans la tête d'un personnage qui dit « je », on a tendance à prendre son parti, à le trouver sympathique et à lui pardonner ses quelques défauts. Mais dans ce roman, Dan Chaon ne nous fait pas un cadeau. Car Will, on le découvre très rapidement, n'est pas un enfant de choeur. Son emploi est tout sauf bienveillant : le « care », très peu pour lui. En fait, il exécute les missions que lui confie son employeur, la Value Standard Enterprises, quelle qu'en soit la nature. Cela consiste essentiellement en des convoyages. D'objets, mais aussi d'êtres humains. Et ces derniers ne sont pas nécessairement consentants. Il suffit de voir comment Liandro, son passager dans les chapitres d'ouverture, réagit à son voyage. Et on comprend peu à peu que Will n'a pas d'état d'âme quant à son job. Sauf peut-être quand il a dû transporter un bébé. Et encore. Cela jette un certain doute sur la confiance qu'on peut lui accorder. Or, toute l'histoire passe par ses yeux, son esprit. Nous sommes liés à Will, pour le meilleur et pour le pire. Mais cela n'est pas désagréable, car cet homme est facile à suivre, facile à vivre. Et c'est ce qui surprend. Tout coule, même dans les problèmes.

Peut-être est-ce une conséquence des drogues que Will ingère tout au long de la journée. Pas en grandes quantités, mais de façon continue. Pour tenir sur la route. Car il roule, Will, il roule beaucoup : « Il est aussi dangereux d'être trop éveillé que trop fatigué être légèrement hors de son corps, comme si on se suivait et qu'on surveillait de près ce qui se passe. » Un peu comme nous, lecteurices, qui suivons Will à travers ses déplacements.

Comme je l'ai lu voilà seulement quelques petits mois, cela m'a fait penser à la joie que j'avais ressentie à la lecture des passages de voyage dans L'affaire Crystal Singer d'Ethan Chatagnier. Les déplacements y ont cette même tonalité, ont créé chez moi la même envie de prendre la route et de traverser ces vastes espaces. Alors que je déteste les longs voyages. Ils sont forts, ces auteurs. Et surtout Dan Chaon qui envoie son Will à travers tout le pays. Il faudrait d'ailleurs relire le roman avec une carte pour découvrir la distance énorme parcourue. Les milles s'enchainent dans des paysages variés, attirants pour le personnage malgré leur vétusté. Car Will n'aime pas les hôtels de luxe, les restaurants huppés. le vieux diner un peu crasseux a ses préférences. Comme le motel posté le long des routes où l'on peut se garer devant sa chambre. Et les descriptions de ces États-Unis de l'avenir sont dans ce même ordre d'idée. Tout semble partir en miettes. C'est par le décor que la SF prend ses aises dans ce récit. Pas de façon pesante et intrusive. Non, plutôt par petites touches par-ci par-là. Là, des robots publicitaires qui longent les routes et brandissent des panneaux, publicitaires ou revendicatifs. Ici, des tempêtes « de papillons » qui s'écrasent sur les parebrises et sur les routes, les rendant quasi impraticables. Ailleurs des « terroristes canadiens » qui font exploser des bombes IEM sur une portion du territoire et paralysent une partie de la circulation. Dans certaines villes, des couvre-feux difficiles à faire respecter tant l'armée manque de bras. Partout, des caméras qui photographient, filment, archivent la présence, les actions de tout le monde. Et les conservent dans des bases de données. Un avenir inquiétant, vraiment.

C'est dans ce pays en voie de décomposition que Will menait sa petite vie tranquille jusqu'à ce qu'un de ses téléphones normalement intraçables sonne. À l'autre bout du fil, une jeune femme qui prétend être sa fille. le grain de sable qui fait dérailler la mécanique bien huilée qui guidait les pas du personnage principal. le roman est une quête. Celle d'un possible père bien involontaire (on parle ici de don de sperme) pour une paternité ni désirée, ni imaginée. Mais qui s'installe dans son esprit et y prend une place de plus en plus considérable. D'ailleurs, on comprend pourquoi grâce aux nombreux retours en arrière qui évoquent la figure de la mère, très originale, mais vraiment pas agréable. le thème de la parentalité est très fortement traité dans ces pages.

