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EAN : 9782130549581
224 pages
Presses Universitaires de France (01/01/2005)
4.07/5   38 notes
Résumé :

Cet ouvrage est la thèse de doctorat en médecine présentée en 1943 par Georges Canguilhem, augmentée, lors de sa réédition vingt ans plus tard, de réflexions philosophiques sur la signification du terme « normal » en médecine. La thèse débute par une étude historique sur l'identité des phénomènes normaux et pathologiques, dogme de la pensée médicale au... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Préparez-vous à une plongée dans l'histoire philosophique moderne de la médecine occidentale : éclairant tour à tour Claude Bernard, Auguste Comte et René Leriche, Canguilhem (que nous appellerons Bob pour nous faciliter la tâche d'écriture) nous montre que notre conception de la santé et de la maladie est influencée par un jugement quantitatif de phénomènes dits normaux. Point de vue bien axiomatique puisque ce qui est jugé normal et anormal est souvent arbitraire. La philosophie de la médecine évoluant autour de ce trou de chiottes bouché, Bob craint de la voir devenir de plus en plus normative, un peu comme un jeune con finit par devenir de plus en plus con au fil des années afin de ne pas devoir remettre en question sa vie passée de conneries et de gâchis. Et lorsqu'en plus on s'appelle Auguste Comte et que l'on considère que l'on peut transposer son savoir médical en politique, en affirmant par exemple que la guérison de la société est un retour à sa structure essentielle, on s'enfonce dans la merde jusqu'au cou et on comprend comment les normativités physiologique et politique peuvent s'imbriquer l'une dans l'autre. Ce n'est pas un hasard si Michel Foucault (pas le présentateur télé) kiffait Bob au point de prolonger sa réflexion en avançant le concept de biopouvoir.


« Réforme hospitalière comme réforme pédagogique expriment une exigence de rationalisation qui apparaît aussi en politique, comme elle apparaît dans l'économie sous l'effet du machinisme industriel naissant, et qui aboutit enfin à ce qu'on a appelé depuis la normalisation. »


Chiant sur la gueule de tous ces philosophes-médecins (fut une époque où les deux disciplines n'étaient pas distinctes comme aujourd'hui), Bob propose de dépasser une conception de la maladie comme variation quantitative. Il propose alors une conception comme variation qualitative, c'est-à-dire comme absence ou altération d'une fonction. La maladie n'est plus un degré moindre ou maximum de santé, elle est un état qui n'a rien à voir avec la santé, elle est autre. Ça ne vous rappelle personne ? ça ne vous rappelle même pas ce bon vieux Nietzsche qui écrivait que la maladie était la meilleure chose qui lui soit arrivée dans la vie, lui permettant d'envoyer chier ses fondations le temps de faire le tri entre soi-même et autrui, lui faisant découvrir de nouvelles pensées et des sensations inédites ? Vous ne voyez pas Nietzsche dans tout ça, lui qui écrivait :


« Encore un pas dans la guérison : et l'esprit libre se rapproche de la vie, lentement il est vrai, presque à contrecoeur, presque avec défiance. Tout se fait de nouveau plus chaud autour de lui, plus doré pour ainsi dire ; sentiment et sympathie acquièrent de la profondeur, des brises tièdes de toute sorte passent au-dessus de lui. Il se trouve presque comme si ses yeux s'ouvraient pour la première fois aux choses prochaines. Il est émerveillé et s'assied en silence : où était-il donc ? Ces choses prochaines et proches : comme elles lui semblent changées ! Quel duvet et quel charme elles ont cependant revêtus ! Il jette en arrière un regard de reconnaissance pour ses voyages, pour sa dureté et son aliénation de soi-même, pour ses regards au loin et ses vols d'oiseau dans les hauteurs froides. Quel bonheur de n'être pas resté toujours « à la maison », toujours chez lui comme un douillet, un engourdi de casanier! Quel frisson inéprouvé! Quel bonheur encore dans la lassitude, l'ancienne maladie, les rechutes du convalescent ! Comme il se complaît à rester tranquillement assis avec son mal, à filer la patience, à se coucher au soleil ? Qui comprend, comme lui, le bonheur qu'il y a dans l'hiver, dans les taches de soleil sur la muraille ! Ils sont les animaux les plus reconnaissants du monde, et les plus modestes, ces convalescents, ces lézards, à demi revenus à la vie : — il y a tels parmi eux qui ne laissent pas passer un jour sans lui appendre au bas de sa robe traînante un petit couplet louangeur. Et pour parler sérieusement : c'est une cure à fond contre tout pessimisme (le cancer, comme on sait, des vieux idéalistes et héros du mensonge) que de tomber malade à la façon de ces esprits libres, de rester malade un bon bout de temps et puis, lentement, bien lentement, de revenir en bonne, j'entends en « meilleure » santé. Il y a science, science de vivre, à ne s'administrer longtemps à soi-même la santé qu'à petites doses. »


