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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
AVERTISSEMENT : Macroniste s'abstenir !

Je suis en colère.
Cette colère est devenue rage. Et cette rage a commencé maintenant à s'attaquer à mon corps, à mes organes, à mon foie, mes poumons.
Et cette colère, puis cette rage trouve sa source dans le monde demi-divin (semi-jupitérien) macroniste, de ce monde LREM qui détruit tout ce qui reste de manifestation de Fraternité (ou Soro-Fraternité comme j'aimerais pouvoir l'écrire) de notre pays, le mot Liberté à perdu son sens et égalité deviens une sombre équité, ce « mérite » cher à Buchenwald. Et ces être humains élus sous l'étiquette LREM se revendique du management moderne
Et…
Et j'ai lu cet essaie. Et il m'a éclairé sur la source de ma rage. Comment des personnes humaines peuvent-être s'enténébrer ainsi ? Comment peuvent-elles ne pas voir l'appel au néant qu'elles émettent ? LREM est l'étiquette de « Manager le pays comme on Manage une multinationale capitaliste » (Manger le pays comme on mange les personnes humaines d'une industrie capitaliste).
Et j'ai compris pourquoi certain présentateurs radio ont voulu discréditer le travail de monsieur Chapoutot. Par aveuglement, pas l'aveuglement de l'obscurité créative des insomniaques, non, celle des ténèbres destructrice né de la peur de l'à venir. Chapoutot nous dit d'où tous cela vient. Il nous expose la genèse du management totalitaire ultra-libérale. le Nazisme est un totalitarisme comme le fut le stalinisme comme l'est l'ultra-libéralisme.
Maintenant, je peux regarder ma rage en face, puis ma colère, je pourrais regarder son cheminement et son effet et je sais qu'une fois qu'elle sera passé, je pourrais me retrouver et alors je serais libre à nouveau de désobéir en conscience et en amour. Ce cour essai fut pour moi une belle thérapie.

Macroniste s'abstenir au risque d'être déstabilisé !

Lien : https://tsuvadra.blog/2020/0..
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Deux aspects principaux dans ce livre :
- En premier lieu
- Quels principes de l'idéologie ont influencé le management de la "machine" nazie ?
- Quelles contraintes économiques, géographiques, historiques ont fait de même
- En second lieu
- Comment, après guerre, les technocrates nazis ont intégré la nouvelle économie démocratique de la RFA
- Et ont intégré ou adaptés les "outils" de management au management moderne.
J'ai été étonné par la facilité pour certains responsables de passer de l'un à l'autre.

Le livre en profite pour tordre le cou à quelques idées préconçues.
Oui le nazisme est un totalitarisme, mais on pourrait dire que ce n'est pas un "État totalitaire" tant la haine de l'État est forte au sein du nazisme.
Le nazisme se voit, en quelque sorte, comme un chantre de la nature : il faut laisser grande liberté d'organisation, laisser l'organisation grandir organiquement dans une sorte de darwinisme organisationnel permanent.
Les buts sont évidemment définis depuis le sommet.

> Les historiens et les politistes ont donné à cette improbable organisation le nom de « polycratie » : ce qui caractérise le IIIe Reich est en effet la multiplicité des instances de pouvoir et de décision, ainsi que leur compétition incessante. le constat est, en première instance, surprenant : « rigueur allemande » et « goût de l'ordre » ne sont pas au rendez-vous, moins encore la logique « totalitaire » de l'unité et de la verticalité.

## Quels sont les rapprochements troublants entre le nazisme et les pratiques de management d'après guerre ?

- Même si l'on ne parle pas d'une même échelle d'intensité : le "darwinisme" social et organisationnel
Les individus et organisations les plus efficaces doivent émergés d'eux-mêmes par opposition aux moins ou non productifs.
La vie est une lutte.
- Faire plus avec moins. Je cite :
> comment administrer un Reich en expansion permanente, avec peu, voire moins, de moyens et de personnel ?
- le management fixe les objectifs, aux échelons inférieurs la liberté de parvenir aux buts fixés (sans forcément de moyens)
> La seule liberté résidait dans le choix des moyens, jamais dans celui des fins.
- Obtenir le consentement par une forme de travail « par la joie » (durch Freude)
> Dans le domaine économique, il apparaît immédiatement nécessaire de créer un management, une Menschenführung, qui gratifie et promette, pour motiver, et créer une communauté productive.