Malgré toutes les alarmes qui clignotent dans l'esprit de Will, l'attrait est trop fort. Même si cela doit conduire à un vaste chaos. Jusqu'à une fin qu'on sait dès le début violente et douloureuse. Sanglante et définitive. Certains lecteurs ont trouvé les deux parties disproportionnées : une longue errance jusqu'à la vérité et une conclusion trop rapide. Je ne suis pas d'accord. Je ne pense pas nécessaire de s'appesantir sur le dénouement. C'est la recherche qui compte. C'est le cheminement. Et il est passionnant, sans temps mort.

Une fois de plus, merci à Gilles Dumay qui, sans le savoir, m'a donné envie de découvrir Somnambule. Je ne regrette aucune des pages lues et dévorées dans le même état que Will : porté par l'écriture et le récit, je suis allé au bout de ce roman pratiquement d'une traite. J'ai fait la route avec lui, à bord de l'Étoile du Berger, à côté de Flip, au milieu des décombres d'un pays en pleine déliquescence. Et je ne peux que vous conseiller de faire de même.
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Quelque part aux Etats-Unis, demain.
Will Bear ou William Baird ou Wilard Baier ou peu importe comment il se fait appeler en fonction des circonstances, est le « larbin » d'une organisation criminelle plutôt opaque.
Ses missions : convoyer quelqu'un ou quelque chose, brûler une habitation, tuer un gêneur à travers tous les Etats-Unis qu'il sillonne en tous sens à bord de son camping-car de luxe « L'étoile du berger » . Lui, échappe à tous les radars dans cette société violente, hyper connectée, hyper surveillée par des drones de tous genres. En effet, il n' »existe » pas officiellement, n'a pas de numéro de sécu, pas d'adresse, d'e-mail, de page Face book… Aussi est-il plutôt surpris quand, sur un de ses téléphones intraçables, il se retrouve en ligne avec une jeune femme qui se dit être sa fille biologique. Hors d'enfant, Biil, Will, Barry, n'en a pas.
Commence alors un road trip au cours duquel Blair, Wilton, Billy remontera le fil de ses souvenirs d'enfance notamment avec sa mère, souvenirs qu'il avait préféré oublier.
J'ai adoré le récit foutraque de ce type qui ira bien plus loin que ce qu'il pouvait imaginer. J'ai adoré ce personnage. Ce n'est pas un ange, loin de là mais ses états d'âme, ses pensées brouillonnes souvent d'une grande naïveté, son attachement à Flip, pitbull rescapé de combats de chiens, son humour décalé me l'ont rendu diablement attachant.
Une belle découverte.
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Curieux de tous les genres, Dan Chaon est un romancier américain de grand talent navigue entre roman psychologique et roman noir avec un égal bonheur.

Avec Somnambule, il raconte l''histoire de Will Bear, un mercenaire en cavale qui change d'identité sans arrêt pour traverser les frontières à bord de son camping-car. Il voyage à travers les Etats-Unis pour échapper à la loi, et ne peut se fixer nulle part car il est perpétuellement surveillé. Lui-même ne semble pas savoir exactement quel est son but. Ce qu'on comprend, c'est que nous subissons tous cette surveillance perpétuelle via Internet, notre téléphone, les caméras...

Dan Chaon poursuit, dans un décor dantesque, sa réflexion sur les liens familiaux et les traumas de l'enfance.Dans une Amérique désincarnée, Will Bear quinquagénaire employé d'une organisation criminelle, est chasseur de primes, livreur de colis de toute nature ou tueur à gages c'est selon, avec pour seule boussole les missions qu'il accomplit sans perdre son caractère patelin. Qu'elle est terrifiante , cette Amérique dépeinte par Dan Chaon.Auteur d'une oeuvre magistrale hantée par les liens familiaux, Dan Chaon imagine ici quelles parts lumineuses de la nature humaine peuvent encore être épargnées quand la société a oublié toute notion d'humanisme et de solidarité

Entre dystopie et suspense, l'auteur concocte un roman noir ravageur qui ne manque ni d'humour ni de poésie,
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« Mais il se peut que je sois parti à la découverte de moi-même. »

J'aime beaucoup Dan Chaon, gardant notamment le souvenir ému d'un petit-déjeuner partagé à Vincennes ; mais je n'aime pas du tout les dystopies. C'est vous dire le dilemme au moment d'attaquer Somnambule, son dernier livre traduit par Hélène Fournier.

