AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,79

sur 53 notes
5
7 avis
4
13 avis
3
3 avis
2
2 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Will est heureux. Ou, en tout cas, ne se demande pas s'il ne l'est pas. Il sillonne les États-Unis à bord de son camping-car l'Étoile du Berger, customisé selon ses goûts, où il conserve tous ses souvenirs. Il est accompagné de son chien Flip, un pitbull qu'il a sauvé plus jeune et qui lui est fidèle. Il a un boulot qui n'est peut-être pas reluisant, mais lui permet de vivre et l'occupe. Sa vie est bien organisée et se déroule sans réel accroc. Jusqu'au moment où le téléphone sonne. Et là, tout dérape.

Forcément, quand l'auteur nous met d'emblée dans la tête d'un personnage qui dit « je », on a tendance à prendre son parti, à le trouver sympathique et à lui pardonner ses quelques défauts. Mais dans ce roman, Dan Chaon ne nous fait pas un cadeau. Car Will, on le découvre très rapidement, n'est pas un enfant de choeur. Son emploi est tout sauf bienveillant : le « care », très peu pour lui. En fait, il exécute les missions que lui confie son employeur, la Value Standard Enterprises, quelle qu'en soit la nature. Cela consiste essentiellement en des convoyages. D'objets, mais aussi d'êtres humains. Et ces derniers ne sont pas nécessairement consentants. Il suffit de voir comment Liandro, son passager dans les chapitres d'ouverture, réagit à son voyage. Et on comprend peu à peu que Will n'a pas d'état d'âme quant à son job. Sauf peut-être quand il a dû transporter un bébé. Et encore. Cela jette un certain doute sur la confiance qu'on peut lui accorder. Or, toute l'histoire passe par ses yeux, son esprit. Nous sommes liés à Will, pour le meilleur et pour le pire. Mais cela n'est pas désagréable, car cet homme est facile à suivre, facile à vivre. Et c'est ce qui surprend. Tout coule, même dans les problèmes.

Peut-être est-ce une conséquence des drogues que Will ingère tout au long de la journée. Pas en grandes quantités, mais de façon continue. Pour tenir sur la route. Car il roule, Will, il roule beaucoup : « Il est aussi dangereux d'être trop éveillé que trop fatigué être légèrement hors de son corps, comme si on se suivait et qu'on surveillait de près ce qui se passe. » Un peu comme nous, lecteurices, qui suivons Will à travers ses déplacements.

Comme je l'ai lu voilà seulement quelques petits mois, cela m'a fait penser à la joie que j'avais ressentie à la lecture des passages de voyage dans L'affaire Crystal Singer d'Ethan Chatagnier. Les déplacements y ont cette même tonalité, ont créé chez moi la même envie de prendre la route et de traverser ces vastes espaces. Alors que je déteste les longs voyages. Ils sont forts, ces auteurs. Et surtout Dan Chaon qui envoie son Will à travers tout le pays. Il faudrait d'ailleurs relire le roman avec une carte pour découvrir la distance énorme parcourue. Les milles s'enchainent dans des paysages variés, attirants pour le personnage malgré leur vétusté. Car Will n'aime pas les hôtels de luxe, les restaurants huppés. le vieux diner un peu crasseux a ses préférences. Comme le motel posté le long des routes où l'on peut se garer devant sa chambre. Et les descriptions de ces États-Unis de l'avenir sont dans ce même ordre d'idée. Tout semble partir en miettes. C'est par le décor que la SF prend ses aises dans ce récit. Pas de façon pesante et intrusive. Non, plutôt par petites touches par-ci par-là. Là, des robots publicitaires qui longent les routes et brandissent des panneaux, publicitaires ou revendicatifs. Ici, des tempêtes « de papillons » qui s'écrasent sur les parebrises et sur les routes, les rendant quasi impraticables. Ailleurs des « terroristes canadiens » qui font exploser des bombes IEM sur une portion du territoire et paralysent une partie de la circulation. Dans certaines villes, des couvre-feux difficiles à faire respecter tant l'armée manque de bras. Partout, des caméras qui photographient, filment, archivent la présence, les actions de tout le monde. Et les conservent dans des bases de données. Un avenir inquiétant, vraiment.

