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Citations sur Chez soi (114)

"Le sage n'a que faire de sortir de chez lui et voyager; c'est le sot qui chercher la marmite d'or au pied de l'arc-en-ciel. Mais l'un et l'autre sont inexorablement prédestinés à se rencontrer et à s'unir. Leur point de rencontre c'est le coeur du monde, où commence et finit le chemin." (Henry Miller, in Chez Soi)
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Ce mouvement incessant, ce lent et subtil travail de mise en forme réciproque entre un lieu et ses occupants, on en trouve une illustration dans Le Roman d’une maison de Rezvani. L’écrivain y évoque la petite maison – « un peu plus qu’un cabanon, un peu moins qu’une villa » – du massif des Maures, dans le Var, où il a vécu avec sa femme Lula. Baptisée La Béate, à la fois « modeste et somptueuse », elle « n’a jamais été une “belle maison” ni même de cette sorte de construction dont on se dit qu’elle a été pensée, souhaitée, désirée telle qu’elle est, dit-il. Non, elle est devenue belle par la façon dont elle a été vécue et dont elle s’est modifiée sans pour cela changer d’aspect ». Elle se rapproche de « certains coquillages simplement beaux pour avoir été sécrétés en innocence par la formulation même du vivant… Comme si le fait d’avoir été l’abri d’une façon d’être et de vivre en son creux avait produit une forme singulière, belle par la nécessaire justesse de sa fonction ».

[...]

Par ailleurs, je suis aussi – comme beaucoup d’autres – très sensible à l’image de la maison isolée dans un paysage campagnard ou sauvage. La Béate des Rezvani, perdue dans le massif des Maures, en représente l’exemple parfait. Ce motif revient avec insistance dans les images que j’épingle sur mon Pinterest : un tableau d’un auteur inconnu intitulé Monastère sur la colline, issu de la collection d’André Breton ; une photo de la minuscule île islandaise d’Ellidaey, étendue verte entourée de falaises abruptes sur laquelle se détache un unique cottage blanc ; la petite maison rouge posée en équilibre sur un rocher au milieu des flots tumultueux de la Drina, en Serbie… Lorsque ce monde me fatigue, j’ai coutume de clamer que je vais « aller vivre dans une cabane au milieu de la forêt ». Peut-être est-ce le regard perplexe de mon compagnon, qui semble alors procéder mentalement à une rapide évaluation de mon temps de survie prévisible, qui m’a poussée à vouloir mieux sonder cette aspiration un peu machinale.
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Chez soi - Mona Chollet (2015)