Il s'appelle Will, mais aussi Bill, Liam, Bear ou Barry. Au fil des ans, pour devenir invisible et indétectable dans une société où règne la reconnaissance faciale via les drones, caméras et autres IA, il a appris à ne plus laisser de traces.

Cet anonymat est bien pratique pour exécuter sans sourciller les basses tâches confiées par le consortium mafieux qui l'emploie. Jusqu'à ce qu'un de ses téléphones jetables sonne et qu'il se découvre une fille biologique. Et peut-être même 167 autres enfants…

Même dystopique, l'embarquement dans ce road-movie noir à travers les États-Unis s'avère plutôt plaisant, Chaon distillant les éléments de sa trame dans une construction habile et rythmée. Il dévoile peu à peu son personnage fracassé, revenu de tout, revenu de loin.

« Il n'est pas impossible que, par le passé, j'ai été diagnostiqué comme psychotique ou psychopathe, mais ça fait un moment, je crois, que je maîtrise la situation. »

Dans un monde devenu inhumain, il parvient à créer et développer une émotion réelle entre Will et sa fille Cammie, ou entre Will et son chien Flip, dernier compagnon à la fidélité éprouvée.

Malheureusement, le livre finit par se perdre et part un peu dans tous les (mauvais) sens, comme si Chaon ne savait plus quoi faire avec son histoire ni comment la clôturer. Un changement de ton et de rythme qui surprend…

Pas de quoi en faire une déception car la « patte » Chaon reste présente dans la majeure partie du livre et retrouver cet auteur rare reste toujours un grand plaisir.
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Will Bear erre un peu comme un Somnambule dans ce futur. Un Demain dystopique que Dan Chaon a choisi comme terrain de jeu pour raconter l'histoire de ce personnage étonnant.

Le CV de cet homme ne prête pas à la sympathie, de prime abord, sans mauvais jeu de mots, lui le mercenaire au service d'énigmatiques patrons, qui accepte toutes les missions, des plus anodines aux plus violentes. Un « sans visage », caché sous de multiples fausses identités, et qui ne reste jamais en place.

Son comportement ne joue pas vraiment en sa faveur non plus, drogué, un brin dérangé. Et pourtant, l'attachement va se faire avec le lecteur, par sa réelle bonhommie en décalage avec ses actions, et par un fait de vie qui va changer sa perception de qui il est.

Un appel téléphonique modifie le fil de son existence, cette course perpétuelle sans objectif, sans raison véritable. Une jeune femme qui se présente comme sa fille biologique va chambouler sa raison d'être. Ce n'est pas rien quand on est quelqu'un de naturellement obsessionnel, pour ne pas dire perturbé…

A l'image de son protagoniste principal, le livre est assez particulier, décalé, un peu chien fou. Ça tombe bien, Will est accompagné d'un pitbull victime de stress post-traumatique. D'une certaine manière les deux cherchent à se sortir de cette violence endémique qui a caractérisé leurs deux vies passées.

L'auteur est lui-même un peu en roue libre. Sans doute est-ce volontaire, même si ça a un peu déstabilisé le lecteur que je suis, moi qui aime quand les intrigues sont davantage carrées.

Dans ce récit, il faut se laisser porter au gré des humeurs et des souvenirs de Will. Il a des raisons d'être agité. La rencontre à distance de sa mystérieuse progéniture l'incite à se remémorer sa propre enfance, particulièrement traumatique. Quand on est l'engeance d'une mère tyrannique et carrément folle, ça n'aide pas à se construire.

