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On en entend parler « aux actualités ».
De terribles images, régulièrement, viennent nous perturber dans notre petite vie tranquille. Mais tout cela se passe « loin », et bien vite d'autres images les remplacent, de préoccupations « domestiques » qui nous font nous sentir davantage « concernés »…
À la différence de la brièveté des images, les mots de Stéphanie Coste s'ancrent dans notre conscience, et nous font mesurer la fragilité de ces vies humaines, petits fétus de paille soumis à la cupidité de passeurs sans scrupules, à la rouerie d'autorités corrompues et à la violence incontrôlable des éléments naturels.

Stéphanie Coste raconte la chaleur, la faim, la soif, la fièvre, le manque d'hygiène. L'odeur des corps pas lavés, des excréments, de la peur. le bruit du silence et de l'attente, les lamentations et les gémissements de douleur. La déshumanisation. Les ravages de l'alcool et du khat.

Le passeur, c'est Seyoum, un caïd abject, un criminel sans foi ni loi qui n'hésite pas à entasser des migrants dans de vieux bateaux achetés une bouchée de pain et rafistolés à la hâte, confiant la barre à l'un d'eux pour la traversée, afin de ne pas risquer de perdre l'un de ses hommes au cours d'un probable naufrage. le contrepoint du commandant Piracci, héros du tout aussi magnifique roman Eldorado, de Laurent Gaudé.

Les chapitres alternent le récit, en 2015, de cette prochaine traversée entre la côte lybienne et Lampedusa, et le passé de Seyoum dans les années 90/2000.
Car Seyoum est Érythréen : lui aussi a connu la terreur, lorsque la dictature érigée dans son pays l'a violemment séparé de ceux qu'il aimait. Seyoum a été meurtri, torturé, trahi, avant de s'échapper. Et de devenir bourreau à son tour. Ce vécu ne l'exonère pas, mais apporte un début d'explication à son cynisme.

Sans avoir oublié le bonheur des jours enfuis qui par vagues reviennent le hanter, Seyoum pensait avoir tourné la page. Jusqu'à ce jour de 2015…

Le passeur est un roman percutant, une lecture dure, éprouvante, nécessaire, qui décille et nous permettra peut-être de considérer avec davantage d'humanité ceux qui sont "nés quelque part", n'ont plus rien mais « sont arrivés jusque là », dans nos villes dont ils ne possèdent ni les codes ni la langue.
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Un livre court et fort, direct comme un coup de poing, qui lève une partie du voile sur les conditions terribles de traversée de la Méditerranée par les migrants. Stéphanie Coste va nous aider à mettre des visages sur des histoires de vies d'hommes, de femmes et d'enfants aux trajectoires douloureuses.
Son angle de vue est original, en prenant le parti de nous raconter l'histoire de Seyoum, un caïd local, passeur de son état. Nous ressentons un profond écoeurement à la lecture de la vie de Seyoum, drogué jusqu'aux yeux la majeure partie de la journée, incapable de la moindre compassion envers ceux qui lui permettent de réaliser un juteux business au goût de mort et de sang. Ce personnage ne nous semble initialement n'être qu'une brute, abjecte et sans âme.
Cependant, nous allons petit à petit nuancer notre jugement, et mieux comprendre qui est vraiment Seyoum. Stéphanie Coste va nous révéler l'origine des douleurs de son pseudo-héros par le biais de chapitres qui vont nous le faire découvrir enfant, puis adolescent, dans son Erythrée natale. Mais attention, il n'y aura de la part de l'auteure nulle volonté de justifier sa conduite.
Un roman qui va à l'essentiel, intense et dérangeant, sans manichéisme simplet, qui nous amène à voir au-delà des apparences et des clichés, et à nous poser des questions essentielles. Une lecture qui nous force à ouvrir les yeux sur une partie du monde que nous préférons ne pas voir, l'Autre, le migrant, et nous rappelle nos conditions d'extrêmes privilégiés.
Tout cela, avec une écriture très sobre, un récit qui sonne juste, sans que l'auteure ne nous donne de leçons. Sans porter de jugement, avec humilité et virtuosité, elle donne les rênes au lecteur et lui laisse tirer ses propres conclusions. Une auteure à suivre …

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C'est un roman, mais ce qui y est raconté est si plausible que je regrette de ne rien avoir trouvé sur l'auteur, ni sur sa connaissance du monde décrit. Dommage car le choc des mots vaut celui des photos, d'autant plus s'il se fonde sur une expérience sinon vécue, du moins partagée. Malgré tout, et même s'il s'agit d'une fiction intégrale, la force du texte est telle qu'elle oblige à une prise de conscience de ce qui se cache derrière ces hommes, femmes et enfants dont l'actualité quotidienne banalise la situation. Il n'est nulle part question de responsabilité et pourtant …. Bravo à l'auteur de ce coup de poing pour réveiller nos consciences.
Le livre est court et très bien écrit. Il se lit très facilement.
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1er roman de Stéphanie Coste, une femme donc. L'écriture m'a immergé complètement dans la peau d'un homme, très troublant, j'ai du regarder à deux fois qui était cette auteure, que savait on elle. L'histoire se passe en 2015, elle fait parler Seyoum, qui a sombré, qu'on a fait sombrer, qui fait sombrer à son tour. Il devient passeur sur la côte Libyenne, où il a échoué lui même en tentant une traversée pour fuir l'Erythrée. le récit nous rend fou nous aussi. La réalité nous rend fou! Complètement à la merci de la violence, déshumanisés, ballottés, manipulés et meurtris par les guerres. Que peut il rester?
Roman court, éprouvant à lire.
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Destins croisés de plusieurs migrants et de leur « passeur » depuis la Lybie jusqu'aux côtes méditerranéennes européennes.

« J'ai fait de l'espoir mon fonds de commerce. Tant qu'il y aura des désespérés, ma plage verra débarquer des poules aux oeufs d'or. Des poules assez débiles pour rêver de jours meilleurs sur la rive d'en face ».

Un roman très dur et âpre.

Des hommes, des femmes, des enfants aux meurtrissures en eux gravées à tout jamais.
« J'examine vaguement la cargaison. Quarante-cinq zombies luisants me fixent du même regard suppliant. J'y vois passer les ombres d'épreuves irracontables ».

Détresse humaine – roman du désespoir, de la folie des hommes.
Cruauté à l'état brut des uns, rêves à des prix sacrificiels des autres.
« Les abominations subies n'ont pas entamé le brasier au fond de leurs pupilles ».

Récit d'une violence inouïe, au rythme soutenu, avec des incursions dans le passé avec l'histoire de l'Erythrée notamment, la dictature, la guerre avec l'Ethiopie, les camps, la torture, la corruption, la fuite, les illusions perdues.
Du désert du Sahara à la mer de tous les espoirs de survie, et de tous les dangers de mort aussi.
« (…) distribue une ration de flotte aux Soudanais et aux Somaliens. Donne aussi du pain à leurs gosses, c'est mon jour de bonté. »

L'auteure a choisi une épigraphe très évocatrice « toutes les choses vraiment atroces démarrent dans l'innocence » (Hemingway).

Peut-on être encore capable d'humanité quand on surnage dans la bassesse et la violence.

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Je veux chanter pour ceux
Qui sont loin de chez eux
Et qui ont dans leurs yeux
Quelque chose qui fait mal
Qui fait mal.

Michel Berger.

Dans la tête d'un passeur…

Celles et ceux qui ont vu la photo du petit Aylan, enfant syrien de 3 ans échoué sur une plage turque en 2015 doivent s'en souvenir. J'ai pensé à cet enfant tout au long de cette éprouvante lecture.
Seyoum est un passeur erythréen qui fait son business avec la misère humaine sur la côte lybienne. L'haleine fétide, défoncé au khat du matin au soir, alcoolique et un peu paranoiaque, il a perdu toute humanité, Monsieur est dans la logistique, il organise le transport de marchandises, des cargaisons de zombies au regard suppliant, sachant bien que sur ces rafiots de fortune les trois quarts n'arriveront pas à destination. Il règne sur une cour de serviteurs soumis, soudoie les autorités, veille à ce que la concurrence ne prenne pas trop de place.

Cet enfant a soif ? Ne pensez pas qu'il va lui donner à boire, cela provoquerait une émeute sur la frêle embarcation. Sous le soleil de plomb, affamés, assoiffés, piétinés, les plus faibles seront passés par dessus bord, cela fera un peu plus de place pour les autres.

Dès l'incipit, le ton est donné : « J'ai fait de l'espoir mon fonds de commerce. Tant qu'il y aura des désespérés, ma plage verra débarquer des poules aux oeufs d'or. Des poules assez débiles pour rêver de jours meilleurs sur la rive d'en face ».

Un roman éprouvant, dérangeant, révoltant mais nécessaire pour réaliser le drame que peuvent vivre ceux qui quittent leur pays en quête d'une vie meilleure.

Challenge Multi-Défis 2024.
Challenge Riquiqui 2024.
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Waouh, quelle puissance ! Ce roman a beau être de petite taille (un peu plus d'une centaine de pages), il est percutant et restera gravé un petit moment dans ma mémoire.

Stéphanie Coste livre ici son premier roman. Avec une écriture franche, très dynamique et moderne, elle embarque le lecteur au coeur d'un sujet d'actualité d'une grande gravité, la crise des migrants. Cependant, le point de vue adopté sort de l'ordinaire. Habituellement, c'est celui du migrant qui est retenu mais pas cette fois. Ici, l'écrivaine propose au lecteur de suivre un passeur. le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'est pas banal.