Ainsi, la vie de la maladie est une vie autre et la guérison qui peut lui succéder n'implique pas le retour à un état antérieur mais l'apparition d'un nouvel ordre, d'une nouvelle norme individuelle incomparable à toute autre. La santé se laisse alors comprendre comme la capacité à s'accaparer des conditions extérieures jusqu'alors subies pour s'en faire le maître. Ce n'est finalement rien d'autre que le passage de la passivité à l'activité, cher à Spinoza. Voyez ainsi les souffrances que connaît le névrosé à mesure que, s'enfermant dans un mode de vie restreint, se privant des possibilités multiples et raisonnables que lui offre la vie, s'en protégeant par de nombreux actes rituels qui sont autant d'empêchements à niquer la vie, il s'enferme dans une dégueulasse prison dorée. le mode de vie du névrosé est ultra-spécifique. Placez-le sans lui demander son avis dans un monde différent et il préfèrera se laisser crever plutôt que d'affronter ses angoisses. C'est assez contraire à ce que Bob appelle un organisme sain (le terme est assez malheureux) :


« L'organisme sain cherche moins à se maintenir dans son état et son milieu présents qu'à réaliser sa nature. Or cela exige que l'organisme, en affrontant des risques, accepte l'éventualité de réactions catastrophiques. »


C'est bien beau tout ça mais qu'est-ce que ça veut dire que réaliser sa nature dans une société qui n'a plus grand-chose de naturel ? Sans doute que ça veut dire qu'on essaie de casser le moins de pots possibles. D'ailleurs Bob étend rapidement sa réflexion sur les questions de la santé dans l'organisme à celles sur la santé des sociétés. Ainsi, si l'organisme procède par l'intégration et l'intériorisation de nouvelles normes venant supplanter celles qui se sont avérées déficientes, Bob remarque que les sociétés préfèrent créer des structures parallèles venant masquer celles qui sont devenues déficientes. Si la guérison de l'organisme est invention d'une nouvelle norme pour l'avènement d'un ordre radicalement nouveau, la guérison de la société n'existe pas à l'état actuel des choses car sa frilosité l'empêche de faire table rase des structures pourries.


