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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Des montagnes de livres de pseudo-psychologie proposent le moyen de trouver le bonheur mais celui-ci est un livre qui ne déçoit pas. L'auteur part d'Épicure pour qui «la philosophie est une activité qui, par des discours et des raisonnements, nous procure la vie heureuse». C'est donc une activité, et une joie qui nait de la vérité: penser non pas ce qui rend heureux, mais ce qui parait vrai, à charge de chercher, face à cette vérité, même triste, le plus de bonheur possible. Mieux vaut agir sur une vraie tristesse, que se leurrer d'une fausse joie. L'essentiel est de ne pas se mentir, ne pas se laisser prendre au piège de l'espérance, indissoluble de la crainte de l'échec, ce qui ne rend pas heureux (en effet, on n'espère pas ce qu'on est sûr de pouvoir obtenir). L'espoir n'est pas le contraire de la crainte. L'un n'existe pas sans l'autre.
Platon écrit dans le Banquet que l'amour est désir. le désir est manque et le manque est souffrance. Dès qu'il est satisfait, il n'y a plus ni manque ni désir. Loin d'avoir ce qu'on désire, on a ce qu'on désirait, et qu'on ne désire plus, «c'est le piège de l'espérance». On s'ennuie, «c'est ce qu'on appelle un couple». On se dépêche de désirer autre chose, et c'est le cercle vicieux. Si le désir est manque, le bonheur est manqué. Rappelons-nous Albertine de Proust. Quand elle n'est pas là, il fait tout pour qu'elle revienne et quand elle est là, il s'ennuie. Comment y échapper ? Il y a le divertissement de Pascal, la fuite en avant «d'espérance en espérance... comme ces joueurs de loto qui se consolent toutes les semaines d'avoir perdu par l'espérance qu'ils gagneront la semaine suivante» ou alors le «saut» dans une espérance absolue, religieuse, qui ne peut décevoir: «Il n'est de bien en cette vie que l'espérance d'une autre vie», dit Pascal. Encore faut-il avoir la foi, et pour Comte-Sponville qui ne l'a pas, il faut se soumettre au vrai et pas à l'avantageux (allusion au pari de Pascal).
Il y a joie, quand on désire ce qu'on a, ce qu'on fait, ce qui est, lorsqu'on désire ce qui ne manque pas. C'est le bonheur en acte, un bonheur qui n'espère rien. le désir de la promenade, c'est d'être ou on désir être. L'erreur de Platon, Pascal, Schopenhauer et Sartre, c'est de confondre désir et espérance. L'espérance ne dépend pas de nous, c'est désirer sans pouvoir. C'est la différence avec la volonté: «Quand tu auras désappris à espérer, je t'apprendrai à vouloir» dit Sénèque. On peut désirer ce dont on jouit (le plaisir), ce qu'on sait (connaitre), ce qu'on fait (agir). Il s'agit d'habiter un univers où rien n'est à espérer, où tout est à agir, à faire, à aimer. Il y a de la sagesse dans un dés-espoir qui n'est pas résignation mais vérité. Jules Renard dit «Je ne désire plus rien du passé. Je ne compte plus sur l'avenir. le présent me suffit. Je suis un homme heureux car j'ai renoncé au bonheur». Pour Spinoza, contrairement à Pascal, le désir n'est pas manque, mais puissance. Ce qui manque à l'anorexique, c'est la puissance de jouir de ce qui ne manque pas.
Aimer, pour Spinoza, c'est se réjouir d'un amour qui ne demande rien à l'autre, être heureux que l'autre existe, pas «vouloir» l'autre (en espagnol, «querer» veut dire à la fois aimer et vouloir). Se réjouir de ce qui est. Il n'est de joie que d'aimer, c'est l'esprit du spinozisme. Il s'agit d'apprendre à désirer ce qui dépend de nous, c'est-à-dire à vouloir et à agir, et non désirer ce qui n'est pas ou plus (regretter, espérer). «Le bonheur n'est pas un absolu, c'est un processus... un rapport actif à l'avenir, c'est un projet, une volonté, un programme, ce n'est pas une espérance», mais «Il ne s'agit pas de vivre dans l'instant: il s'agit de vivre au présent... dans un présent qui dure», qui inclut un rapport au passé (mémoire, fidélité, gratitude) et à l'avenir (projet, imagination, confiance, prévision, fantasme, utopie), à condition de ne pas prendre ses rêves pour la réalité.
La vérité, c'est qu'il y a des «moments» de joie. Pour l'incroyant qu'est Comte-Sponville, ce sont Jésus et Spinoza qui sont dans le vrai en disant que ce n'est pas la valeur de l'objet aimé qui gouverne et justifie l'amour, c'est l'amour qui donne sa valeur à l'objet («Ce qu'il s'agit d'imiter en Jésus-Christ, ce ne peut être la foi ou l'espérance... ce ne peut être que l'amour»), «pas seulement l'amour des hommes, des femmes; aussi bien l'amour du réel, d'un paysage, d'un tableau, d'une musique, l'amour d'un oiseau qui passe dans le ciel, l'amour de tout ce qui est, de tout ce qui ne manque pas... Il s'agit d'apprendre à vivre pour de bon au lieu d'espérer vivre. Il s'agir de connaitre, d'agir, d'aimer». Spinoza écrit qu'il s'agit d'apprendre à aimer cette vie comme elle est, y compris en se donnant les moyens, pour ce qui dépend de nous, de la transformer.
Et une dernière citation de l'auteur: «Si j'ai eu besoin de tant philosopher, c'est parce que j'étais peu doué pour la vie».
Vous avez la recette, vous savez ce qui vous reste à faire.
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Le texte qui suit est la transcription, revue et corrigée par l'auteur, de la conférence-débat prononcés par André Comte-Sponville le 18 octobre 1999, dans le cadre des Lundis Philo au Piano'cktail, à Bouguenais (Loire-Atlantique).
Sponville est détendu, plus personnel dans ses propos. Les questions/attaques représentent bien ce que le monde actuel pourrait encore lui poser.
Très rapide à lire, vaste à analyser.
J'ai pris beaucoup de plaisir à assister à ce débat :)
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Ce petit trésor de bouquin est un cadeau d'une amie ! Il avait changé pas mal de choses dans sa façon de voir la vie et il en fut de même pour moi. Ce livre est sans doute celui que j'ai le plus prêté, on ne me l'a pas toujours rendu. du coup, je l'ai acheté plusieurs fois. J'espère qu'il a apporté une amélioration au quotidien de ceux qui l'ont reçu. Parce que je pense sérieusement qu'il peut changer notre regard sur de multiples conditions nécessaires au bonheur.
Comte Sponville n'a pas fait de moi un sage. Ça se saurait ! Cependant, il me permet encore de dédramatiser, de profiter et d'aimer plus sereinement. En somme, il m'a donné une direction. Je tends vers un idéal de joie et je n'y parviens pas toujours. D'ailleurs personne ne le peut. Et l'auteur le sait ! Malgré tout j'y parviens parfois.
Merci M. Sponville.
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Sponville nous invite à réfléchir sur le bonheur, ce graal auquel tendent tous les êtres humains. Au-delà, il invite nous-mêmes à tendre vers le vrai bonheur, celui qui est, tout simplement, et non pas la chimère imaginée.

