Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il comprend les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus de 2016 à 2018, écrits, dessinés et encrés par
Frank Cho, avec une mise en couleurs réalisée par Marcio Menyz. Outre les couvertures originales de
Frank Cho pour chaque épisode, il comporte aussi les couvertures alternatives réalisées par
Dan Mora, Nick Robles,
Carlos Magno,
Brandon Peterson, Geoff Darrow.
Il y a 25 ans de cela, dans le ciel au-dessus de la Chine, un homme est en train de tomber dans le vide. Il est en position allongée. Il embrasse la photographie d'une femme, et se laisse tomber sereinement. Deux paysans transportant des affaires sur une minuscule carriole tirée par un âne le voit s'écraser au sol. Ils accourent pour se pencher au-dessus du cratère. Thomas
Skybourne rouvre les yeux en lâchant un juron, bien vivant dans son costume à peine abimé. Au temps présent, à Istanbul en Turquie, des hommes armés amènent une jeune femme désarmée à un dénommé Ahmed, dans un grand bureau. Elle annonce qu'elle s'appelle Grace
Skybourne et qu'elle vient chercher l'artefact que la fondation Sommet de Montagne lui a acheté. Il s'agit d'une épée. Il indique qu'un autre collectionneur s'est porté acquéreur. Elle rappelle que la fondation a déjà payé par avance et elle indique qu'elle est là pour acquérir l'épée à tout prix. Ahmed prend ça comme une contre-proposition dans une négociation de type bâton/carotte. Grace
Skybourne répond qu'elle est le bâton.
Ahmed insulte Grace
Skybourne. Elle indique à un interlocuteur invisible qu'elle a retrouvé l'épée, car Ahmed vient de la sortir de son étui. Elle transperce le ventre de l'homme le plus proche d'elle d'un violent coup de sa main, puis elle tue froidement 2 autres gardes toujours à main nue. Ahmed reprend ses esprits et parvient à s'enfuir par une autre porte, pendant que Grace se dépatouille des autres gardes. Elle finit par arracher une porte blindée de ses gonds pour poursuivre Ahmed. Entretemps, ce dernier a rejoint sa voiture et s'enfuit. Grace avertir son équipe en soutien de le poursuivre, pendant qu'elle bondit vers le toit en passant à travers la verrière. Ses renforts la préviennent que leur véhicule est coincé. Elle utilise le cadavre d'un de ses opposants en le lançant de toutes ses forces sur le parebrise de la Sedan conduite par Ahmed. Peu de temps après, un cardinal catholique dénommé Swiggy a atteint un monastère en Chine où il retrouve Thomas
Skybourne. Ce dernier regrette que son voeu de cancer des testicules pour Swiggy n'ait pas été exaucé.
Frank Cho est un artiste jouissant d'une réputation certaine dans le milieu des comics, acquise grâce à sa manière très sensuelle de représenter les femmes, que ce soit
Shanna the she-devil ou Brandy Carter dans Liberty Meadows. Il est également l'auteur complet de récits de superhéros comme Savage Wolverine. le lecteur s'interroge sur quel type de récit il a pu proposer à un éditeur comme Boom! Studios qui publie plutôt des récits tout public, et des séries jeunesse. Par la force des choses, il note la présence d'une belle femme sur la couverture et sur la quatrième de couverture : Grace
Skybourne. S'il feuillète rapidement les pages, il remarque une page où elle émerge d'une pièce réfrigérée dans le plus simple appareil (mais couverte de bulles) et une autre où elle enfile un teeshirt. Ce sont les 2 seules occurrences où l'artiste titille le lecteur, et de manière finalement assez chaste par rapport à d'autres comics de superhéros. Sous réserve d'être attentif, il y a également un torse de sirène dénudé, mais là encore avec des éléments de décors ou de lettrage qui masquent sa poitrine. Sans aller jusqu'à dire que
Frank Cho s'est assagi, en tout cas il a réalisé une histoire grand public qui se tient à distance de toute chosification du corps des femmes.
De fait, le lecteur apprécie une narration visuelle réalisée à partir d'images très propres sur elles, avec des contours minutieux et discrètement arrondis par endroit, avec une mise en couleurs de type naturaliste, avec un usage raisonné des effets spéciaux. Dès la première page, le lecteur peut observer les caractéristiques des dessins de
Frank Cho : des traits de contours nets et précis, avec un soupçon de souplesse, un degré de simplification qui s'applique aux textures, les plis des vêtements étant marqués, sans exagération pour conserver des formes pas trop chargées et une lisibilité immédiate. Les visages sont traités de la mème manière. En y regardant de plus près, le lecteur observe que le relief des surfaces est rendu par les variations de nuances dans les couleurs. de ce point de vue, Marcio Menyz effectue un travail impressionnant qu'on ne peut pas réduire à un simple rendu des couleurs naturelles de la peau, des vêtements, des espaces naturels ou des constructions. C'est encore lui qui transcrit la matière des écailles des dragons. Il mérite le qualificatif d'artiste au même titre que
Frank Cho au vu de ce que les couleurs décrivent, de ce qu'elles montrent, à part égale avec les traits encrés. L'apport de Menyz est tellement organique que le lecteur ne se rend même pas compte de la disparition des décors pendant la deuxième scène d'affrontement du premier épisode, grâce aux effets de fumée, de décharge d'énergie, de présence de nuages. S'il conserve cette manière de voir à l'esprit, il remarque également quelques pages où la mise en couleurs bascule dans un registre expressionniste, par exemple pour un effet de violence physique (une couleur rouge sang en fond de page) ou d'embrasement (une scène baignant dans la vivacité des flammes).
