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Raymond Clarinard (Traducteur)Iulia Badea Guéritée (Traducteur)
EAN : 9791094936276
296 pages
Les Éditions Bleu & Jaune (20/04/2023)
3.86/5   7 notes
Résumé :
" Le Bhéristan est un étrange pays chrétien, situé quelque part dans un Orient incertain. Il s'appelle le pays des moutons dans sa propre langue et perpétue la tradition millénaire des pasteurs du Bhéristan. C'est un espace fictif dans lequel la toponymie et l'onomastique indo-iraniennes insufflent un air exotique dans les pages. Mais c'est aussi un espace totalitaire, érodé à l'intérieur. Le pays perd son histoire et sa culture et lutte dans sa propre impuissance q... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Ce livre m'a tout de suite intriguée lorsque je l'ai vu la première fois. Je découvre avec lui une nouvelle maison d'édition, leur ligne éditoriale m'a tout de suite plu. Elle cultive l'ouverture sur le monde et met en lumière la littérature contemporaine européenne. Adrian Lesenciuc a reçu le prix du roman de l'année en 2108 en Roumanie avec ce livre, et c'est son premier publié en France. le résumé, le titre et la couverture m'ont également beaucoup intriguée. 

En lisant la biographie de l'auteur, j'ai compris la précision de son récit. Il est en effet docteur en sciences militaires, et j'ai bien senti qu'il connaissait à la perfection son sujet. C'est une histoire difficile à résumer. Elle m'a totalement sortie de ma zone de confort. Il s'agit en effet d'une dystopie, et il faut bien l'avoir en tête en commençant la lecture. Tout ce qui est raconté n'existe pas en réalité, ce serait plutôt une caricature de pays existants. 
On se trouve en effet au Bhéristan, un pays que l'on peut situer quelque part en Orient, parmi tous les pays qui se termine en -stan, Kazakhstan, Kirghizistan.. en fait le suffixe "-stan" veut dire en perse, le lieu, le pays. Donc ce pays, le Bhéristan, est une dictature, plutôt en déclin d'ailleurs, régie par une armée totalitaire. On va y faire la connaissance de notre personnage principal, Adam Urman. Il est entré dans l'armée très tôt, il n'avait que dix ans, suite au décès brutal de sa mère. Il va être formé dans cette armée, très rigide et dure. Au travers d'Adam, on va en apprendre plus sur les us et coutumes de cette armée, sur leurs dirigeants, tous très caricaturaux avec leurs moustaches. On va ainsi y découvrir les absurdités qui peuvent être légion dans cette armée, les instructions parfois loufoques données aux soldats, qu'ils doivent bien sûr exécuter sous peine de sanctions. Et Adrian dans tout ça, qui essaie de s'en sortir. C'est un passionné d'histoire, et dès qu'il le peut, il essaie d'en apprendre plus sur le passé de son pays. 

Suivre Adam n'a pas toujours été de tout repos, il lui arrive plein de péripéties. On retrouve dans les hommes qui gouvernent certains dictateurs de l'Est bien connus. D'ailleurs, leur moustache fournie qu'ils portent tous fait justement penser à Staline. Adam est un personnage attachant, j'avais envie qu'il s'en sorte. On sent son intelligence, mais dans ce genre de pays, ce n'est pas bien vu, et surtout, il ne faut pas contredire. Il va d'ailleurs petit à petit s'exclure de cette société dans laquelle il ne se reconnait plus. D'ailleurs, l'auteur fait bien la métaphore des bergers et des moutons lorsqu'il parle du peuple et de ses dirigeants. On comprend aisément à quoi il fait allusion. Adam ne sera pas un mouton, et pour cela, il devra s'isoler. 