Mouais, on se demande pourquoi Bob pète un câble pour passer de la médecine du corps à la médecine sociétale - ce qu'on appelle, par abus de langage, politique. Sans doute, cette dérive est avérée de longue date dans l'histoire de la pensée : Auguste Comte par exemple considérait que toute rupture de l'homéostasie sociale pouvait être suivie d'un remède adapté pour revenir à une norme immuable. Mais ce qu'il oublie de se demander, le con, c'est vers quel but se dirige cet ensemble sociétal qu'on doit sans cesse fouetter et corriger et faire revenir à son point de départ ? Bob dit : « Dans le cas de la société, la régulation est un besoin à la recherche de son organe et de ses normes d'exercice. Dans le cas de l'organisme, au contraire, le fait du besoin traduit l'existence d'un dispositif de régulation ». Ce qui lui fait se demander : « Si l'individu se pose la question de la finalité de la société, n'est-ce pas le signe que la société est un ensemble mal unifié de moyens, faute précisément d'une fin avec laquelle s'identifierait l'activité collective permise par la structure ? » Dans un cas (Comte) comme dans l'autre (Bob), on remarquera que la philosophie est la discipline par excellence qui permet de passer d'un sujet à un autre n'ayant aucun rapport avec le premier pour en tirer des conclusions qui n'en ont rien à voir. Mais la politique était à la mode dans les années 60-70, sans doute pour ça que Bob n'a pas pu s'empêcher de donner son avis là-dessus. de nos jours, il parlerait sans doute des droits des femmes ou des animaux parce que la politique s'est réduite à une rubrique dans Closer où on voit des gens à poil ou en train d'en baiser d'autres. Si ça c'est pas un sacré dégénérescence de la société. A force de considérer que la maladie n'est qu'une subtile variation de l'état de santé, on a fini par tout accepter. Ah oui, la connerie des gens, ce n'est qu'une légère déviation de l'intelligence, faisons-la entrer dans les moeurs et faisons-en le nerf de guerre de la communication, érigeons-la en modèle et affadissons toute différence qui aurait pourtant judicieusement permis de distinguer un individu des milliards d'autres qui l'entourent. Bob craignait justement cette confusion, qu'on fasse de la santé un truc moyen, un genre de guérison morne et fade, un genre de résignation. Là encore il faut citer Nietzsche pour se donner une idée de ce que pourrait être la nouvelle santé qui suit la maladie, de ce nouvel état d'être qui est plus grande acuité de l'Etre. Et Nietzsche gueulait :


« A vous surtout qui avez la part la plus dure, êtres rares, extrêmement menacés et courageux au plus haut de l'esprit, vous qui devez être la conscience de l'âme moderne et en avoir, à ce titre, la science, vous en qui se rassemble tout ce qu'il peut y avoir aujourd'hui de maladie, de poison et de péril, -dont le sort veut que vous soyez plus malades que n'importe quel individu parce que vous n'êtes pas « rien qu'individus »…, dont la consolation est de connaître, ah ! et de prendre le chemin d'une santé nouvelle, santé de demain et d'après-demain, vous les prédestinés, vous les vainqueurs, vous les triomphateurs du temps, vous les plus sains, les plus forts […] »


Certes, Nietzsche écrit comme le bon fanatique qu'on s'imagine mais c'est la voix d'une condition au-delà de la santé et de la maladie qui s'exprime. Une voix qui n'est pas un plus ou moins de normalité mais une voix qui est autre. C'est à un au-delà d'une société du nivellement mimétique que Bob nous convie. Et avec beaucoup d'humilité, vingt ans après la publication de sa thèse, il reconnaîtra, pour ne pas donner l'impression d'avoir voulu tout faire sauter :


« Et sans doute il fallait la témérité de la jeunesse pour se croire à la hauteur d'une étude de philosophie médicale sur les normes et le normal. La difficulté d'une telle entreprise fait trembler. Nous en avons conscience aujourd'hui en achevant ces quelques pages de reprise. A cet aveu, le lecteur mesurera combien, avec le temps, nous, conformément à notre discours sur les normes, réduit les nôtres ».