Quelques citations bien plus éclairantes que mon brouillon avis

> La conséquence de ces contradictions et de cette perversion est tout sauf théorique : ne jamais penser les fins, être cantonné au seul calcul des moyens est constitutif d'une aliénation au travail dont on connaît les symptômes psychosociaux : anxiété, épuisement, « burn out » ainsi que cette forme de démission intérieure que l'on appelle désormais le « bore out », cette « démission intérieure »

> Être rentable / performant / productif (leistungsfähig) et s'affirmer (sich durchsetzen) dans un univers concurrentiel (Wettbewerb) pour triompher (siegen) dans le combat pour la vie (Lebenskampf) : ces vocables typiques de la pensée nazie furent les siens après 1945, comme ils sont trop souvent les nôtres aujourd'hui. Les nazis ne les ont pas inventés – ils sont hérités du darwinisme social militaire, économique et eugéniste de l'Occident des années 1850-1930 – mais ils les ont incarnés et illustrés d'une manière qui devrait nous conduire à réfléchir sur ce que nous sommes, pensons et faisons.

Troublant n'est-ce pas ?
Lien : https://post-tenebras-lire.n..
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Yohann Chapoutot approfondit la question de la « modernité » nazie. Incarnée par d'anciens officiers SS, elle va prendre corps dans différentes structures politiques et économiques, de la guerre à l'après-guerre.

Pour certains lecteurs (dont je fais partie), ce très bon récit historique va monter en intensité, en déclenchant des questions, ou des cris effarés.
Mais pour d'autres lecteurs, la « modernité » nazie ne posera pas de problème, pourvu qu'on « oublie » un peu la référence nazie.

Dès les premières lignes, j'ai une question urgente, et persistante : pourquoi le discours d'extrême-droite peut passer comme une lettre à la poste ?

« Être rentable / performant / productif (leistungsfähig) et s'affirmer (sich durchsetzen) dans un univers concurrentiel (Wettbewerb), … »

Ce sont juste des notions familières dans notre monde actuel, comme dans l'Allemagne nazie. Sur le portail d'entrée du camp de concentration de Buchenwald, on peut lire : « À chacun son dû », ou à chacun selon ses mérites (Jedem das Seine). Etc…

Pour certains, ces formules de notre quotidien sont déjà embarrassantes, alors que d'autres dénonceront un faux problème.

Qui peut dénoncer, par exemple, la mission de « Beauté du travail » (Amt Schönheit der Arbeit), l'organisation chargée de la réflexion portant sur la décoration, l'ergonomie, la sécurité au travail et les loisirs sur le lieu de production.

Certains y verront la fabrique du consentement. « Cela passe par une politique sociale et fiscale avantageuse pour des sujets « germaniques » : les impôts baissent et les prestations sociales augmentent – le tout étant financé par les spoliations imposées aux ennemis politiques du régime et aux Juifs en instance d'exil ».
D'autres, en ignorant la spoliation, verront un monde idéal, débarrassé du spectre inutile et dangereux de la lutte des classes. Tout compte fait, un syndicat unique serait aussi plus efficace que la pluralité syndicale.

« La tactique par la mission » (Auftragstaktik) donne au travailleur la liberté de la réaliser en choisissant ses propres moyens. La « délégation de responsabilité » (Delegation von Verantwortung) peut être mise en place de façon autoritaire car c'est pour la « bonne cause ».