Pourquoi placer cette histoire dans ce futur proche ? Il faudrait le demander clairement à l'auteur, mais le fait de l'avoir écrit durant la pandémie du COVID a dû influencer son écriture. Qui a découlé sur ce souhait de présenter cette Amérique alternative, en déliquescence.

L'intrigue est à voir comme un jeu de piste, un road trip où l'écrivain s'amuse à citer les 50 états du pays à travers cette aventure picaresque futuriste. Où le récit tourne au drame mais non sans un humour omniprésent. Un ton décalé, à l'image de la manière de penser et de parler de Will.

Deux parties dans ce roman, entre les premiers échanges père / fille et la tournure que prend l'action ensuite. Avec un auteur qui jette de nombreuses idées sur les pages, sans sembler trop choisir la voie qu'il souhaite prendre. A l'image de la fin, assez expéditive.

Cet homme, donneur de sperme, qui subitement s'amourache d'une fille chimérique qui reste secrète dans leurs échanges téléphoniques, est touchant. le voir fantasmer sa relation de père, et le pousser à changer de vie, tourne à une quête d'identité qui est le grand intérêt de ce livre.

Écrit au présent, pour ancrer ce futur ici et maintenant, le roman se lit avec curiosité, porté par cette écriture libre, à la fois déroutante et créative. Dan Chaon joue la partition d'un futur désenchanté, mais c'est surtout le chant d'un homme et d'un possible père qui donne tout son sens à ce road trip Somnambule.
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Dans son précédent roman, Une douce lueur de malveillance, l'Américain Dan Chaon utilisait déjà le doute pour faire vibrer son lecteur jusqu'à la dernière page. Ce thriller machiavélique en forme de labyrinthe mémoriel utilisait aussi la légende urbaine et la théorie du complot pour parvenir à ses fins. Il semble donc tout naturel que l'auteur retrouve ces thématiques pour en livrer une nouvelle variation où cette fois encore la révélation finale a moins d'importance que le monde qui entourne son personnage principal, lui-même reflet d'une époque plongée dans le doute.
Somnambule, traduit par Hélène Fournier et toujours publié dans l'indispensable collection Terres d'Amérique d'Albin Michel, n'est pas un roman aussi tortueux que son illustre prédécesseur mais il risque tout de même de vous faire tourner la tête.

Un narrateur nébuleux
Curieusement, Somnambule s'ouvre sur une constellation de noms regroupés sous le terme pompeux de « Nébuleuse brumeuse ».
Will Bear, William Baird, Bill Behr ou encore Billy Bayer, autant de pseudonymes pour un même homme qu'on appellera Will Bear par commodité et qui place déjà le lecteur dans une position délicate : le narrateur est-il fiable ?
En effet, Will révèle rapidement qu'il a bien des fardeaux à porter de son passé pour le moins tumultueux et qu'il fuit le présent devenu un enfer pour celui qui souhaite rester anonyme.
Sillonnant les États-Unis dans un camping-car au nom pour le moins cocasse d'« Étoile du Berger » (surnom ironique pour ce qui tient de maison à un personnage principal aussi paumé que Will), notre mercenaire se contente de livrer des paquets ici ou là contre rémunération.
Ces livraisons spéciales sont souvent de nature humaine et Will souhaite garder une certaine distance avec ce travail, préférant ignorer les conséquences de ses actes…
Pour l'aider dans cette tâche atypique, il peut compter sur un fidèle compagnon à quatre pattes nommé Flip, un pitbull sauvé de l'horreur des arènes de combat pour chien et depuis meilleur ami de notre narrateur.
Très vite, on comprend que Will a peur de tout ce qui pourrait le mettre à nu. Poursuivi par divers sectes, organisations secrètes et autres personnages peu recommandables, il a pourtant dans sa manche un atout qu'il compte bien garder précieusement : son anonymat.
Will prend en effet un soin tout particulier à ne pas exister, d'où cette « Nébuleuse brumeuse » qui fragmente jusqu'à son nom pour semer la confusion. Dan Chaon illustre le fantasme ultime de notre ère ultra-informatisée : n'être plus personne.
Pour renforcer cet effet, l'auteur américain compte aussi sur la pathologie psychiatrique révélée à demi-mots par Will mais aussi sur une autre grande marotte de notre siècle : la théorie du complot.

