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Qui est Seyoum ? Un des plus gros « passeurs » de clandestins désespérés fuyant la guerre ou tout simplement une misère noire. Cet homme jeune a l'esprit ravagé par l'alcool et le khat dont les feuilles ont un effet stimulant et euphorisant comparable à celui de l'amphétamine.
Il a perdu toute son humanité… Enfin, le bon côté car pour ce qui est du côté sombre de l'être humain, il en a à revendre.
A-t-il toujours été comme ça ? Il fut un temps où il vivait heureux à Asmara au sein d'une famille très aimante avec un père journaliste qui s'était battu pour l'indépendance de l'Erythrée et qui était proche du président, un homme qui va se révéler, une fois au pouvoir, un fou tyrannique qui va transformer son pays en « Corée du Nord » de l'Afrique…

Critique :

Âmes sensibles s'abstenir ! Ce roman est d'un réalisme cru tel qu'il ressemble davantage à un reportage en Enfer qu'à une fiction. J'ignore où Stéphanie Coste a été puiser ses informations, mais tout semble tellement véridique que l'on ne peut qu'être choqué par l'inhumanité de ces passeurs… Et s'interroger sur le fait de laisser ces gens mourir en mer… Et là, il y va aussi de notre responsabilité…
Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde, il paraît… Pourtant des pays bien plus pauvres accueillent des millions de réfugiés, là où il nous paraît impossible d'en accueillir quelques centaines.
Fin de la parenthèse ! Revenons à ce livre extraordinaire, « le Passeur » … Un premier roman, paraît-il… Incroyable ! C'est tellement puissant et révoltant qu'il sera difficile de l'oublier. Il fait partie de ces ouvrages qui marquent pour longtemps. L'écriture de Stéphanie Coste sonne vrai. La construction avec ses allers-retours dans le temps permet de comprendre peu à peu comment on devient une crapule comme Seymoun que rien ne destinait à devenir un individu inhumain. le parcours qui fut le sien a de quoi transformer un ange en démon. Ce n'est pas par accident qu'il est devenu monstrueusement égoïste, non ! C'est la cruauté d'autres hommes qui a fait de lui un sans-coeur… pour lequel on finit par éprouver de la sympathie vers la fin du récit quand on découvre ce qu'il a vécu et les trahisons qu'il a subies.
C'est un pur chef-d'oeuvre !
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Témoignage d'une rare violence, et absolument innovant : c'est la première fois que je lis un récit sur l'émigration du point de vue du passeur.

Le narrateur est Seyoum, un passeur profondément inhumain, caractériel, drogué, un business man sans aucun scrupule qui joue avec la vie des Soudanais, Somaliens, Érythréens, en fuite. Trimballés dans des conditions insalubres, dépouillés, torturés, ils quittent la guerre civile, la dictature et des conditions de vie inacceptable sans se douter que l'horreur, l'enfer les attend et qu'ils n'auront que peu d'espoir de poser pieds un jour sur une terre accueillante.

« J'ai fait de l'espoir mon fond de commerce. Tant qu'il y aura des désespérés, ma plage verra débarquer des poules aux oeufs d'or. Des poules assez débiles pour rêver de jours meilleurs sur la rive d'en face. »

Un portrait peu flatteur, mais Seyoum porte en lui des cicatrices, des blessures béantes, que l'on découvre à coup de flash backs et qui m'ont meurtrie.
Sa cargaison est, un jour, différente, elle frappe Seyoum en plein coeur et nous laisse entrevoir la part d'humanité indécelable qui sommeillait en lui.

« Toutes les choses vraiment atroces démarrent dans l'innocence. » Ernest Hemingway

Un premier roman percutant, exténuant et prometteur. Stéphanie Coste met des mots forts sur une sombre et déchirante réalité.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Ce roman s'ouvre sans même que les lecteurs ne soient préparés. Assommés avec un uppercut nous affaiblissants d'entrée de jeu sans nous laisser l'opportunité de prendre son souffle avant de se lancer.

Le ton est donné :
"J'ai fait de l'espoir mon fonds de commerce. Tant qu'il y aura des désespérés, ma plage verra débarquer des poules aux oeufs d'or. Des poules assez débiles pour rêver des jours meilleurs sur la rive d'en face."

Nous suivons Seyoum, le chef d'un réseau de passeurs faisant fortune sur le dos des migrants.
Ces mêmes passeurs qui parquent leurs cargaisons humains-marchandises dans des entrepôts sans manger ni à boire, avant de prendre la mer.