Certains se sentiront aliénés, juste « libres d'obéir », à l'idée de ne pas participer à la fixation des objectifs. Et en même temps, j'ajouterais que le fait de fixer les objectifs, ce n'est pas encore participer à poser les problèmes.
Mais d'autres y trouveront du pragmatisme, ou du « bon sens ». Car après tout, c'est bien ce management (Menschenführung) qui a conduit au « miracle économique » de l'après-guerre ; de même que l'ordo-libéralisme, une certaine forme de « liberté encadrée », a fait ses preuves en RFA sur le plan politique.
Enfin, ils ne verront rien d'étonnant à expérimenter l'art de la guerre dans notre contexte de guerre économique. Il y va en effet de la survie de l'entreprise, qui n'est qu'une communauté (Gemeinschaft ou team) combattant pour sa liberté.

« … (Être performant) pour triompher (siegen) dans le combat pour la vie (Lebenskampf). ».

Certains seront frappés d'effroi. L'auteur rappelle à quel point l'idéologie du darwinisme social imprègne la pensée nazie. Et je crois qu'il faudrait insister sur le fait que l'eugénisme, avec sa notion de programmation, est un raisonnement circulaire ; ce qui oppose le darwinisme social, finaliste (intentionnel), à la théorie de l'évolution de Darwin, contingente (sans intention) ; et qui fait de ce programme eugéniste un combat morbide.
Mais d'autres se diront très éloignés du problème des critères raciaux ; tout en rappelant que tout le monde pratique la sélection et l'élimination sur la base de critères définis par avance ; simplement ce sont d'autres critères, et l'élimination n'a pas le même sens.

En poursuivant sans relâche son enquête, l'auteur fourni aux uns et aux autres des moyens d'approfondir l'analyse historique. Il faut repérer, par exemple, les démarches qui remettent en question les protections sociales. Tous les programmes de sélection et d'élimination devraient être pris au sérieux, de l'intention à la réalisation.

Parfois c'est assez simple, comme tel ancien médecin nazi, eugéniste notoire devenu homéopathe, qui continuait à critiquer assez ouvertement le principe même de la sécurité sociale.
Mais généralement ça se complique, car la « modernité » nazie se connecte avec d'autres expériences, comme le taylorisme outre-Atlantique qui se connecte avec Henry Ford, « potentat tayloriste sans scrupule, grand maître des chaînes de production et de l'asservissement des corps, essayiste antisémite et sincère admirateur du IIIe Reich ».

On arrive à l'épilogue de ce livre qui ouvre un autre niveau de questionnement. Il y a une réflexion sur la convergence du problème écologique en termes d'effets morbides de cette « modernité » ; laquelle n'a rien de moderne lorsque apparaît enfin son enracinement idéologique. Il y a enfin une réflexion sur les différentes conceptions de la liberté et plus largement sur le rapport à autrui.

Parmi les nombreuses pistes de réflexion que suggère ce livre, je reviens sur la notion de « biopolitique ». Foucault a écrit le livre « naissance de la biopolitique », mais il n'a pas du tout vu la notion nazie de « bionomique », qui considère qu'il y a un « corps » de la « communauté du peuple » à soigner dans son entier, les individus n'étant que des membres ; d'où on pourrait voir au passage, l'eugénisme comme une conception archaïque de la médecine, qui présuppose dans la maladie, une entité à extraire.

Je crois qu'ici on peut faire un bout de chemin avec Canguilhem grâce à son livre « le normal et le pathologique ». En effet, il y décrit les implications des différentes conceptions de la maladie, mais surtout il voit le non-sens philosophique d'un programme politique conçu à partir d'une compréhension sociale du normal et du pathologique. Selon ce point de vue, par exemple, ce serait encore une fausse piste de considérer le capitalisme comme une pathologie, car ça présuppose une norme sociale.
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Cet essai de Johann Chapoutot dormait dans ma PAL depuis trois ans. En tant que cadre dans l'industrie, il est évident que je redoutais ce que j'allais y découvrir. Tout en ayant une vague idée du management à l'allemande, ayant commencé ma carrière dans une société familiale rhénane.