Le lecteur se rend vite compte que
Frank Cho n'est pas très intéressé par les décors à quelques exceptions près. Il y a donc, en ouverture, cette case de la largeur de la page avec une vue de la partie supérieure d'un alignement d'immeubles d'Istanbul. Au fil des séquences, il peut aussi regarder la magnifique porte de l'enceinte du monastère (ornée d'un beau dragon), le flanc déchiqueté et enneigé d'une montagne à Zermatt en Suisse, l'alignement de cellules dans lesquelles sont détenus les monstres mythologiques, les portes de Pandora, et c'est à peu près tout. L'artiste fait quand même le nécessaire pour donner une idée de la volumétrie de chaque lieu en quelques traits, et il peut donc se reposer sur le travail consistant et conséquent du coloriste. Fort heureusement, il en va autrement pour les personnages.
Frank Cho a soigné Grace
Skybourne, que ce soit pour sa silhouette qui ne repose pas sur la morphologie d'un top-modèle, ou pour son visage qui est celui d'une adulte et pas d'une jeune adolescente. Il a investi le même soin dans la définition graphique de Thomas
Skybourne, à égalité avec sa soeur, ce qui souligne encore une fois que ce récit n'est pas un exutoire pour la fascination ou l'obsession de Cho pour le corps féminin. Les personnages secondaires disposent d'une apparence également remarquable, parfois un peu dérivative. Il est difficile de ne pas voir dans Taggart un hommage appuyé à Alfred Pennyworth, surtout au vu de sa fonction. le général Ian Morger a également la tête de l'emploi, c'est-à-dire un militaire blanchi sous le harnais avec une belle moustache, évoquant d'un peu plus loin le général Thaddeus Ross. le cardinal Swiggy présente bien, avec une allure très digne dans sa soutane, malgré son surnom et sa façon de ne pas mâcher ses mots.
Dès le premier épisode, il devient évident que
Frank Cho a avant tout soigné sa narration visuelle. Son objectif premier n'est pas d'en mettre plein à la vue au lecteur, mais de raconter son histoire avec efficacité. Effectivement la chute de Thomas
Skybourne est montrée de manière factuelle, plutôt qu'avec des angles obliques pour une dramatisation excessive. le combat à main nue de Grace
Skybourne privilégie la fluidité du déroulement des actions successives, plutôt que les cases dans lesquelles elle prend la pose. le lecteur apprécie cette manière de raconter où la clarté passe avant l'esbroufe. Cela ne donne que plus d'impact aux pages dans lesquelles Frank Co se fait plaisir : un individu transpercé par une épée, un dessin en pleine page pour l'arrivée des dragons, une tête de monstre qui éclate sous l'action d'une roquette tirée par un bazooka, Thomas
Skybourne éventrant un dragon depuis l'intérieur, etc. du fait la primauté de la narration sur le spectaculaire, ces cases libèrent toute leur force.
Le lecteur se lance donc dans cette lecture avec plaisir, grâce aux dessins clairs et agréables à l'oeil. Il reste intrigué par les 3 pages de prologue, en se demandant comment elles se rattacheront à l'intrigue principale. Il observe Grace
Skybourne mettre sa pâtée à Ahmed avec une efficacité meurtrière, en notant l'existence d'une épée magique et d'une personne avec une force surhumaine. Il découvre l'existence d'une deuxième personne dotée d'une force surhumaine, le frère de Grace, ainsi que de créatures surnaturelles. Il comprend assez rapidement que l'objet du récit n'est pas de développer l'origine de ces créatures ou de ce frère et de cette soeur, mais de mettre en scène une aventure avec des monstres mythologiques, et un enjeu relevant du mythe. Les explications s'avèrent dont un peu courtes et les combats restent assez basiques.
Frank Cho raconte son histoire avec efficacité, mais il est difficile de ressentir de l'empathie pour Grace
Skybourne du fait de sa forme d'invincibilité. Il éprouve plus de sympathie pour Thomas
Skybourne à la fois pour sa forme de mélancolie, à la fois pour son absence de motivation pour se remettre au combat. Il sourit un peu en découvrant les sarcasmes bien sentis du cardinal Swiggy (et la réponse de Thomas concernant un souhait pour un cancer des testicules), sans qu'ils ne suffisent pour autant à dresser un portrait de cet individu.
L'appréciation du lecteur pour cette histoire dépend de ce qu'il est venu y chercher. Il trouve une aventure rondement menée, servie par une narration visuelle au service du récit, sans être démonstrative, à l'opposé d'un artiste qui se regarde le nombril. Il s'avère que les personnages ne sont pas très développés, et que le contexte mythologique est présenté comme allant de soi, sans non plus beaucoup d'épaisseur. le lecteur ne trouvera pas dans ce récit des planches exsudant de sensualité féminine, l'auteur s'étant attaché à raconter une histoire avant tout. Il peut être touché par l'explication qui vient relier la chute du prologue au reste du récit. Entre 3 et 4 étoiles.