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Le normal ou le pathologique amène à réfléchir sur le rapport entre le vivant et son milieu, entre le vital et le social.
Quelques pages d'histoire de la médecine montrent qu'il y a toujours un moment où la croyance signifie l'audace de contredire et de s'engager dans une nouvelle voie avec optimisme. Ce moment arrive quand une précédente croyance est manifestement devenue dogmatique.
« La santé et la maladie se disputait l'homme, comme le bien et le mal, le Monde. » avant que Claude Bernard qualifie cette médecine manichéenne du XVIIIème siècle de « vieilleries médicales » et ne voit « entre ces deux manières d'être que des différences de degré ».
Il reste néanmoins délicat de dire à quel point le succès d'une théorie est déterminé par la croyance sous-jacente. La théorie microbienne des maladies contagieuses devrait une part de son succès à ce qu'elle contient de représentation ontologique du mal. Tandis que la découverte de la fonction glycogénique du foie par Cl Bernard devrait son succès à la croyance que « toute maladie a une fonction normale correspondante dont elle n'est qu'une expression troublée, exagérée, amoindrie ou annulée ».
L'auteur ne peut s'empêcher de noter que cette dernière croyance déjà manifestée par Broussais conduisait celui-ci à « ramener toute pathogénie à un phénomène d'accroissement et d'excès, et par suite toute thérapeutique à la saignée ».
D'une certaine manière les croyances oscillent d'une forme d'optimisme à l'autre, ou dans le piège du dualisme entre le Même et l'Autre. Mais il est déjà bon de savoir le reconnaître.
En 1943 l'auteur introduit sa thèse à peu près dans ces termes, mais en 1966 dans la 2ième partie du livre, il nuance sa critique de Claude Bernard dont il reprochait « le fondement d'une thérapeutique décidément en rupture avec l'empirisme », car la connaissance rationaliste de la maladie paraissait en effet recherchée au préalable au moyen de la physiologie et à partir d'elle. Bacon ne disait-il pas « On ne commande la nature qu'en lui obéissant ».
Cette thèse de G. Canguilhem relève certes les affinités d'idées entre les sciences de la vie et la société mais ne creuse pas le déterminisme historique outre mesure. C'est Michel Foucault, son successeur, qui creusera dans ce sens. Ce que l'auteur explore tout au long des 2 parties du livre, c'est une relation hasardeuse entre le vital et le social.
Écoutons le malade, demande l'auteur, sans se laisser submerger par « ce fait massif d'expérience médicale que les symptômes morbides subjectifs et les symptômes objectifs se recouvrent rarement.»
L'état pathologique est « une autre allure de la vie », ce n'est pas un simple prolongement, quantitativement varié, de l'état physiologique. L'enquête progresse dans ce sens avec Leriche, grâce à l'étude systématique dès 1919 de la physiologie des moignons nerveux, basée sur l'expérience des blessés de la grande guerre. Goldstein va dans le même sens sur la base de l'observation clinique des blessés du cerveau. « Une perte ou une absence ne suffisent pas à produire le trouble du comportement sensori-moteur. »
La maxime de Vauvenargues pourrait même inspirer au-delà de la méthodologie médicale (Jackson au sujet des aphasies), lorsqu'il dit qu'il ne faut pas juger les gens sur ce qu'ils ignorent, mais sur ce qu'ils savent et sur la manière dont ils savent. (lire aussi Isabelle Stengers sur Whitehead et la rumination du sens commun).
Voici la thèse : « le fait pour un vivant de réagir par une maladie à une lésion, à une infestation, à une anarchie fonctionnelle traduit le fait fondamental que la vie n'est pas indifférente aux conditions dans lesquelles elle est possible, que la vie est polarité et par là, activité normative. »
Le vivant est polarisé pour « persévérer dans son être » (comme dirait Spinoza), mais il est capable d'instituer de nouvelles normes biologiques. « le malade n'est pas anormal par absence de norme, mais par incapacité d'être normatif », c'est-à-dire par l'incapacité à créer des nouvelles normes viables.
« C'est l'abus possible de la santé qui est au fond de la valeur accordée à la santé, comme, selon Valery, c'est l'abus de pouvoir qui est au fond de l'amour du pouvoir. »
Il faut revenir aux observations pour mieux comprendre cette « normativité biologique ». le rythme nycthéméral (jour/nuit) de température peut-être inversé chez le pigeon comme chez l'homme. le pigeon en a la capacité, l'homme le fait volontairement en s'activant la nuit.
Les caractères biologiques variables ne traduisent pas le changement de milieu « comme les variations de l'accélération due à la pesanteur sont en rapport avec la latitude ». « En fait, le milieu du vivant est aussi l'oeuvre du vivant qui se soustrait ou s'offre électivement à certaines influences ».
En 1966, l'auteur prolonge sa thèse à partir d'observations génétiques. Assurément les mutations génétiques ont le pouvoir de diversifier les espèces, mais la sélection naturelle s'explique difficilement par la seule rencontre indépendante de cette série causale avec une autre série causale géographique ou physique.
Qu'on songe à des mutations entraînant la cécité, ou l'anémie de Cooley (létale) fréquente sur le pourtour de la Méditerranée, ou encore une certaine affection enzymatique (non létale) étudiée par le Dr Pequignot en 1964,…
…et voyons dans ces 3 cas interprétés par l'auteur, le sens de la normativité biologique.
Dans le 1er cas nous pouvons comprendre la genèse d'une espèce aveugle mais dans l'impasse d'une vie cavernicole.
Dans le 2ième cas en revanche, la sélection naturelle n'est pas qu'un effet des conditions du milieu, mais aussi d'une régulation d'origine biologique qui est l'homéostasie génétique (Lerner, 1954). Dans ce cas, la supériorité sélective des individus hétérozygotes sur les homozygotes implique que la survie d'une population est favorisée par la fréquence des hétérozygotes.
« La vie multiple d'avance les solutions aux problèmes d'adaptation qui pourront se poser. »
Dans le 3ième cas encore plus troublant, les individus affectés de l'anomalie génétique se trouvent être plus résistants au paludisme, et se maintiennent donc mieux dans les régions concernées.
« Nous nous garderons de définir le normal et le pathologique par leur simple relation au phénomène de l'adaptation ».
Tout au long du livre, l'auteur rapporte quelques imports scabreux entre le vital et le social. C'est d'abord une évocation de cité idéale de Platon, puis c'est la politique positiviste de Auguste Comte qui conçoit « une thérapeutique des crises politiques consistant à ramener les sociétés à leur structure essentielle et permanente, à ne tolérer le progrès que dans les limites de variation de l'ordre naturel que définit la statique sociale. » en songeant sans doute au remède de la saignée. C'est encore ce qu'on retrouve dans l'acception psycho-sociale très passive de l' « adaptation », mais cette fois l'auteur s'insurge : « Définir l'anormalité par l'inadaptation sociale, c'est accepter plus ou moins l'idée que l'individu doit souscrire au fait de telle société, donc s'accommoder à elle comme à une réalité qui est en même temps un bien… Si les sociétés sont des ensembles mal unifiés de moyens, on peut leur dénier le droit de définir la normalité par l'attitude de subordination instrumentale qu'elles valorisent sous le nom d'adaptation. ».
L'auteur qui se défend par avance d'être taxé d'anarchisme, tente au contraire d'aborder le vital sans préjugé social, et réciproquement le social par une meilleure compréhension du vital.
Cependant je ne suis pas sûr que les croyances ou idéologies sociales, suspectées de déterminer le succès des théories médicales, ne se développent qu'en oscillant entre des catégories préconçues. D'autre part, l'auteur émet une réserve embarrassante au sujet de la théorie mutationniste de la genèse des espèces : en effet il met en doute la possibilité pour des mutations « restrictives » ou « superficielles » de générer des espèces, mais en montrant en même temps leur caractère « durable », il semble au contraire qu'elles peuvent "s'accumuler" pour donner forme à un ensemble complexe. (Bergson émettait à peu près le même genre de réserve). C'est une enquête à suivre, peut-être avec l'épigénétique.
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Un chef-d'oeuvre de la philosophie médicale : on comprend enfin le concept de norme par ces explications, on ne rabaisse pas la médecine à un relativisme mais on dresse un concept du pathologique qui n'absolutise pas ce qui est relatif et qui conserve ce qui doit être conservé. La pathologie est comprise par rapport à un individu aux normes propres mais rapportée de cette manière selon un principe général que l'essai expose justement. Canguilhem devrait être convoqué plus souvent, notamment en psychiatrie...
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Très intéressant. L'auteur distingue le normal du pathologique, du point de vue de la médecine, et examine ces deux concepts. Toutes les pages ne sont pas faciles à lire si on n'a pas eu de formation en médecine ou en biologie, mais ça n'empêche pas la compréhension générale de l'oeuvre.
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Un ouvrage difficile qui tente, avec un certain succès, de requalifier le normal en sain et le pathologique en incapacité morbide d'encore produire "sa" norme. C'est une thèse et cela se sent, de nombreuses références médicales restent hermétiques au non initié. le propos général ressort néanmoins, il pourfend la statistique et ramène le normal à chaque individu, en ce sens, l'ouvrage est oxygénant pour l'époque d'aujourd'hui rongée par la quantitatif.
Des pages sombres sur "l'erreur" en pathologie ne parviennent pas à convaincre au contraire des idées puissantes sur le pouvoir de la norme du vivant et par extension sur l'extension d'une norme dans la société.
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Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
Une norme tire sons sens, sa fonction et sa valeur du fait de l’existence en dehors d’elle de ce qui ne répond pas à l’exigence qu’elle sert.
[...]
De cette destination et de cet usage polémique du concept de
norme il faut, selon nous, chercher la raison dans l’essence du rapport normal/anormal. Il ne s’agit pas d’un rapport de contradiction et d’extériorité, mais d’un rapport d’inversion et de polarité. La norme, en dépréciant tout ce que la référence à elle interdit de
tenir pour normal, crée d’elle-même la possibilité d’une inversion des termes. Une norme se propose comme un
mode possible d’unification d’un divers, de résorption, d’une différence, de règlement d’un différend. Mais se proposer n’est pas s’imposer. A la différence d’une loi de la nature, une norme ne nécessite pas son effet
.
C’est dire qu’une norme n’a aucun sens de norme toute seule et toute simple. La possibilité de référence et derèglement qu’elle offre contient,du fait qu’il ne s’agit que d’une possibilité, la latitude d’une autre possibilité qui ne peut être qu’inverse. Une norme, en effet, n’est pas la possibilité d’une référence que lorsqu’elle a été
instituée ou choisie comme expression d’une préférence et comme instrument d’une volonté
de substitution d’un état de choses satisfaisant à un état de choses décevant.
Ainsi toute préférence d’un ordre possible s’accompagne, le plus souvent implicitement, de l’aversion de l’ordre inverse possible
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La maladie n’est pas seulement déséquilibre ou dysharmonie, elle est aussi, et peut-être surtout, effort de la nature en l’homme pour obtenir un nouvel équilibre. La maladie est réaction généralisée à intention de guérison. L’organisme fait une maladie pour se guérir.
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Quand la maladie est tenue pour un mal, la thérapeutique est donnée pour une revalorisation ; quand la maladie est tenue pour un défaut ou pour un excédent, la thérapeutique consiste dans une compensation.
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C'est par référence à la polarité dynamique de la vie qu'on peut qualifier de normaux des types ou des fonctions. S'il existe des normes biologiques c'est parce que la vie, étant non pas seulement soumission au milieu mais institution de son milieu propre, pose par là même des valeurs non seulement dans le milieu mais aussi dans l'organisme même. C'est ce que nous appelons la normativité biologique.