Au pays des complotistes, le paranoïaque est Roi
Si Somnambule incarne aussi bien notre temps, c'est parce qu'il repose en grande partie sur l'incertitude générée par le réel rencontrant le fantasme, autrement dit : la pullulation des théories du complot.
On comprend assez vite que le principal problème de Will n'est pas d'être complètement fou mais, au contraire, de vivre dans un monde devenu fou.
À bien des égards, le roman de Dan Chaon est un roman de science-fiction qui, comme toujours pour ce genre, reflète à merveille notre présent et ses grandes peurs.
Revenons un instant sur le cadre de Somnambule : Will traverse une Amérique en pleine déliquescence. Il y croise des milices, frôle la guerre civile, regarde les catastrophes climatiques du coin de l'oeil et compose avec les drones/robots omniprésents qui n'ont visiblement pas fini d'annihiler la vie privée du citoyen ordinaire.
Si le narrateur de Somnambule est incertain, le monde qui l'entoure l'est encore davantage. C'est certainement cela qui fait la force du roman de Dan Chaon : comprendre que son personnage n'est que le produit d'une Amérique paranoïaque, carnassière et finalement complètement folle.
Si l'on pense un instant que Will abuse un peu trop sur les menaces qui le cernent, on comprend progressivement qu'il n'a pas tout à fait tort et que la vérité se situe quelque part entre les deux extrêmes que sont le complotisme et le réel.
Lorsqu'il reçoit un appel d'une jeune femme prétendant être sa fille sur un téléphone portable qui n'est pas censé sonner pour lui rappeler un obscur don de sperme bien des années auparavant, l'histoire s'emballe et le lecteur est ferré : où se situe le vrai là-dedans ?

Se sentir exister
On suit comme un fil rouge les appels de Cammie, la supposée fille de Will, et toutes les théories autour de cette paternité inattendue.
Les mystères s'empile, les pistes s'accumulent mais ce qui va retenir l'attention de Dan Chaon là-dedans n'est pas la chose à laquelle on s'attend le plus de prime abord.
Car, oui, Somnambule construit son suspense sur l'identité véritable de Cammie et sur la véracité (ou non) de ce qu'elle révèle à Will et au lecteur.
Mais en filigrane, Dan Chaon semble moins intéressé par cette perte de repères que par la transformation de son personnage principal qui passe progressivement d'un anonyme complètement perdu dans un monde devenu instable à un père qui retrouve une fille qu'il n'a jamais fait qu'espéré en secret.
C'est un changement dans l'identité qui finit par recoller les morceaux et par réhumaniser Will, à le faire sortir du tourbillon de la folie et du doute pour lui fixer un ancrage émotionnel fort.
L'unification par l'amour paternel, en quelque sorte.
Le plus beau n'est pas tant les sacrifices qu'est prêt à consentir notre mercenaire parano que sa volonté de croire en une personne qui l'aime et qui le considère, en quelqu'un qui veut vraiment le connaître lui et pas l'un de ses multiples avatars.
Avec Somnambule, Dan Chaon révèle que la crise d'identité que subit notre société moderne n'est pas causée par l'ère hyper-informationnelle en elle-même mais par ses conséquences, par la superficialité qu'elle créée et la volonté d'exister à tout prix qu'elle engendre.
Au fond, qu'est-ce que le complotisme si ce n'est une façon de se démarquer de la masse et de montrer que l'on est soi-même différent, pas comme les autres ?
En captant la solitude profonde de Will et en arrivant à éplucher les couches de tristesse qui l'enserrent — de la mère maltraitante à l'amie d'enfance qui l'utilise — Dan Chaon comprend avant tout que c'est la sensation d'être écrasé par la complexité du réel et la masse des autres qui engendre notre monde devenu fou.
À moins que la cupidité des derniers lucides n'ait finalement raison des ruines et de l'avenir.

Plus facile d'accès mais aussi plus touchant et humain que son précédent roman, Somnambule illustre à merveille la capacité de Dan Chaon à croquer notre présent même en le transposant dans un futur où tout semble aller de travers. Captivant jusqu'au bout et émouvant sans prévenir.
Lien : https://justaword.fr/somnamb..
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Avec « Somnambule », Dan Chaon réalise un road trip futuriste sous substance hallucinogène, dans un monde dystopique où les drones-robots côtoient des humains et des animaux au potentiel modifié. Une Amérique où les groupes sectaires, les milices et autres organisations ont supplanté Washington et les pouvoirs fédéraux. Dans un monde en déliquescence parfaitement décrit, Dan Chaon nous parle d'un homme qui sillonne les routes américaines, il s'appelle Will Bear et il est accompagné de son fidèle pitbull, Flip. Will Bear n'est qu'une des nombreuses identités de cet homme au travail peu commun. Il possède des dizaines d'identités différentes, un nombre de portables tout aussi important correspondant à chacune d'entre elles. Son boulot consiste à assassiner, transporter des otages ou autres choses insolites comme poser des explosifs. Il ne se pose pas trop de question. La vie n'a pas été tendre avec lui. Sa mère était une psychopathe, une manipulatrice de haut vol qui a tout fait pour détruire la vie de son fils, jusqu'à l'irréparable. Un jour, alors que Will est dans son camping car, plusieurs portables sonnent en même temps, une chose impensable car chacun d'entre eux est relié à une identité bien précise. Will finit par décrocher et son choc est à la mesure de l'annonce faite au bout du fil : une jeune femme prétend être sa fille biologique et elle se dit en grand danger. Will va devoir choisir entre la poursuite d'une vie solitaire comme homme à tout faire au service d'organisations criminelles, ou prendre sa vie en main et assumer son passé pour sauver sa fille. Bien sûr, l'irruption dans sa vie de sa fille biologique, réveille en lui les traumas de son enfance et de sa relation toxique (le mot est faible) avec sa mère. C'est un roman dystopique magnifiquement écrit, dense, où l'on ressent une ambiance folle et anxiogène avec des descriptions saisissantes d'une société américaine en décomposition. La relation qui se tisse entre cette jeune femme et Will est au coeur du roman, mais pas seulement car en piratant les portables, la fille de Will met sa vie en danger, et celle de son père biologique par la même occasion, qui se retrouve poursuivi, de toute part, par plusieurs organisations qui lui veulent la peau. Un roman sombre mais non dénué d'un humour noir bien senti. L'amour pour son cher Flip est tendre, l'animal représentant énormément pour lui. Dan Chaon interroge le lien filial de façon touchante. Un cocktail de tendresse et de violence au fur et à mesure de l'avancée de ce road trip, sorte de thriller futuriste. On est ému par ce pauvre type, n'ayant pas eu d'autres choix, vu son enfance, que d'emprunter la voie d'un criminel de bas étage. Méprisé et jamais véritablement compris de ses congénères, l'irruption dans sa vie de cette jeune femme se disant sa fille, est une bouffée d'oxygène pour Will. Il va s'y accrocher comme jamais auparavant dans sa vie. le climat violent et anxiogène n'est pas sans émotion, sans élan d'amour même maladroit. J'ai aimé cette alternance et ce beau lien qui se tisse au fil des pages entre le père et ses filles. Laura Kasischke, autrice que j'apprécie tout particulièrement, parle d'une expérience de lecture unique. J'ai eu le même ressenti. Un monde très sombre mais avec ces bulles de vie, d'humour et même d'amour. le potentiel cinématographique de « Somnambule », de Dan Chaon, est indéniable. Je recommande cette lecture. Un des tous meilleurs romans dystopiques américain de ce premier trimestre 2024.
Lien : https://thedude524.com/2024/..
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Je me suis jetée sur ce livre de Dan Chaon, dès son arrivée dans ma boite aux lettres, tant j'avais aimé son précédent « Une douce lueur de malveillance ».
Un grand merci aux Editions Albin Michel Terres d'Amérique pour leur confiance renouvelée.

