Le soleil venait de se coucher. Les monts du Grand Khingan étaient brumeux, comme la vie de Ye Wenjie. Un rêve était apparu dans cette grisaille, coloré et étincelant, mais, comme toujours, elle avait fini par se réveiller, comme le soleil qui fini toujours par se lever, sans aucun espoir.
Quand on vous parle de sauver le monde, vous ne pensez qu’aux humains ! Et sauver les autres espèces, c’est dérisoire ? Qui a donné aux humains une telle place d’honneur sur la planète ? Non, les humains n’ont pas besoin d’être sauvés. Ils vivent déjà bien mieux qu’ils ne le méritent.
Vous nous avez raconté votre vie et votre plainte tient à la fin en une phrase et une série de "je ne sais pas" ?
(note de moi : comme tout le roman ^^)
Regardez là, cette vermine, la différence de technologie entre nous et eux est de loin plus grande que celle existant entre les Trisolariens et nous. Les humains ont tout tenté pour l’éliminer: ils les ont bombardés de toute sorte de poisons, les ont arrosés par avion, ont essayé d’introduire et d’élever leurs prédateurs naturels, de trouver et de détruire leurs œufs, de les modifier génétiquement pour les stériliser, ils les ont brulés, noyés…Toutes les familles de la région possèdent chez elles des vaporisateurs insecticides de la marque Miehailing. Sous chaque table se trouvent des tapettes à mouche… Mais cette guerre dure depuis le début de l’histoire et les hommes n’ont toujours pas remporté la victoire. La vermine n’a pas été éliminée, elle continue d’aller et venir fièrement sur la terre et son nombre n’est pas forcément moindre qu’avant l’apparition des hommes. En considérant les humains comme de la vermine, les Trisolariens semblent avoir oublié quelque chose: personne n’a jamais triomphé de la vermine
« Tout ça pour en arriver à cette conclusion : la physique n’a jamais existé et n’existera jamais. »
Cela signifie que les lois de la physique que nous croyions applicables partout dans l'univers n'existent pas, que la physique... n'existe pas, dit Wang Miao en se retournant.
Tout le monde aime ressasser ses souvenirs, mais seulement dans l’espoir qu’on les écoutera. Les souvenirs des autres les agacent.
En Chine, toutes les pensées libres et contestataires, après avoir pris leur envol, finissent toutes un jour ou l’autre par s’écraser sur le sol, car la gravité de la réalité est trop lourde.
En tant qu’astrophysicienne, Ye Wenjie était particulièrement sensible au potentiel de destruction des armes nucléaires : elle savait que c’était un pouvoir que seules les étoiles devaient posséder. Elle était consciente qu’il existait des forces encore plus terrifiantes dans l’univers : les trous noirs, la matière noire… En comparaison avec ces forces, une bombe atomique n’était qu’une petite chandelle. Si les humains parvenaient un jour à contrôler ces forces, le monde pourrait se retrouver pulvérisé à tout instant. La raison était impuissante face à la folie.
Ces jeunes adolescents enflammés par la fièvre de la Révolution culturelle s’apercevaient vite que, par rapport à ces terres sauvages, les plus grandes villes du continent n’étaient en réalité que de simples bergeries. Leur ardeur frénétique n’avait aucun sens au milieu de ces prairies et de ces forêts froides et insondables où une giclure de sang chaud refroidissait plus vite qu’une bouse de vache, et où le purin avait davantage de valeur que le sang. Mais ils étaient de la génération des enflammés, leur destin était de se consumer dans le brasier de la révolution.