L'actualité du propos et le lien avec les pratiques managériales actuelles frappent dès les premiers chapitres, consacrés aux bases du management administratif et militaire du mouvement national-socialiste. Flexibilité, rapidité et décentralisation des décisions par une adhésion sans réserve à l'esprit et aux objectifs fixés, délégation totale des moyens, paternalisme offrant loisirs et qualité de vie au travail pour les exécutants du peuple élu, promesses d'avancement pour les plus méritants… on retrouve les théories qui sont à la base des théories les plus modernes avec le management par objectif, l'autonomie des chefs de projets, la société comme lieu d'épanouissement personnel par le team-building.
Les similitudes de l'idéologie nazie du management, moins d'état, plus d'initiatives personnelles, moins d'assistanat, rejoignent singulièrement la propension de certains gouvernements, dont les français, américains, anglais, à remplacer l'administration égalitaire par le management de la rentabilité de la société par des agences indépendantes.

La seconde partie montre comme des théoriciens comme Reinhard Höhn ont échappé aux procès des dirigeants nazis et ont pu continuer à développer et enseigner le management notamment à Bad Harzburg, institut qui a influencé plusieurs business schools dans le monde entier notamment l'INSEAD en France. le cadre exécutif, comme l'officier nazi, s'appropriant la vision et les valeurs pour réaliser ses objectifs avec une autonomie et une liberté maximales tout en étant relégué dès que sa productivité dévie des standards ou qu'il conteste un tant soi peu les objectifs sur lesquels il n'a aucune prise. La base de la guerre économique est fixée, l'immense majorité des bien nés devenant des exécutants du capital, les « sous-hommes » (intérimaires, immigrés) n'étant plus que des ressources à épuiser au maximum sans bénéficier d'un minimum de management et de bien-être au travail, dans une troublante similitude avec la période nazie.

J'avoue que cette lecture m'a profondément ébranlée par sa logique et sa clarté. Pratiquant le management par objectifs et par projet depuis de nombreuses années, je ne peux que constater les similitudes soulignées par Johann Chapoutot. C'est une lecture absolument nécessaire pour tout citoyen souhaitant examiner de manière éclairée ce que le management d'origine nazie fait à notre monde non seulement économique, mais aussi politique. Et à chacun d'entre nous, jusqu'aux plus précaires.
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Ce petit bijou nous éclaire sur le "management" des "ressources humaines" dans le nazisme, prenant comme fil conducteur la carrière de Reinhard Höhn.

Reinhard Höhn était un juriste, professeur universitaire déjà avant la prise de pouvoir par Hitler. Affilié au NSDAP, et à la SS, apprécié par Himmler et nazi convaincu (antisémite, raciste, ...), il a fini général à la fin de la guerre.

Reinhard Höhn n'a rien inventé, il a juste adapté des idées qui existaient déjà à la situation où se trouvait l'Allemagne à la fin de la Grande Guerre, puis à la gestion de personnel (industriel et militaire) pendant les 12 ans qui ont duré le nazisme et puis dans sa carrière après la deuxième guerre.

Ce juriste, comme beaucoup d'autres intellectuels (mais pas que) on été épargnés après la guerre puisqu'ils étaient nécessaires pour la reconstruction de l'Allemagne. Ceci n'est pas un secret pour personne.

L'Allemagne a réussi sa reconstruction sûrement grâce, en partie, aux idées de Reinhard Höhn. On peut se poser la question de la validité, d'un point de vue humain, de ses idées mais toujours est-il que, d'un point de vue efficacité, ça a marché. Peut-être aussi qu'il y avait d'autres voies possibles.

Sa méthode consistait à déléguer la responsabilité des tâches aux collaborateurs : on leur donnait une mission et ils étaient libres de choisir comment la réaliser, mais étaient, en même temps, responsable du succès. Cette délégation de responsabilité est la cause d'une pression pouvant devenir insupportable.

Sa méthode, bien que largement utilisée juste après la guerre a fini par être contestée et actuellement n'est plus considérée comme une méthode de gestion acceptable. Chapoutot nous cite un exemple d'un procès concernant l'entreprise Aldi (Aldi et pas Audi). Même si certaines méthodes actuelles de gestion de personnel soient contestables, je ne pense pas que l'on puisse dire qu'elles héritent toutes de la méthode Reihard.

Ce livre sera, sûrement, une source pour des complotistes - on voit déjà apparaître des raccourcis de raisonnement du genre "Reinhard était nazi, Reinhard était un libéral. Alors, le libéralisme et le nazisme, c'est la même chose". On voit aussi se manifester dans ce sens des opposants à Emmanuel Macron (sans vouloir défendre Emmanuel Macron, ce raccourci complotiste me fait sourire...).

Le libéralisme, comme le capitalisme, ne sont que des modèles de fonctionnement partiels d'une économie. Ils ne dictent pas le fonctionnement global d'une société, comme c'est le cas du communisme. Au sujet du capitalisme, il est intéressant de se référer au livre "Le capitalisme est-il moral ?" de André Comte-Sponville, philosophe pourtant de tendance politique à gauche. Il ne faut pas confondre capitalisme (ou libéralisme) et capitalisme (libéralisme) sauvage.

Enfin, c'est un livre facile à lire et très clair, écrit par quelqu'un qui connaît profondément le sujet.
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Si vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi votre entreprise vous inflige annuellement le rituel sadomasochiste d'un entretien sur vos objectifs et vos performances, vous découvrirez avec ce livre que c'est en partie dû à un ancien général de la Gestapo qui s'est reconverti dans la formation au management après la dernière guerre mondiale..
Inutile de vous indigner, l'auteur de « Libres d'Obéir » n'entend pas comparer, bien entendu, le management des entreprises à celui d'un camp de concentration. Johann Chapoutot est Professeur d'histoire contemporaine à Sorbonne Université, et un spécialiste du nazisme et de l'Allemagne. Et ce livre est avant tout une analyse historique qui replace la pensée managériale nazie dans son contexte. Sur les huit chapitres du livre, seulement une partie d'entre eux abordent le sujet sur lequel je concentre mon propos dans cette recension. Mais c'est lui qui a fait polémique et assuré le succès du livre.
Son propos ne tend donc à rien d'autre qu'à démontrer que, les mêmes causes déterminant les mêmes effets, la recherche de la productivité maximum, telle que nous la connaissons aujourd'hui, et telle qu'elle était devenue une nécessité absolue pour l'Allemagne en guerre, pousse, en des périodes pourtant très différentes, à l'utilisation de méthodes aliénantes parfaitement identiques. le management par objectifs est l'une d'entre elles, qui n'est qu'une version mise à la sauce libérale d'une pratique théorisée entre 1936 et 1945 par certains universitaires nazis.
Le « management par délégation » tel que théorisé par le Pr. Dr. Reinhard Höhn au sein de l'Institut Bad Harzburg, qu'il fonda en 1954, est l'application à l'entreprise d'une conception militaire allemande antérieure à la 2nd guerre mondiale mais théorisée pendant cette dernière, connue sous le nom d'Auftragstaktik, soit la tactique par objectif : une mission est donnée à un officier qui doit l'accomplir comme il le souhaite et comme il peut, pourvu que l'objectif soit atteint.
C'est d'ailleurs grâce à cette conception que l'armée allemande nous a flanqué une pâtée mémorable en 1940.
Pour l'entreprise, c'est 200 000 cadres allemands et étrangers de très haut niveau qui ont été formés à ces méthodes, de 1954 à 1990, répandant la bonne parole dans les plus grandes entreprises européennes. Avec les conséquences que nous connaissons aujourd'hui, ce management par délégation étant la source des injonctions contradictoires auxquelles sont soumis la plupart des cadres et employés de nos jours.