C'est dans ce pays en voie de décomposition que Will menait sa petite vie tranquille jusqu'à ce qu'un de ses téléphones normalement intraçables sonne. À l'autre bout du fil, une jeune femme qui prétend être sa fille. le grain de sable qui fait dérailler la mécanique bien huilée qui guidait les pas du personnage principal. le roman est une quête. Celle d'un possible père bien involontaire (on parle ici de don de sperme) pour une paternité ni désirée, ni imaginée. Mais qui s'installe dans son esprit et y prend une place de plus en plus considérable. D'ailleurs, on comprend pourquoi grâce aux nombreux retours en arrière qui évoquent la figure de la mère, très originale, mais vraiment pas agréable. le thème de la parentalité est très fortement traité dans ces pages.

Malgré toutes les alarmes qui clignotent dans l'esprit de Will, l'attrait est trop fort. Même si cela doit conduire à un vaste chaos. Jusqu'à une fin qu'on sait dès le début violente et douloureuse. Sanglante et définitive. Certains lecteurs ont trouvé les deux parties disproportionnées : une longue errance jusqu'à la vérité et une conclusion trop rapide. Je ne suis pas d'accord. Je ne pense pas nécessaire de s'appesantir sur le dénouement. C'est la recherche qui compte. C'est le cheminement. Et il est passionnant, sans temps mort.