Ce livre est pour moi un ovni littéraire. Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu ce genre de livre. Dès le début de la lecture, on est plongé dans une sorte d'absurde, et c'est parfois déroutant. On fait des retours dans le passé, sur l'apprentissage à l'armée d'Adam, et c'est parfois un peu confondant. Mais ça n'enlève rien à la qualité de ce texte. C'est très bien écrit, et très bien traduit. le travail des traducteurs n'a pas dû être simple, car parfois, l'auteur s'amuse un peu à inventer des mots. le titre prendra tout son sens à un moment donné de l'histoire, un ordre encore complètement absurde d'un commandant au sujet d'un cimetière où sont enterrés des héros, comprenez des soldats morts pour leur pays. C'est un passage très important, où les dirigeants veulent en quelque sorte effacer la mémoire du pays, comme si ignorer les soldats morts pouvaient remettre tout à zéro. L'auteur envoie plein de messages au travers de ses personnages et des faits. Il le fait parfois avec beaucoup de dérision, mais on comprend vite ce qu'il veut sous-entendre, et le sérieux de son propos. C'est un livre qui fait réfléchir, surtout avec ce qu'il se passe en ce moment entre la Russie et l'Ukraine. 

C'est un livre surprenant. Aussi bien dans son contenu que dans l'objet qu'il est. C'est en refermant le livre que j'ai compris la signification de la couverture. Cet homme seul face à une vallée désertique, qui semble avoir trouvé la paix. La lecture n'a pas toujours été de tout repos. Je faisais des pauses et lisait un autre livre plus "léger" en même temps. Je prenais tout de même plaisir à retrouver Adam, et j'ai trouvé que l'auteur avait tout de même créé une histoire logique pour lui. J'avais peur en lisant que la fin soit trop farfelue, mais non, pas du tout, bien au contraire, elle fait énormément réfléchir et clôt parfaitement tout ce qu'a voulu faire passer l'auteur au travers de son personnage principal. 

C'est un livre que je n'oublierai pas de sitôt. J'ai aimé découvrir un nouvel auteur, et je suis curieuse de le lire à nouveau. La dérision, l'ubuesque, permettent de faire passer des messages très graves parfois, et arrivent à pousser à la réflexion. C'est une chronique difficile à écrire, car j'ai du mal à trouver les bons mots pour vous expliquer ce qu'a été ma lecture. Je pense que chacun aura un avis différent selon son ressenti. C'est en tout cas pour moi une expérience très enrichissante, il est bon parfois de sortir de la routine et de lire des livres que l'on n'a pas l'habitude de lire. Je ne peux en tout cas que vous inviter à le faire aussi. 

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Attention, OLNI !
J'adore !

Bheristan, quelque part entre nulle part et ici.
Comme son nom l'indique, un pays, et si l'on devait vouloir à tout prix se situer, je vous conseillerais de chercher du côté de l'Orient.
Contrée totalitaire, gouvernée par un régime militaire.

Le personnage principal, c'est Adam.
Lui, l'armée, il l'a presque tétée au berceau. Sa mère meurt et le voilà confié par papa à cette belle et généreuse organisation. L' Armée, Monsieur ! Cette force vive dirigée par des gaillards solides, à la moustache fournie ! du poilu, du viril !

Adam s'empêtre dans des valeurs que ses supérieurs ne défendent plus, et son goût de la Justice se heurte à une toute autre réalité.
Le voici face à des généraux qui se contredisent, ourdissent et se ridiculisent.
Trop brillant pour un monde absurde.
Kafkaïen.

Cette dystopie a une filiation certaine avec Catch 22. Avec la satyre.
On rit, c'est indéniable. Parce que l'exagération de certains traits s'y prêtent. Parce qu'en absurdie, on n'est pas tout de suite conscient que c'est de nos propres incohérences dont on se moque.

J'ai refermé ce brillant ouvrage amusée, complice de l'auteur et de son propos. Un peu déçue aussi. Bah oui, quoi, c'est déjà fini ?!
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Le Bhéristan est une dictature en déclin. Son armée comme dans tout état totalitaire est l'image de sa grandeur à l'extérieur. Elle offre à de nombreux bhéristanais la possibilité d'être nourris, blanchis et surtout humiliés sans aucune contrepartie. le lieutenant Àdam Ùrman en est l'incarnation. Il entre dans l'armée à 10 ans comme enfant de troupe suite à un drame familial et suit tel un mouton les ordres incohérents de ses supérieurs tel le commandant Waddemekh. Ùrman va être en charge de nouvelles recrues. le cadet Saroyan Emin en fait parti. Ce jeune homme est arrogant et perturbateur. Ùrman lasse de cette vie va peu à peu se concentrer exclusivement à la recherche de l'Histoire de son pays.

