Dans une courte préface,
Michaël Connelly explique ses regrets d'avoir « démissionné » Harry Bosch après
Wonderland Avenue. A ce moment précis, il pense que la carrière de Harry doit s'arrêter après avoir bien servi et protégé. Mais rapidement, l'auteur est pris de remords, remet Harry en selle et fait de lui un détective privé au cours des deux opus suivants,
Lumière morte et
Los Angeles River. Cette orientation professionnelle peu crédible puisque les privés résolvent rarement des affaires criminelles ne satisfait pas l'exigeant romancier soucieux du détail véridique. La résolution de cet épineux problème est trouvée lorsqu'un nouveau et authentique patron du LAPD souhaite que d'anciens inspecteurs de police reprennent du service. Harry peut ainsi réintégrer son service dans l'unité des affaires non résolues, en totale conformité avec la réalité.
La première affaire confiée à Harry et à sa collègue Kizmin Rider concerne le meurtre non résolu de Rebecca Verloren, jeune fille métisse âgée de 17 ans en 1988. Dix-sept ans après les faits et grâce aux progrès scientifiques, une analyse chimique effectuée dans un laboratoire du ministère de la justice révèle une identité qui pourrait bien être celle de l'assassin. de nombreuses ramifications apparaissent bientôt autour du cadavre de Becky qui entraînent Harry et Kiz sur les traces d'un groupe neo-nazi nommé Racial holy War. Mais en 1988, alors que des antagonismes raciaux couvent déjà dans la cité des anges, la police regarde ailleurs, nie toute connotation raciste dans le meurtre de Becky, au motif officiel d'éviter l'embrasement de la ville. Est-ce pour cet héroïque motif que le dossier de Becky a été dirigé sur une voie de garage, ou pour des raisons moins nobles de corruption, d'étouffement politique ou de simple incompétence ?
Comme toujours avec
Michaël Connelly, l'intrigue est ficelée serrée, passionnante, méticuleusement journalistique et les descriptions de Los Angeles font de
Deuil interdit un roman géographique dans lequel il est très plaisant et instructif de se promener. Il s'agit également d'un document socio-politico-historique puisque l'auteur met l'accent sur les signes avant-coureurs qui annoncent dès 1988 les émeutes qui éclatent en 1992, faisant une cinquantaine de morts, après le passage à tabac de Rodney King. Mais le tournant professionnel négocié par Harry offre surtout à l'auteur l'occasion de lui fixer des objectifs et de définir sa feuille de route. Son credo adapté à ses nouvelles fonctions est de parler au nom des morts, de faire entendre les voix qui se sont tues dans l'indifférence et l'impuissance policières, et de permettre aux familles d'envisager un deuil tardif jusque là interdit. Harry ne travaille plus dans l'urgence d'une scène de crime encore fraîche, mais dans l'émotion, dans l'affrontement des conséquences de la violence sur la durée et rien ne le distrait de sa mission.
Harry is back et j'aime ça !