À bord de son camping-car fait sur mesure, qu'il appelle « L'étoile du Berger », Will Bear sillonne l'Amérique du Nord au Sud, et de l'Est en Ouest, accompagné de son chien Flip, un pitbull traumatisé par des mauvais traitements. Ils se comprennent d'un seul regard.
Will Bear, ou Wilton Baird, ou un de ses neuf pseudonymes, est un mercenaire, homme de main, homme de transports, lorsqu'on ouvre le livre il vient de capturer un jeune Philippin qu'il doit « livrer » à un « bénéficiaire », un client d'une des entreprises qui l'emploie. D'autres fois, il a juste un homme à éliminer, ou des nouveaux nés à amener aux acheteurs. Malgré ce travail assez horrible, Will, la cinquantaine, cheveux longs et petite bedaine, semble vivre la chose facilement, en compartimentant les choses, et en prenant sa microdose de LSD tous les jours, et en fumant joint sur joint. Dans un petit baquet près du siège conducteur, il a neuf téléphones intraçables, chacun étiqueté à chaque pseudo qu'il emploie. Il connait les routes et ses dangers, les pluies acides, les pluies d'eau pleines de lave, les nuées d'insectes, et surtout les caméras omniprésentes. Et les robots des bords de route, et surtout les drones géants équipés de caméras surpuissantes.
Will se méfie de tout et de tout le monde, il n'a même pas d'identité légale, sa mère ne l'ayant pas déclaré à sa naissance.
Un beau jour, ses téléphones intraçables se mettent à sonner, l'un après l'autre, et c'est une voix féminine qui l'appelle. Une voix qu'il ne connait pas. Il jette le premier téléphone par la fenêtre, puis le deuxième, presque tous, il a peur d'être repéré. Finalement il répond, et sa correspondante l'informe qu'elle est sa fille biologique. Elle veut faire connaissance, et elle dit qu'il peuvent s'entraider. Will raccroche.

Comment est-ce possible ? Une fille « biologique »? Comment l'a-t-elle retrouvé, comment a-t-elle trouvé tous ses numéros de téléphone portables, lui qui est si précautionneux ? Lui qui se cache des caméras et des espions, de la police? Lorsqu'il se rappelle qu'il a vendu son sperme et son sang lorsqu'il était sans le sou vers ses vingt ans, il s'interroge : il avait pourtant brouillé les pistes sur ses papiers d'inscription …..

Au fur et à mesure de ses échanges téléphoniques avec sa soi-disant fille, qu'il apprécie de plus en plus, il s'attache à elle, et ses angoisses le reprennent : il se rend compte qu'il est repéré par beaucoup de gens…

La première partie du roman est attachante, avec cet homme déglingué dans ce monde déglingué, mais ensuite, lorsque les secrets apparaissent, le monde s'obscurcit. Mon cerveau aussi. Alors entre ses nombreux patrons ou commanditaires, ses nombreux enfants putatifs, les histoires d'ADN et de gens qui le veulent, ou qui le veulent mort, là j'avoue que mon cerveau a rendu les armes. Je suis loin d'avoir tout compris, on n'est plus dans le road trip, le ton a changé, le rythme, et l'ambiance. Je n'ai pas accroché à la deuxième moitié du roman. Et je m'en veux, mais c'est comme ça. J'ai mis du temps à le terminer, sans plus aucun plaisir de lecture. Dommage…

Ma note : 2,5 sur 5
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OLNI


Ce n'est pas un polar. Il n'y a ni intrigue ni dénouement véritable, une fin cependant. C'est une fiction écrite au fil de l'imagination, qui elle semble sans fin, avec par ci par là quelques belles reflexions qui peuvent donner à réfléchir, ou que l'on peut déjà avoir eues.

Etrange objet. Pas indispendable dans une pile à lire. Pas désagréable pour autant. Personnellement je n'ai pas perdu mon temps.




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