Le Bhéristan est un pays incertain vers l'Orient. Cette dictature ne sera vécue que par le prisme de son armée et un peu plus tard par l'Eglise. Ce qui fait qu'on a l'impression d'être dans un huis-clos militaire où les civils n'existent pas ou très peu. J'avoue que le contexte militaire n'est pas réellement ma tasse de thé. Bien que je loue le travail de l'auteur qui a su créer un monde complexe, hiérarchisé et réaliste, j'ai trouvé ma lecture très longue.

Le roman est présenté comme kafkaïen. Je n'ai jamais lu un livre entier de Franz Kafka mais je connais l'écrivain et ce que son oeuvre a pu apporter. Ainsi Kafka est connu pour les situations particulières qu'il décrit, dans lesquelles les personnes sont confrontées à l'absurdité de la vie moderne comme la bureaucratie désincarnée ou un destin absurde.

L'absurdité de cette dictature du Bhéristan est ici centrée dans son armée. Symbole du pouvoir et premier employeur, les multiples exercices militaires pratiqués sont tournés en dérision car ils n'ont plus aucun sens. Les vieux colonels et capitaines sont tous idiots et placés à ces postes par opportunistes tandis que les cadets suivent comme des moutons des exercices aberrants, l'ennemi étant inexistant et la tyrannie ébranlée. Les militaires sombrent les uns à la suite des autres dans la folie car plus rien n'a de sens.

Pour moi, ce roman est un ovni littéraire. C'est totalement différent de ce que j'ai l'habitude de lire. L'auteur a son propre style et aborde de nombreux thèmes de manière ubuesque afin de pousser jusqu'au bout le délire de la situation. Même si j'ai compris son objectif littéraire et que j'ai apprécié l'ironie de plusieurs passages, j'ai quand même eu beaucoup de difficultés à tout comprendre tellement le récit est décousu et sans queue ni tête.

Il y a notamment de nombreux personnages qui apparaissent puis disparaissent sans savoir ce qu'ils deviennent.
J'ai été perdue par un dédale de détails et d'explications que j'ai trouvé longs et ennuyeux.
J'ai également besoin d'avoir un minimum de fil conducteur même s'il n'y a pas d'intrigue en tant que telle. Or là j'étais complètement perdue comme mise à l'écart de ce monde et à me demander comment et quand le roman va se terminer.

Bien que j'ai un avis réservé sur ce livre, je vous invite à le découvrir. N'ayant pas l'habitude de lire ce genre littéraire, j'ai été très déstabilisée. Je ne doute pas que des lectrices et lecteurs avisé(e) seront conquis(es).

Je tiens à souligner le travail exceptionnel de traduction qui n'a pas dû être évident. La maison d'édition a d'ailleurs mis en valeur ses traducteurs en fin de roman.
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On retrouve la Roumanie, et avec elle Les Éditions Bleu & Jaune, avec le roman de Adrian Lesenciuc qui a gagné le prix « Livre de l'année » du roman roumain en 2018. Adrian Lesenciuc est écrivain et critique littéraire, il est aussi titulaire d'un doctorat en sciences militaires et renseignements, sciences qui l'ont visiblement inspiré dans la rédaction de ce roman. Il est membre de la section de Brasov de l'Union des écrivains roumains depuis 2000. Président de la section depuis 2013. Ce roman est paru en fin des années 2010 en Roumanie, il s'appuie sur une dystopie qui présente un état totalitaire et militaire, le Bhéristan. le Bhéristan m'a évoqué oralement tous ces pays d'Asie de l'ouest en -stan, eux aussi sous le joug d'un régime autocrate. le Bhéristan, c'est aussi un peuple de bergers, et donc de moutons, on retrouve ici la première des nombreuses allégories dont regorge ce roman.

Le personnage central est le lieutenant Adam Ứrman mis en pensionnat après la mort de sa mère dans ce qui constitue l'armée de ce pays particulier, dont on découvre les us et coutumes en suivant le récit de la vie d'Urman. Des habitudes bien loin des nôtres, et en premier lieu les noms à consonance indo-iranienne, comme j'ai pu le lire sur emag.ro, Saroyan, Daddhan, Chhota, Baghiar, Jhtuthibad : si la consonance de ces noms nous est étrangère, on ne peut nier qu'ils résonnent en nous et nous porte vers l'orient. Bienvenue en plein milieu de l'Absurdistan, un pays régit par une multitude de règles, et précisément leur contraire, le pays où l'on déneige le sol au moyen d'une pioche, où ils veulent tous avoir leur place dans la hiérarchie précise de l'armée, sans en assumer les responsabilités. Un roman, comme un monde, qui oscille entre tension dramatique et tentation parodique, un assemblage des deux pour mettre des mots sur ce pays, qui a pour symbole national la moustache fournie, que l'homme porte et qui n'est pas sans rappeler l'attribut d'un Staline, tyran soviétique. Cette dystopie de la moustache rappelle furieusement l'URSS stalinienne.

La couverture, que l'on comprendra après la lecture du roman, nous montre un Ứrman seul, retiré du monde, de l'armée dans laquelle il a évolué, un monde dystopique certes, là où tous les héros ont tous été enterrés, oubliés, un monde où les valeurs n'existent plus, plus rien à qui ou en quoi croire. Ça aurait pu être désespérément négatif, s'il n'y a pas des traces d'humour, si le personnage d'Adam Ứrman , comme le montre la couverture, ne représentait pas l'un des seuls espoirs. le cimetière des héros, en roumain, ou cimetière d'honneur aux cimetières militaires ou aux sections militaires des cimetières civils où sont enterrés les dépouilles de soldats de différentes nationalités tombés sur le champ de bataille. » En l'espèce, ceux qui restent sont loin d'être des héros.

On aurait du mal à ne pas saisir les allusions de Adrian Lesenciuc à travers l'édification de ce Bhéristan à de réelles dictatures qui elles, existent réellement, la Russie de Poutine, anciennement soviétique, la Roumanie. On aurait du mal à ne pas adhérer à la dissidence de Adam Urman, qui choisit de s'exclure volontairement d'une société à laquelle il a arrêté d'adhérer, sortir de son rôle de mouton, pour choisir la seule voie possible, celle de la solitude. La narration est peut-être trop cryptique, on sent qu'il a l'amour du symbolique, du double sens, comme le disent les Éditions Bleu & Jaune, de la parabole. En tant que parabole, la critique est rude et sans concession si l'on reprend les origines du Bhéristan, pays des bergers, ainsi pays des moutons.

Ce texte est un brin nihiliste, cette couverture montre une vallée désertique sert cette impression, s'il n'y avait pas Adam Ứrman, qui représente cette possibilité de rédemption. Si on pensait que la mort était le stade ultime de la destruction de toutes ces sociétés totalitaires, on découvre que l'oubli, gravé dans les croix de bois aux noms disparus sur les tombes des soldats, est encore plus dévastateur : l'oubli de la mémoire, l'oubli des héros, l'oubli de ce qu'il s'est passé, des dictateurs, de leurs méthodes. On ne peut pas nier que le chemin qu'a emprunté Adrian Lesenciuc, celui de la dictature des bergers, formés à intégrer l'École supérieur de Guerre, est assez original.