Une fois de plus, merci à Gilles Dumay qui, sans le savoir, m'a donné envie de découvrir Somnambule. Je ne regrette aucune des pages lues et dévorées dans le même état que Will : porté par l'écriture et le récit, je suis allé au bout de ce roman pratiquement d'une traite. J'ai fait la route avec lui, à bord de l'Étoile du Berger, à côté de Flip, au milieu des décombres d'un pays en pleine déliquescence. Et je ne peux que vous conseiller de faire de même.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          428
Quelque part aux Etats-Unis, demain.
Will Bear ou William Baird ou Wilard Baier ou peu importe comment il se fait appeler en fonction des circonstances, est le « larbin » d'une organisation criminelle plutôt opaque.
Ses missions : convoyer quelqu'un ou quelque chose, brûler une habitation, tuer un gêneur à travers tous les Etats-Unis qu'il sillonne en tous sens à bord de son camping-car de luxe « L'étoile du berger » . Lui, échappe à tous les radars dans cette société violente, hyper connectée, hyper surveillée par des drones de tous genres. En effet, il n' »existe » pas officiellement, n'a pas de numéro de sécu, pas d'adresse, d'e-mail, de page Face book… Aussi est-il plutôt surpris quand, sur un de ses téléphones intraçables, il se retrouve en ligne avec une jeune femme qui se dit être sa fille biologique. Hors d'enfant, Biil, Will, Barry, n'en a pas.
Commence alors un road trip au cours duquel Blair, Wilton, Billy remontera le fil de ses souvenirs d'enfance notamment avec sa mère, souvenirs qu'il avait préféré oublier.
J'ai adoré le récit foutraque de ce type qui ira bien plus loin que ce qu'il pouvait imaginer. J'ai adoré ce personnage. Ce n'est pas un ange, loin de là mais ses états d'âme, ses pensées brouillonnes souvent d'une grande naïveté, son attachement à Flip, pitbull rescapé de combats de chiens, son humour décalé me l'ont rendu diablement attachant.
Une belle découverte.
Commenter  J’apprécie          330
Avec « Somnambule », Dan Chaon réalise un road trip futuriste sous substance hallucinogène, dans un monde dystopique où les drones-robots côtoient des humains et des animaux au potentiel modifié. Une Amérique où les groupes sectaires, les milices et autres organisations ont supplanté Washington et les pouvoirs fédéraux. Dans un monde en déliquescence parfaitement décrit, Dan Chaon nous parle d'un homme qui sillonne les routes américaines, il s'appelle Will Bear et il est accompagné de son fidèle pitbull, Flip. Will Bear n'est qu'une des nombreuses identités de cet homme au travail peu commun. Il possède des dizaines d'identités différentes, un nombre de portables tout aussi important correspondant à chacune d'entre elles. Son boulot consiste à assassiner, transporter des otages ou autres choses insolites comme poser des explosifs. Il ne se pose pas trop de question. La vie n'a pas été tendre avec lui. Sa mère était une psychopathe, une manipulatrice de haut vol qui a tout fait pour détruire la vie de son fils, jusqu'à l'irréparable. Un jour, alors que Will est dans son camping car, plusieurs portables sonnent en même temps, une chose impensable car chacun d'entre eux est relié à une identité bien précise. Will finit par décrocher et son choc est à la mesure de l'annonce faite au bout du fil : une jeune femme prétend être sa fille biologique et elle se dit en grand danger. Will va devoir choisir entre la poursuite d'une vie solitaire comme homme à tout faire au service d'organisations criminelles, ou prendre sa vie en main et assumer son passé pour sauver sa fille. Bien sûr, l'irruption dans sa vie de sa fille biologique, réveille en lui les traumas de son enfance et de sa relation toxique (le mot est faible) avec sa mère. C'est un roman dystopique magnifiquement écrit, dense, où l'on ressent une ambiance folle et anxiogène avec des descriptions saisissantes d'une société américaine en décomposition. La relation qui se tisse entre cette jeune femme et Will est au coeur du roman, mais pas seulement car en piratant les portables, la fille de Will met sa vie en danger, et celle de son père biologique par la même occasion, qui se retrouve poursuivi, de toute part, par plusieurs organisations qui lui veulent la peau. Un roman sombre mais non dénué d'un humour noir bien senti. L'amour pour son cher Flip est tendre, l'animal représentant énormément pour lui. Dan Chaon interroge le lien filial de façon touchante. Un cocktail de tendresse et de violence au fur et à mesure de l'avancée de ce road trip, sorte de thriller futuriste. On est ému par ce pauvre type, n'ayant pas eu d'autres choix, vu son enfance, que d'emprunter la voie d'un criminel de bas étage. Méprisé et jamais véritablement compris de ses congénères, l'irruption dans sa vie de cette jeune femme se disant sa fille, est une bouffée d'oxygène pour Will. Il va s'y accrocher comme jamais auparavant dans sa vie. le climat violent et anxiogène n'est pas sans émotion, sans élan d'amour même maladroit. J'ai aimé cette alternance et ce beau lien qui se tisse au fil des pages entre le père et ses filles. Laura Kasischke, autrice que j'apprécie tout particulièrement, parle d'une expérience de lecture unique. J'ai eu le même ressenti. Un monde très sombre mais avec ces bulles de vie, d'humour et même d'amour. le potentiel cinématographique de « Somnambule », de Dan Chaon, est indéniable. Je recommande cette lecture. Un des tous meilleurs romans dystopiques américain de ce premier trimestre 2024.
Lien : https://thedude524.com/2024/..
Commenter  J’apprécie          160
Acide - Road Trip - Criminalité - Paranoïa - Famille.

« Ha ha » dit La Nébuleuse brumeuse.
« Ha ha » répond Patches. 



Un arbre de Josué et une Airstream sur la couverture et me voilà à quémander un service de presse*. Généreusement @terres_amerique me fait parvenir un exemplaire et me voilà à road tripper avec la Nébuleuse brumeuse.

Sorte de plouc prétentieux, ermite aux identités secrètes, criminel endurci aussi répugnant que charismatique et étonnamment attachant.



Dans la vie, la Nébuleuse brumeuse est transporteur de « marchandises ». Il passe son temps libre à se droguer et à sillonner les routes US au volant de L'Étoile du Berger avec son fidèle Flip. 



Mais quand Cammie déboule de nulle part en prétendant être sa fille c'est l'APOCALYPSE.

La Nébuleuse brumeuse s'engage alors dans une course contre la montre totalement hallucinée en quête de vérité dans un pays à feu et à sang.