Ce livre est passionnant, et son auteur un esprit extrêmement brillant. Alors qu'on parle beaucoup de perte de sens dans les entreprises, de « quiet quitting », de grande démission et autres syndromes prouvant la désaffection des salariés envers le monde du travail, lire ou relire ce livre ne semble pas inutile pour y comprendre quelque chose.
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En son temps j'avais lu la loi du sang penser et agir comme un nazi qui m'avait marqué au plus haut point. C'est donc avec un grand intérêt que j'ai entamé la lecture de libre d'obéir.
Bien restructuré, bien documenté et servi par une belle qualité d'écriture, ce livre nous fait découvrir une vision du management très dur qui trouve ses racines dans le III ème Reich et qui encore appliqué de nos jour par un grand nombre d'entreprises comme Aldi.
Le livre nous explique la théorie de Reinhart Höhm, ex-nazi , sur le management. On en retient que l'être humain est réduit à une ressource, une masse salariale, un producteur.
Sous couvert d'un vocabulaire flatteur, l'employer devient par exemple un collaborateur, il devient prisonnier des objectifs qu'on lui fixe, réalisables ou non, légaux ou pas. Seul le choix des moyens utiliser pour réussir à atteindre ses objectifs lui sont laissés.
Passé au travers de la période de dénazification, Höhm a réussit dans les année 50 et jusqu'à sa mort, à travers son école, a diffuser ses théories sur le management dur et inhumain néanmoins débarrassé de ses idées antisémites et eugénistes.
A lire absolu pour comprendre notre monde du travail actuel. C'est instructif et extrêmement préoccupant de savoir que nous vivons dans un monde ou domine le Darwinisme social.
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J'ai été interpellé à 2 reprises par des amis se référant à Chapoutot.
J'ignorai ce nom.
Curieux, j'ai lu "Libres d'obéir". Joli titre. Intrigant.
Le sous-titre ne l'est pas moins : "Le management, du nazisme à aujourd'hui".
Je ne m'étais jamais posé la question de cette filiation.
Pour moi, le management c'était Peter Druker donc américain aménagé à la sauce japonaise avec le Kaizen, le "lean management", les 5P, les 5S et autres frivolités de ce genre.
Chapoutot est historien et spécialiste du nazisme. C'est donc à un livre d'histoire qu'on a à faire et d'histoire contemporaine.
"Libres d'obéir" nous raconte l'histoire d'un mec Reinhard Höhn, intello juriste qui devient Oberführer. C'est lui qui a pensé l'adaptation des institutions au Grand Reich. En gros, comment "manager" les peuples avec peu de manager? Comment les rendre performant?. La réponse nazi passe bien-sûr par le social-darwinisme, l'eugénisme et le racisme. Cela est connu. Ce qui l'est moins c'est l'anti-étatisme du nazisme. le modèle des nazis c'est le peuple en arme de la révolution française. L'état est l'ennemi qui fige les actes dans des normes, des règles et des questions de conscience. Les nazis ne veulent pas s'encombrer de tout cela. le chef donne l'objectif, l'exécutant le réalise par tous les moyens qu'il trouvera à sa disposition sans se poser de question ni de méthode ni de conscience. Il est libre d'obéir ou d'obéir. On est déjà dans le management par objectif.
Après la guerre, ce fameux Reinhard Höhn s'est reconverti dans le management en créant un institut à Bad Harzburg. 600 000 cadres sont passés à la casserole Höhn. C'est ainsi que l'Allemagne a gagné la guerre, la vraie, la guerre économique.
Ce qui est frappant c'est la perméabilité du libéralisme et du nazisme.
Le libéralisme crée le nazisme qui engendre le libéralisme.
La seule question : Quand est-ce qu'on en sort.