De cette dictature des moutons à celle de ces hommes à moustache, Adam effectue un repli sur lui-même, un retour aux sources d'une société qui connaissait et respectait encore ses propres traditions, une société « pure » près de la nature et des éléments, qui a oublié l'essentiel. Comment ne pas se sentir concerné par cette sensation de perdition que finit par ressentir Adam, devant tous ces héros oubliés, et l'impression de ne plus avoir de but et de valeurs auxquels se raccrocher puisque tout est dévoyé ? Au milieu de ce monde dystopique, c'est encore Adam qui nous montre la voie, la rédemption à travers l'isolement et l'ascétisme, là ou tout retrouve un sens.
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Il n'est pas étonnant que ce livre hautement singulier ait reçu le prix du roman de l'année dans son pays natal en Roumanie.
Après avoir refermé ce livre, je peux le dire, c'est une lecture de celles qui font réfléchir, à la portée plus grande que la fiction servie par son auteur Adrian Lesenciuc.
S'il ne se laisse pas si facilement décrypter c'est que le lieu (un pays imaginaire : le "Bhéristan"), le thème (un état en déclin), le ton de l'auteur (ironique) et la portée philosophique concourent à créer ce texte un peu mystérieux.
En cela, il faut remercier le travail remarquable des deux traducteurs Raymond Clarinard & Iulia Badea Guéritée (il n'en fallait pas moins !) car s'approcher de ce texte relève d'une complexité dantesque.
Le vocabulaire employé est parfois totalement fictif, quitte à créer une nouvelle langue avec ses propres codes. Je n'imagine même pas l'arrachage de cheveux (j'ai fait des études de langues dont beaucoup d'heures passées à la traduction…).
Il y a aussi une espèce d'incertitude : où sommes-nous ? Ce pays ressemble à certains états que nous connaissons, peut-être est-ce aussi un peu le nôtre ?
Ce livre me déroute : il nous parle de la fin d'une culture, d'une histoire tronquée, de l'aliénation mentale suite au suivi de dogmes, d'ordres répétitifs et de contre-ordres complètement stupides (nous sommes dans un environnement militaire) mais qu'il faut quand même suivre (on ne sait s'il faut en rire ou en pleurer !).
Adrian Lesenciuc connaît bien l'univers militaire et il sait exactement comment il fonctionne mais aussi comment il pourrait être utilisé (ou plutôt non utilisé ?) : il est Docteur en sciences militaires et informations, professeur à l'Académie des forces aériennes Henri-Coanda de Brasov…
Il sait combien le fil est ténu et l'histoire peut vite se désagréger si nous n'y prenons pas garde.
Quels rapprochements faut-il y voir ? L'auteur veut-il nous alerter sur l'absurdisation de nos sociétés contemporaines ? Que faut-il penser de ceux qui visent à utiliser l'histoire et la déformer ?
Il faudrait plus qu'une chronique littéraire pour définir ce livre étonnant !
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Un beau jour, vers midi, les enfants entrèrent dans le cimetière. Ádam avait ramassé sur d’autres tombes des bougies qui n’étaient pas encore totalement consumées et, serrant les mains des petits, s’arrêta devant le tas de terre qui marquait la sépulture de leur mère. Pour eux, c’était comme un jeu. Il fallait veiller à ce que la flamme ne s’éteigne pas, il fallait courir, lutter avec des bâtons contre les esprits imaginaires dissimulés dans les buissons de pivoines qui poussaient sur les tombes.
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Úrman s’était aussi rappelé le motif pour lequel toute la compagnie dont il faisait partie pendant ses années de formation militaire avait dû subir une marche forcée dans le marais Blanc. Avec Kasan, lors d’un cours de mathématiques supérieures, ils avaient rédigé un poème dadaïste, interprétable de plusieurs façons, une bêtise intitulée Misogyne hermaphrodite, où un étrange personnage « s’essorait la moustache ». La moustache était une fierté nationale et nul doute que sur le drapeau, s’il avait fallu associer aux bandes verticales proches de la hampe un quelconque élément caractéristique, c’est une belle moustache noire que l’on aurait dû tisser, épaisse, celle d’un homme d’environ trente, trente-cinq ans. Mais Bharan, le commandant de compagnie, avait vu dans la « moustache essorée » un affront à sa propre moustache et avait décidé d’imposer quelques exercices d’entraînement aux attaques aériennes à basse altitude dans les roseaux et les salines du marais Blanc. Et ce poème unique avait été perdu à jamais.
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Le commandant de l’école, le général Arkhsaz Charanidan, ne desserrait jamais les mâchoires, même quand il mordait. C’était un véritable bulldozer. L’important était de s’accrocher dans les hautes sphères. Urman n’avait jamais eu l’occasion de faire sa connaissance. Il savait seulement que c’était un tyran. Il avait été témoin de tant de décisions stupides de sa part, stupides, mais irrémédiables. Il avait entendu dire de lui qu’il était paranoïaque. Il savait qu’il enseignait à la chaire de gestion, mais rien de plus.
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Le printemps ronronnait. Tendre et paresseux, il reniflait les pieds des jeunes. Sa fourrure verte était tout étendue, respirant en rythme à travers les protubérances de béton d'un blanc immaculé. Adam marchait avec un poids immense sur le dos. Ce n'était pas la maigre et bruyante dépouille du sergent Ghantar qu'il transportait, mais tout le système.
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