Une transcription de conférence qui laisse apparaître le plan de l'argumentation. Celle-ci se déploie, efficacement. Sponville, en bon pédagogue, donne des clés essentielles aux présents ( ou aux lecteurs).

Après avoir placé le bonheur dans son contexte global, sa place dans l'histoire de la philosophie, Sponville critique les « pièges » de l'espérance. On ne doit pas espérer être heureux, sinon on ne pourra pas l'être. S'appuyant sur les concepts spinozistes, le philosophe reprend la conception de Spinoza selon laquelle, l'espérance est associée à la crainte et à l'ignorance. L'espérance peut nous décevoir, comme le disait Rousseau, dans La Nouvelle Héloïse : on n'est heureux qu'avant d'être heureux. L'espérance nous place dans la projection, qui est toujours plus idéalisée. Une fois le désir concrétisé, cette idéalisation s'envole, et nous laisse dans la déception. C'est que Sponville montre avec l'exemple de l'enfant déçu de son jouet de Noel qu'il espérait tant avoir.

Sponville propose une solution : le bonheur désespéré, mais au sens étymologique, sans espoir. C'est-à-dire, ne pas espérer être sage ou heureux.

Sponville nous invite à aimer, à vouloir ce qui est. Il renoue par là, avec l'adage stoïcien : ce qui dépend et ne dépend pas de nous.
le bonheur se vit au présent, au même titre que l'action. En fait, Sponville nous invite à renouer avec la vie, la vie vraie. Se rapprocher de notre condition d'homme qui ne peut vivre sans le désir.

Cette leçon sur le bonheur peut amener l'homme toujours insatisfait, à trouver un bonheur simple, qui puisse le rende heureux. Après tout comme dirait Spinoza « le désir est l'essence de l'homme ». A lui de trouver un équilibre.