Dan Chaon nous sert des personnages truculents. Des timbrés, fêlés, brisés, ravagés par la vie, qui ne demandent qu'à survivre dans ce monde sordide et agonisant. Cette société au décor post-apocalyptique, gorgée de folie, désincarnée, ultra connectée où groupuscules, suprémacistes blancs, fanatiques religieux et meurtriers sanguinaires s'affrontent dans des luttes de pouvoir.

Le bouquin brille par son intelligence mordante, son style décapant, ses allusions sociopolitiques aussi douces que subtiles et ses dialogues tranchants comme une lame de rasoir.

Critique foudroyante des problématiques de notre monde, Somnambule est un punk western futuriste sauce Transmetropolitan vs The Joker, extravagant, jouissif, percutant et inspirant dont on tombe amoureux à la première page et pour lequel on ressent immédiatement le manque à la dernière.

L'auteur ? Un génie malicieux.
« Tout juste ».
Commenter  J’apprécie          102
Extrait de ma chronique :

De fait, quoique Somnambule n'utilise guère le surnaturel que comme une métaphore (le "château hanté" de la page 244 ou le "terrain zombie" de la page 142), c'est peut-être du genre fantastique (tel que le décrit Joël Malrieu) dont il est le plus proche.


Après tout, le phénomène inhabituel qu'est Cammie, cette "présence fantomatique bienveillante" digne du Her de Spike Jonze (pages 74 ou 178), est bel bien, au final, le reflet des désirs profonds de Billy (un désir de famille, pour le dire vite et mal), sans parler de la façon dont il fait remonter à la surface son passé enfoui (page 72)
Lien : https://weirdaholic.blogspot..
Commenter  J’apprécie          100
Laura Kasischke nous annonce :  « une expérience de lecture unique », et très vite on comprend pourquoi car dès le départ Dan Chaon brouille les pistes, en nous désoriente quelque peu en nous transportant dans un futur proche, à bord d'un camping-car pour une traversée des États-Unis, bien loin du road trip habituel auquel on aurait pu s'attendre. Mais il ne s'arrête pas là et pousse notre imaginaire à se demander si tout cela est bien réel ou si on vit un rêve éveillé, à travers le personnage de Will qui conduit quand même sous l'emprise de drogue…


Les drones font dorénavant partie du décor, ils surveillent tout en étant prêt à intervenir si besoin. Car dans ce monde la violence demeure et la technologie domine. 

Le passé de Will s'immisce dans le présent de ce futur hors norme et nous aide à comprendre son besoin d'invisibilité et sa peur de devoir y mettre un terme pour sauver une âme perdue, Will n'étant pas démuni d'empathie même si parfois il tue sans aucun remords quand c'est nécessaire. 

Dan Chaon réussit à nous embarquer dans un roman noir dystopique avec humour qui permet d'adoucir les scènes de violence tout en rendant Will attachant, en abordant également le thème de la paternité du manière absolument originale tout en étant crédible.
Ça donne à réfléchir au futur qui approche à grand pas. 

C'est là que l'on reconnaît le talent de l'auteur, qui continue à nous hanter bien longtemps, laissant dans notre mémoire l' histoire d'un mec, Will, le somnambule qui erre sur les routes américaines, au prise avec une voix venue d'ailleurs. 
Commenter  J’apprécie          20
Joli mois de mars bis repetita...Le dernier roman de Dan Chaon est une claque... Nous suivons un attachant narrateur aussi imprévisible, rêveur qu'effrayant parfois mais jamais nous lui lâchons la main. Il pourrait s'agir d'une dystopie, rien n'est moins sûr. C'est plutôt comme ci il nous éveillait au monde tel qu'il est déjà, comme lui s'éveille tout au long du livre. Et c'est violent, inquiétant, émouvant.
L'écriture est une musique de Menuet avec refrains Métal. Un de ces livres qui va me hanter et enrichir ma perception du monde...
Un bémol sur la toute fin, pas à la hauteur de ce qui précèdes...
Laura Kasischke est en accord avec moi (voir le 4ème de couv :)) et c'est une autrice importante en littérature... et pour moi. je vous conseille tous ces livres et en particulier "A Suspicious River"
Commenter  J’apprécie          20


Lecteurs (221) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4899 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *}