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Citations sur Le bruit des trousseaux (49)

Sur le trottoir, la première fois où je suis sorti de la prison, je n'ai pas pu marcher immédiatement. Je suis resté là, quelques minutes, immobile. Je me disais que, si je le voulais, je pouvais aller à gauche, ou bien à droite, ou encore tout droit, et que personne n'y trouverait rien à redire. Je me disais aussi que, si je le voulais, je pouvais aller boire une bière, un Ricard, ou encore un cappuccino dans n'importe quel bistrot, ou bien rentrer chez moi et prendre une douche, deux douches, trois douches, autant de douches qu'il me plairait. J'ai compris à ce moment que j'avais vécu jusqu'alors dans la jouissance d'une liberté dont j'ignorais l'étendue et les plus communes applications, voire l'exacte et quotidienne dimension.
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Cette jeune femme qui venait depuis des années, avec un professionnalisme et une rigueur exemplaires, enseigner aux détenus la comptabilité, et à qui, un jour, on signifia qu'il lui serait desormais interdit d'entrer à la prison et d'y poursuivre ses cours. ...elle vivait depuis peu avec un de ses anciens élèves, rencontré à la maison d'arrêt. Aimer un ancien prisonnier etait apparemment incompatible avec le fait de travailler en prison. Nous ne le savions pas. La prison est le lieu d'innombrables lois non écrites, jamais discutées, mais toujours appliquées. (Page 87)
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La prison agissait comme un lavage qui emportait les formes intellectuelles les plus rudimentaires
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Cantiner : le mot n'existe que là-bas. Le Robert l'ignore, comme si les éléments de la vie carcérale échappaient au langage admis, étaient exclus par lui, restaient proprement innommables. Cantiner, c'est prévoir, rêver, acheter par avance, dresser une liste, faire un choix de denrées, supposer un avenir. On pouvait tout cantiner, ou presque.
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«Dans l'écoulement des jours
Je recherche la vie
Alors je vieillis»
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On ne serre guère les mains en prison. certains gardiens me regardaient faire et dans leur regard je pouvais lire leur désapprobation. Il y avait beaucoup de vie dans nos poignées de main (p.101)

Le bruit des trousseaux de clefs, des clefs longues et polies par les usages incessants. Les pantalons bleu marine des gardiens, déformés aux poches à cause de ces trousseaux qui me faisaient toujours songer à des sésames de contes. Mais de quels contes ? (p.66)

Le mot CELLULE : la plus petite unité du vivant. L'espace de l'enfermement (p.63)
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la télévision marchait du matin au soir, une bonne partie de la nuit, et ils ne pouvaient que la subir. "Même avec des boules de papier mouillé dans les oreilles et un mouchoir noué sur les yeux, je n'arrive pas à l'oublier", m'avait dit un jour un détenu.
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Le regard des gens qui apprenaient que j'allais en prison. Surprise, étonnement, compassion."Vous êtes bien courageux d'aller là-bas !" Il n 'y avait rien à répondre à cela. Le regard me désignait comme quelqu'un d'étrange, et presque, oui, presque, quelqu'un d'étranger. J'étais celui qui chaque semaine allait dans un autre monde. Je pensais alors au regard qui se pose sur celui qui dit : "Je sors de prison." Si moi, déjà, j'étais l'étranger, lui, qui était-il pour eux ?
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Je sais qu'en moi, profondément, je n'ai jamais pu me persuader de la réalité des crimes commis par les détenus que je rencontrais chaque semaine. Peut-être moi aussi avais-je besoin de m'arranger avec cette réalité pour continuer à vivre, à venir en prison, à être dans ce lieu, à y passer des heures. Tout était ainsi amorti par une distance quasi cinématographique. Je rejetais l'horreur de l'autre côté de l'écran. Je feintais la vérité du crime, comme on peut tenter de le faire avec la corne du taureau.
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Une seule fois, j'ai écrit une lettre susceptible d'être produite en cour d'assises par l'avocat de la défense. Dans cette lettre, je disais que le prévenu suivait mes cours depuis deux ans, qu'il faisait preuve d'un grand sérieux, d'une motivation remarquable et que j'avais le sentiment qu'il avait beaucoup réfléchi depuis sa détention, réfléchi sur son acte, sur sa responsabilité. Je me suis demandé ensuite pourquoi j'avais fait cela. Que savais-je en définitive de sa réflexion? Pourquoi avais-je fait cela pour lui et pas pour d'autres, pour des dizaines d'autres que j'avais connus, et qui, eux aussi, m'avaient touché sans que jamais je ne le leur montre. Je m'en suis voulu. Je crois que je m'en veux encore ; j'étais sorti de mon rôle, en tout cas du rôle que je m'étais assigné, et qui interdisait de prendre parti pour ou contre qui que ce fût. Depuis ce jour, non pas tous les jours mais assez souvent tout de même, je pense, sans avoir jamais connu ses traits, au visage de la victime, qui ouvre grand ses yeux et sa bouche à la lecture de ma lettre devant la cour et les jurés.
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