Le lecteur va donc suivre Seyoum durant quelques jours, en plein préparatif du "dernier convoi de la saison". La première chose qui marquera le lecteur, c'est l'absence d'humanité, le cynisme du protagoniste principal de ce roman. Les (trop) nombreux êtres humains qui cherchent par tout moyens à quitter le pays, les conflits, la peur, le danger pour un avenir meilleur sont traités comme des moins que rien, comme de la simple marchandise qui rapporte de gros profits. On découvre les petits arrangements qui permettent à Seyoum de mener son activité, les pots de vin aux autorités, les relations avec la "concurrence"... La deuxième chose qui interpellera le lecteur, c'est l'état physique et mental de Seyoum, alcoolique, accroc à la drogue, parfois complètement psychotique, on comprend très vite que cet homme qui commet ces atrocités, envoyant à une mort certaine des dizaines de personnes après avoir récupéré toutes leurs économies est très abîmé.

Dès lors on s'interroge sur les évènements qui ont pu conduire cet homme à cette situation. Évidemment, l'écrivaine va répondre à cette question par des retours en arrière. Cette construction classique permet d'expliquer au lecteur comment cet homme a été broyé par la vie. On en vient à plaindre le bourreau, du moins on découvre comment on peut faire basculer un homme dans l'inhumanité. Et pourtant, un évènement va venir bousculer les certitudes du passeur et je n'en dis pas plus pour ne pas gâcher la découverte.

C'est un livre dur, éprouvant pour le lecteur, il reste dans les esprits. le style est franc, c'est concis, on peut dire que l'écrivaine va à l'essentiel et pourtant c'est plutôt dense, aucun temps mort (en même temps, des longueurs sur un roman aussi court, ça serait un exploit !). le contrecoup, c'est qu'il faut entrer vite dans le roman. Pour moi, ça n' a pas été un soucis puisque j'ai aimé le style, l'écriture très dynamique de l'écrivaine.

On était à deux doigts du coup de coeur, il manquait peut-être quelques éléments de contexte historique sur les conflits évoqués, sur les crises dans certains pays. Il manquait peut-être également quelques développements sur certains personnages. L'écrivaine a fait le choix du roman court, coup de poing mais il y avait à mon sens la possibilité de développer un peu plus sans pour autant casser le rythme enlevé du roman.

Ceci dit, j'ai clairement adoré. C'est un premier roman de grande qualité et c'est clairement une écrivaine à suivre. N'hésitez donc pas à foncer sur cette petite pépite de la rentrée d'hiver 2021. Et si je devais résumer tout ça en un seul mot, ça serait : percutant !
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Lorsque j'ai pris mon inscription à TousMigrants je n'avais pas envisagé l'étendue historique et géo-politique de la question. En tout cas pas sous cet angle là....
La littérature, tout comme la poésie, dit l'essentiel de la condition humaine.
Stephanie Coste réalise ce tour de force.
Le passeur n'est pas une grande nouvelle de 123 pages. C'est un livre charpenté, qui dit l'essentiel.
De l'Érythrée contemporaine, de la Libye post-Kadhafi.
Du parcours migratoire des populations de la corne de l'Afrique.
De la condition humaine.
Bien sûr « Nul n'est méchant de son plein gré » et l'auteure ( dont, oui c'est incroyable, c'est le premier livre) nous propose une lecture radicale de cet aphorisme en nous plaçant du point de vue de Seyoum.
On pense à l'Etranger bien sûr. Mais aussi à Hannah Arendt qui ne dit pas autre chose : le Mal c'est d'abord et surtout quand on arrête de penser.
Stephanie Coste nous raconte l'amont de cette « radicalisation ».
Et puis l'aval.
Et c'est d'une puissance surprenante, bien plus éclairant que tout ce que j'ai lu et vu sur la question des migrants.
Je souhaite un beau destin à ce roman et une belle carrière à son auteure nomade.
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Seyoum est l'un des plus gros passeurs de la côte libyenne. C'est un être cruel qui considère les gens comme de la marchandise. Comment en est-il arrivé là ? C'est ce que nous raconte ce récit.

Un court roman qui dès les premières lignes vous plonge de plein fouet dans cette histoire de passeur. Une belle écriture qui va droit au but, qui percute le lecteur. Difficile de rester de marbre face à des mots et des cris d'une telle intensité.
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Entre 1993 et 2015, ce roman nous raconte l'histoire de Seyoum, passeur sans scrupules de fugitifs entre la Lybie et Lampedusa, les horreurs subies et les horreurs commises. Pas d'excuse pour lui, juste un semblant d'explication sur le malheur des hommes de ce continent agonisant . Très bien écrit mais dur et finalement assez beau. Un premier roman coup de poing.
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