Il y a des années, dans une enquête sur la dislocation du temps subie par des salariés de l’ouest de la France travaillant en horaires décalés, une ouvrière de l’agroalimentaire témoignait : « Quand elles ont un mardi de congé, mes collègues se dépêchent de rattraper le retard dans leur maison. Elles reviennent fatiguées, je le vois bien, elles disent : “J’ai fait mes vitres.” » Ce détail est resté fiché dans ma mémoire. On peut y voir le poids qui pèse sur les femmes et qui leur interdit toute estime d’elles-mêmes si elles n’entretiennent pas impeccablement leur logement. Mais des vitres propres, c’est aussi le plaisir d’un intérieur plus lumineux ; c’est une vision plus nette du monde extérieur. Pour qu’on puisse l’apprécier, cependant, encore faut-il que le ménage n’ait pas épuisé le temps libre dont on disposait. Ayant pris des vacances pour travailler à l’écriture de ce livre, je passe le premier jour à nettoyer et à ranger ; le lendemain, en me réveillant dans un appartement propre et net, avec devant moi la perspective de pouvoir en profiter sans restriction pendant une semaine entière, j’effectue une petite danse de joie à travers les pièces.
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Redevenir maîtres de leurs temps et de leur travail représenterait sans aucun doute un immense soulagement pour un grand nombre de gens, tel cet ingénieur qui clamait sur son blog qu’il serait « tellement plus utile au chômage ». On pourrait alterner les périodes de salariat et celles où l’on prendrait part à des activités collectives, rémunérées ou non, et celles où l’on se retirerait à l’écart pour souffler, réfléchir, créer, se reposer, prendre du recul, se ressourcer, passer du temps avec ses proches.
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Le travail, constate Vaneigem, "a fait de la paresse sa putain". Il observe : "L'habitude s'est si bien implantée d'accepter n'importe quel travail et de consommer n'importe quoi pour équilibrer cette balance des marchés qui règne sur les destinées comme la vieille et fantomatique providence divine, que rester chez soi au lieu de participer à la frénésie qui détruit l'univers passe étrangement pour scandaleux." Alimenter le système, si absurde soit-il, procure une image de soi valorisante (quoi de plus glorieux que de n'avoir "pas une minute à soi" ?) et dispense de toute réflexion sur ce qu'on souhaiterait faire de sa vie. "Le grand défi, c'est que chacun doit réapprendre à vivre."
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Dans Temps difficiles, sa magistrale satire de la révolution industrielle, Charles Dickens dote le sinistre Thomas Gradgrind d'une "horloge statistique" qui mesure chaque seconde "avec un tic-tac semblable à des coups frappés sur le couvercle d'un cercueil".
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L'historien britannique Edward P. Thompson a décrit le choc des premières générations d'ouvriers lorsqu'elles se virent imposer un temps de travail défini par l'horloge, la sirène ou la pointeuse, et non plus par la tâche à accomplir. Avec cette mutation s'est perdue l'habitude spontanée d'alterner les périodes de labeur intense et les périodes d'oisiveté, que seuls ont conservée les travailleurs indépendants, "artistes, écrivains, petits fermiers, étudiants", et que Thompson considère comme le rythme naturel de l'être humain. (Souvent, d'ailleurs, c'est lorsqu'on ne doit obéir à rien d'autre qu'aux exigences de la tâche elle-même que l'on est disposé à travailler le plus dur.)
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L'humanité n'a pas évolué du plus petit soubresaut depuis Sénèque, qui faisait déjà remarquer : "Personne ne revendique le droit d'être à soi-même. On est parcimonieux s'il s'agit de garder intact son patrimoine ; mais quand il s'agit de perdre son temps, on est prodigue dans le seul domaine où l'avarice serait honorable."
Le tort que nous nous infligeons en nous refusant le droit à ces plages régulières de quant-à-soi, de recul, de lenteur et de plénitude rêveuse, en le refusant aux autres, est incommensurable. Ce n'est pas un état productif, ou pas toujours, mais c'est un état fécond, et même vital, qui permet la respiration de l'être, son ancrage dans le monde.
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Les écrivains voyageurs étaient d'ailleurs confondus, dès le départ, dans la mère de toutes les métaphores : celle de l'univers comme un livre que nous sommes appelés à déchiffrer. C'est ce que nous souffle, à l'autre bout du spectre des écrivains classés par degré de mobilité, l'un des plus sédentaires - encore que ce soit très relatif, s'agissant d'un Argentin qui a grandi en Israël et passé vingt ans au Canada : Alberto Manguel. Auteur d'une Histoire de la lecture, il vit depuis une quinzaine d'années dans un ancien presbytère médiéval, en Poitou-Charentes, au milieu des trente-cinq mille ouvrages de sa bibliothèque. Pour lui, tout lecteur est un "Robinson en chambre". Le texte, fait-il remarquer, "s'étend visiblement dans le passé des pages déjà lues et dans le futur de celles à venir, de même que nous pouvons voir la route déjà parcourue et deviner celle qui nous attend".
Chacun, en fonction de ses dispositions personnelles et des occasions qui s'offrent à lui, s'enfonce plus ou moins loin sur les routes de terre ou de papier ; mais ces routes mènent au même but. "Le sage n'a que faire de sortir de chez lui et de voyager ; c'est le sot qui cherche la marmite d'or au pied l'arc-en-ciel, écrit Henry Miller. Mais l'un et l'autre sont inexorablement prédestinés à se rencontrer et à s'unir. Leur point de rencontre, c'est le coeur du monde, où commence et finit le Chemin.
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Un journaliste casanière: voilà un oxymore embarrassant (page 18)
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