Excellent petit bouquin.
Bravo monsieur Chapoutot
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Voici un livre dont le titre peut être interprété comme un énième point Godwin pour dénoncer le management. le contenu cependant, nous livre une analyse fort intéressante sur les origines des méthodes "agiles", "lean" et autres inepties que tout salarié connait si bien.

A travers le parcours de Reinhard Hohn, un haut dignitaire Nazi dans les années 30 et 40, Johann Chapoutot, historien spécialiste de l'Allemagne Nazie, nous décrit son travail intellectuel au sein de la SS puis sa reconversion dorée dans le milieu Universitaire et du Conseil pour les entreprises et grands industriels.

Les Nazis avaient horreur de la bureaucratie rigide, de l'obéissance aveugle à la hiérarchie et de manière générale de l'Etat fort, causes qui selon eux ont mené aux défaites et au déclin des Empires et de l'Allemagne.

ls ont ainsi promu au sein de l'armée "l'organisation par objectif". L'idée est simple: un officier se voit définir un objectif qu'il ne peut ni contester ni contribuer à élaborer, mais il dispose par contre d'une liberté entière de "moyens" afin de l'atteindre. Cette liberté étant censé déboucher sur une joie et un accroissement de motivation et d'implication dans le travail quotidien.

"Etonnante modernité nazie: l'heure n'est pas encore aux baby-foot, aux de yoga ni aux chief happiness officiers, mais le principe et l'esprit sont bien les mêmes".

L'auteur relie également cette conception à la philosophie vitaliste et à "La Liberté Germanique" revendiquées fièrement par les Nazis. Selon eux il faut promouvoir le "mouvement épousant la dynamique de la vie et de l'histoire" afin de permettre au peuple Germanique d'exploiter pleinement son potentiel dans un esprit de Darwinisme social.

Après la guerre, les intellectuels nazis, dispensant désormais leur savoir dans les écoles de mangement et autres séminaires, continueront à prôner le même discours (l'obsession de la race et l'antisémitisme en moins): célébration de l'élasticité, de l'initiative créatrice et du bien-être au travail.

La suite, on la connait bien: "les méthodes de mangement par objectifs reposent sur un mensonge fondamental et fait dévier l'employé d'une liberté promise vers une aliénation certaine, pour le plus grand confort de la direction qui ne porte plus elle seule la responsabilité de l'échec potentiel ou effectif".

"Ne jamais penser les fins, être cantonné au seul calcul des moyens est constitutif d'une aliénation dont on connait les symptômes psychosociaux: anxiété, épuisement, burn out et démission intérieure..."

Un livre d'actualité pour comprendre les fondement de ce management déshumanisant qui sous couvert d'émancipation et de bienveillance finit par rétrograder l'homme au rang de ressource (in)humaine.
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Un essai clair et tout à fait abordable qui m'a ouvert les yeux sur le nazisme. Pour moi, ce "phénomène" était une horreur de l'histoire du passé, enterrée et lointaine. Mais l'auteur nous montre brillamment que cet "épisode de l'histoire" n'est pas arrivé par hasard, ni l'oeuvre de fous sadiques. Non, le nazisme, ce sont des hommes (et des femmes sans doute mais peu sont évoquées...) presque comme vous et moi, qui font des choix politiques, qui s'arriment à des croyances en une pureté de race, qui excècrent tout le social et la solidarité d'une société qu'ils jugent décadente. Travail, ordre et peuple élu.
Je pensais naivement que la fin de la guerre avait apporté un coup d'arrêt à tout ça mais le pire, je trouve, est la persistance dans les hautes sphères, de tout cet aréopage coopté d'anciens nazis qui ont continué tranquillement leur vie.
Et cerise sur le gâteau, ils ont continué à nous dispenser leurs théories fumeuses tel Reinhart Höhn, maître en management et organisation des entreprises. Cet homme est mort à 97 ans et à bien pu répandre sa prose manageriale.
Le pire, le pire, c'est que quantité de cadres ont été formés en connaissance de cause : j'ai du mal à comprendre que connaissant le passé de Höhn et ses comparses, on ait pu continuer tranquillement à le solliciter, à s'en inspirer...que ce soit en Allemagne ou ailleurs.
Et cette liberté d'obéir, (ou le mot liberté n'est qu'un leurre pour cacher une autonomie déguisée donc liberté inexistante, on se paye de mots) encore une entourloupe pour asservir et se décharger sur les subalternes, une bien belle théorie du courage et de responsabilité.
Alors, on peut dire que les nazis n'en sont pas à l'origine, cette conception de la performance et de l'ordre a simplement été théorisée au maximum de ses possibilités. Mais quand même...
Que toutes les entreprises et leurs cadres aient adopté sans sourciller ces théories, parce qu'un nouveau mot "management" faisait paraître moderne un mode d'organisation a l'origine douteuse, ça me dépasse.
Non, vraiment c'est la que je me sens bien naïve. Il y a quelque chose de pourri dans ce monde....
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