L'état pathologique peut être dit, sans absurdité, normal, dans la mesure où il exprime un rapport à la normativité de la vie.
Mais ce normal ne saurait être dit sans absurdité identique au normal physiologique car il s'agit d'autres normes. L'anormal n'est pas tel par absence de normalité. Il n'y a point de vie sans normes de vie, et l'état morbide est toujours une certaine façon de vivre.
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L’idée commune à Comte et à Cl. Bernard, malgré la différence d’intentions notée au début, c’est qu’une technique doit être normalement l’application d’une science. C’est là l’idée positiviste fondamentale : savoir pour agir. […] Comte pense que la maladie remplace des expériences et Cl. Bernard pense que les expériences, même pratiquées sur l’animal, nous introduisent aux maladies de l’homme. […] Leriche pense, lui, qu’on procède le plus souvent en fait, et qu’on devrait en droit presque toujours procéder, de la technique médicale et chirurgicale, suscité par l’état pathologique, à la connaissance physiologique.
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Vidéo de Georges Canguilhem
Amos Squverer Dans le normal et le pathologique (1943), ouvrage entre science et philosophie, devenu classique, Georges Canguilhem apportait des éclairages essentiels sur la différence entre ces deux notions, en examinant la façon dont ils s'étaient déployés dans la physiologie et la biologie du XIX-XXe siècle. Les distinctions alors établies sont-elles encore pertinentes, si l'on tient compte à fois de certaines problématiques nouvellement apparues en philosophie – par exemple celle du care – et du développement ou de l'orientations des sciences, notamment biologiques ou neurologiques?
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