J'ai découvert
Antoine Choplin récemment avec
La nuit tombée qui fut un très gros coup de coeur, d'où mon envie de lire d'autres romans de cet auteur.
Avec
le héron de Guernica j'ai retrouvé la même finesse d'écriture, la même économie de mots, la même douceur qui là aussi côtoie la désolation.
Basilio se rend à l'exposition universelle à Paris pour voir le tableau de Picasso, Guernica. Il se demande comment il a pu peindre la tragédie sans l'avoir vécue?
Basilio lui y était et il peint aussi.
le jour où une pluie de bombes s'est abattue sur Guernica, il était dans le marais, lieu de calme et de sérénité où il avait l'habitude de se rendre avec sa toile et ses peintures. Son unique sujet d'étude était les hérons cendrés. Sa préoccupation était de les rendre vivants, qu'on ne les prenne pas pour des oiseaux empaillés.
"D'abord, la question de cette immobilité.
C'est curieux comme de ces poses qu'aime prendre le héron, de ces postures qu'il sait prendre parfaitement inertes, émane pourtant une sorte de palpitation. Même à vingt ou trente mètres, on le perçoit, le frémissement invisible, le battement profond qui cogne aux parois de ce corps figé."
Il se remémore la vie tranquille qui était alors la sienne et celle des habitants de Guernica, jusque là à l'écart de la guerre d'Espagne.
La veille avait eu lieu le bal du village. Ce jour était jour de marché. Mais bientôt cette relative insouciante laisse place à l'horreur des bombardements des avions allemands.
le père Eusébio confie alors à Basilio la tâche de photographier pour témoigner, lui qui, dans ses peintures, sait si bien capter l'atmosphère.
" Il lui apparaît que la vérité de ce qu'ils sont en train de vivre, lui et ceux de Guernica dont le coeur n'a cessé de battre, ne peut s'accomoder de découpages. C'est un tout dont on ne peut rien extraire sans supercherie. Ce qui se voit ne compte pas plus que ce qui reste invisible, que ce qui pourrait apparaître, ou qui se tient en attente derrière les angles de murs; que ce qui va surgir, d'un instant à l'autre, du ventre des nuages.
Non, décidément, cette vignette dérisoire s'enracine dans un espace bien plus vaste. ça n'est rien d'autre que le fugace point d'émergence d'un temps en train de s'écouler, portant l'espoir ou la crainte, et dont la photographie ne saura rien dire, ou si peu."
Ce livre est une réflexion sur le rôle de l'artiste et sa légitimité à rendre compte. L'art y est très présent, la peinture, la photographie, la musique.
Malgré sa concision, c'est un texte riche et magnifique.
Antoine Choplin est un auteur encore assez confidentiel, peut être parce qu'il est publié par des éditeurs peu connus, comme le Rouergue ou La Fosse aux ours.
Pourtant, les deux livres que j'ai lu de lui sont des petites pépites.
Je recommande vivement...
Lien :
http://leslivresdechris.blog..