Titre original : A Darkness More Than Night.
Terry McCaleb vit avec Graciela, sa femme, Raymond son fils adoptif et Cicci sa fille, un bébé de quatre mois, sur les hauteurs de Santa Monica. Terry, après les épreuves de
Créance de Sang, s'est retiré du Bureau du FBI et se repose d'une greffe cardiaque en vivotant de location de bateaux de pêche aux touristes avec son associé Buddy Lockridge. L'arrivée de Jay Winston enquêtant sur la mort mise en scène d'un petit malfrat, Edward Gunn oblige Terry à reprendre du service. Il veut en effet que Terry jette un coup d'oeil sur le dossier de l'enquête en son ancienne qualité de profiler émérite. Terry découvre tout un réseau qui le mène à Harry Bosch car tous les éléments du meurtre ressemble à des tableaux que l'illustre homonyme de Harry a peint quelques cinq cents ans plus tôt et dont les points communs semblent être une chouette (oiseau des ténèbres) et la torture.
Parallèlement, Harry assiste, en qualité d'enquêteur, au procès ultra-médiatique d'un metteur en scène en vue de Hollywood,
David Storey dont l'arrogance n'a d'égale que le pouvoir qu'il possède sur le monde des médias. Tandis que Harry et les procureurs Langwiser et Kretzler s'évertuent à prouver la culpabilité de Storey pour le meurtre d'une starlette par strangulation, Terry et Winston échafaudent toutes les hypothèses et finissent par aboutir à la culpabilité de Harry, sachant que celui-ci poursuivait Gunn pour un crime qu'il estimait impuni. de plus la référence au peintre Bosch leur semble une circonstance aggravante. Pour compliquer un peu l'affaire, des fuites aux journalistes puis au chef de Winston attirent l'attention du FBI qui voit d'un mauvais oeil que Terry poursuive son en quête de façon non officielle. Mais comme tout héros "conellien", Terry continue contre vents et marées (sa femme Graciela se sent abandonnée et tremble pour lui, son amitié pour Harry s'amenuise comme une peau de chagrin) et finit de compléter le puzzle qui fera tout exploser.
Comme les autres romans de Connelly, celui-ci se lit presque d'une traite malgré ses quelques 450 pages tant l'auteur réussit à réunir les ingrédients d'une tension de tous les instants. En ce sens les parallèles entre le procès (on apprend beaucoup de choses sur la procédure des tribunaux américains) et l'enquête souterraine de McCaleb permettent bien de ménager le suspense et de relancer la machine. Point d'ennui donc. Mais si la fin me semble un peu attendue, le plus intéressant reste ce travail de policier en butte aux turpitudes de la vie , de la loi et du pouvoir qui rappelle toujours les romans du 87e district d'
Ed Mc Bain.
"Il décida de ne pas reclasser tous les dossiers de l'enquête. Au lieu de ça, il les relirait dans le désordre dans lequel ils étaient maintenant. Procéder ainsi lui interdirait de retrouver le fil de l'enquête et la manière dont chacune de ses étapes était la suite logique de la précédente. de cette manière, chaque élément de l'affaire ne serait plus qu'une pièce du puzzle parmi d'autres."
Le fait d'aligner ainsi deux affaires parallèles, on pourrait imaginer qu\au départ, Connelly a eu deux idées et a essayé de les relier en procédant de la même manière. Mais ce ne sont que supputations!
Le deuxième élément qui rend ce livre digne d'intérêt, c'est cette incertaine frontière entre le bien et le mal incarné par les personnages, symbolisée par une constante référence à la brume du port de Santa Monica et ainsi résumée par Bosch à la fin du roman :
"- Bon, peut-être que je suis perdu, mais peut-être aussi que \r\n je me suis retrouvé. Il va falloir que j'y réfléchisse. En attendant, tu ferais bien de rentrer chez toi. Va-t'en retrouver ton îlot et ta petite fille. Tu n'auras qu'à te cacher derrière ce que tu crois voir dans ses yeux. C'est ça, fais donc semblant de croire que le monde n'est pas du tout comme tu sais qu'il est."
Autre remarque : de nombreuses références à la nourriture parsèment l'ouvrage, notamment lorsqu'on suit le point de vue de McCaleb et de son régime de nouveau greffé, on trouve des plats espagnols aux noms évocateurs et exotiques des tamales aux lechon asado... qui personnellement ne m'évoquent rien mais donnent envie d'essayer. Enfin, la mort par asphyxie des victimes peut -être vue comme une allégorie des faits qui se referment sur le meurtrier pour ne plus lui laisser que le choix de la négociation ou de la mort.