Lisez cette transcription, pour penser le bonheur, et rendre votre vie meilleure, plus joyeuse. N'en faites pas une recette magique, mais adaptez- la à vous, à votre être spécifique. Il faut savoir « jouir de son être » comme le dirait Montaigne
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La réputation de l'auteur n'est plus à faire, et celle de ses Maîtres non plus. Son chemin de vie, ses souffrances personnelles, ses échecs, ses doutes profonds sur les vertus et les vices de la nature humaine ajoutent un éclairage sur les temps modernes en imprègnant totalement sa philosophie sur la recherche constante et désespérée d'un certain bonheur.
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Le bonheur désespérément/André Comte-Sponville
Ce petit opuscule, compte-rendu d'une conférence, de la collection librio est un excellent moyen d'accéder à la réflexion philosophique sans que cela devienne un pensum ennuyeux. le sujet abordé ici est particulièrement important puisqu'il traite de notre quête quotidienne pour la plupart d'entre nous.
D'un point de vue terminologique d'abord, l'auteur précise que le mot philosophie signifie en fait : amour de la sagesse et par là même sa quête. Epicure déjà écrivait : « La philosophie est une activité qui, par des discours et des raisonnements nous procure la vie heureuse. » Et il ajoutait pour préciser sa pensée : « La philosophie est une pratique discursive qui a la vie pour objet, la raison pour moyen, et le bonheur pour but. » Belle formule en vérité que l'auteur va analyser et développer. Il va jusqu'à se demander pourquoi lorsqu'on a tout pour être heureux on ne l'est pas nécessairement. La réponse est à la page 19.
Il se tourne ensuite vers Montaigne pour étayer sa démonstration : « Il n'est science si ardue que de bien et naturellement savoir vivre cette vie. »
Viser le bonheur c'est aussi chercher à assouvir ses désirs. L'auteur fait référence à Spinoza alors : « le désir est l'essence même de l'homme. » Jusqu'au moment où il évoque Sartre : « le plaisir est la mort et l'échec du désir. »
Quelques autres belles formules émaillent cette passionnante réflexion de 90 pages : « Il n'y a pas d'espoir sans crainte, ni de crainte sans espoir. » (Spinoza)
Cessons de rêver notre vie, confirme l'auteur, et tâchons de vivre nos rêves.
Dans la deuxième partie de l'ouvrage, sont abordées les questions posées par les auditeurs de cette conférence. le facteur temps est particulièrement développé, et il est fait référence à Saint Augustin pour un débat presque sophiste. En bref, le temps c'est le présent car il est le seul lieu du réel. En tout cas, c'est l'idée de Spinoza. A mon sens, c'est discutable. Car le présent n'est qu'un instant fugace pris entre le passé et le futur. On a même pu dire qu'il n'existe pas en qualité d'entité temporelle. Toutefois d'un point de vue pratique, nous savons bien ce qu'est le présent.
Évocation est faite aussi du Bouddha qui parlant de ses disciples heureux affirme : « Ils ne regrettent rien du passé, ils n'espèrent rien de l'avenir, c'est pourquoi ils sont tellement joyeux. »
En résumé, un livre à lire et relire au fil des jours : peut-être une recette pour progresser sur la voie de la quête du bonheur.
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Écouté via la version CD ...qui reproduit de de fait bien l'aspect "conférence " et son oralité, son accessibilité.
Le ton, les citations incitent agréablement à la réflexion
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Un livre à faire lire absolument ! Dans notre société, on recherche le bonheur, mais on est jamais satisfait...

Ce livre nous explique pourquoi, nous donne une réflexion qui nous passionne... On se reconnait dans ces explications.
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Tant d'enseignements et de piste de réflexion sur nous-même en si peu de page. Ici rien de pompeux, l'auteur aborde des sujets profonds en toute simplicité.
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Si les mots "bonheur" et désespoir" peuvent sembler au premier abord incompatibles, André Comte-Sponville fait, dans cette retranscription d'une de ses conférence (et du débat qui a suivi), la démonstration du contraire avec aisance et simplicité.
S'appuyant sur Spinoza, les épicuriens et Montaigne le philosophe s'inscrit en opposition avec la vision platonicienne du désir qui ne le conçoit que vis-à-vis d'un objet que l'on ne possède pas. Ce qui a pour corrolaire que dès que l'objet du désir est possédé, le désir disparait... le bonheur est dans ces conditions impossible à atteindre.
A partir de là, Comte-Sponville définit l'espérance comme le désir de ce qu'on n'a pas, dont on ne sait pas s'il sera ou pas satisfait et dont la satisfaction ne dépend pas de nous.
Par conséquent, le seul moyen d'atteindre (au moins partiellement) le bonheur, c'est de sortir de l'espérance continuelle en apprenant à jouir de ce qu'on possède (c'est à dire aimer), à vouloir ce dont on est capable et à connaître ce qui est.
Cette philosophie de vie colle parfaitement à la mienne et c'est avec un BONHEUR sans tache que j'ai relu ce texte découvert pour la première fois il y a une dizaine d'années.
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