Le roman de Stéphanie Coste est puissant. Il fait mal.

Les scènes difficiles sont racontées rapidement, car l'autrice ne s'attarde pas sur les détails. Cela suffit largement pour que nous, lecteurs, se rendons compte de l'horreur du quotidien de ces migrants.

«Mais on croit toujours avoir atteint son quota de malheur, son quota de souffrances. On se dit Dieu va me donner du répit, des forces, du sursis. Puis on se demande à quel moment Dieu a enfilé les habits du diable, et ses chaussures pour nous piétiner avec ?»

Derrière tout ça, en filigrane, il y a une histoire d'amour. Celle de Seyoum et Madiha, séparé par la dictature. Suite de quoi il perd son innocence et humanité en devenant celui qu'il est aujourd'hui.

Cet ouvrage est insoutenable et sublime à la fois.
Bien que fiction, il reflète la triste réalité. C'est court, 128 pages, mais intense, avec comme thème la dictature, la guerre et le trafic de migrants.
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Après avoir repéré ce titre sur Babelio, il me tardait de plonger dedans.

L'univers des passeurs est sombre pour ceux qui paient des fortunes dans l'espoir d'une vie meilleure. Quitter un enfer pour un autre, parfois tomber entre des mains pires que les premières qui les tenaient sous leur joug. Un univers flou et parfois sans issue...

Dès le départ, on se doute que ce récit nous fera sentir mal, nous consternera au plus haut point.

Il faut s'attendre à du désespoir, au bouleversement engendré par l'inimaginable que subit une tranche de la population dans leur pays corrompu, puis à la colère éprouvée envers tous ceux qui tirent profit du malheur des autres, mettant des vies déjà précaires encore plus en danger sans se soucier le moins du monde de la finalité pour ces gens. Tout cela juste pour de l'argent. Ces passeurs, de plus en plus gourmands et de plus en plus paresseux, négligents, lésinant sur la sécurité, sur lesquels les migrants misent tout: leur confiance, la totalité de leurs économies, leur vie.

On ne prend pas plaisir à lire "Le passeur", on n'y trouve point de détente; la tension est palpable, tout le temps, le danger, partout. Ce que le lion fait à la brebis nous révulse. Et lorsque ce ne sont pas les autres, ce sont les conditions atmosphériques. Un monde imparfait rempli de malchanceux qui continue de sombrer...tellement de vies perdues pour avoir osé rêver de liberté. C'est un livre choc, bien structuré, qui braque son objectif sur un pan méconnu mais bien réel de la condition humaine en contexte d'immigration clandestine, sur le "avant" et le "pendant", notamment.

Ce récit est plutôt spécial parce qu'au lieu d'être relaté par une victime, cette fois-ci c'est le bourreau (Seyoum) qui parle. Tout est dans le langage, sa perception des autres, sa façon de voir les choses et le monde qui l'entoure. le texte est magnifique et poignant dans l'ensemble bien que cru lorsque Seyoum s'exprime intérieurement. le lecteur passe énormément de temps dans sa tête agitée et dans son coeur cloisonné, torturé. On ressent toute sa fureur, toute sa haine, pas seulement celle qu'il éprouve envers les autres mais envers lui-même également. Surtout, peut-être. Sa honte, aussi.

J'ai aimé lire sur son passé, aspect qui vient adoucir un peu l'histoire. Juste un tout petit peu. Sans être excusable ou pardonnable, on en vient qu'à comprendre ce qui l'a amené à devenir passeur et pourquoi il est devenu cet homme aujourd'hui. Nous éprouvons un certain soulagement de constater qu'il n'a pas toujours été cet être mauvais, qu'il réside peut-être encore une parcelle de l'enfant bon en lui...

C'est un texte universel qui m'a mise à l'envers, qui m'a choquée. Beau et laid à la fois. Entres autres parce que toutes ces situations existent vraiment.

Cru.
Horrifiant.
Court.
Percutant.

Il y avait un moment que je n'avais pas lu quelque chose d'aussi puissant. Physique. Qui me nouait la gorge et les tripes. La fin a d'ailleurs été comme un coup de poing dans l'estomac.
"Le passeur" est ce genre de livre.

CHALLENGE PLUMES FÉMININES 2023
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Magnifique, violent , épuré, troublant: oui, c'est un roman qui vous envoie une grande claque et vous laisse un peu groggy
Pour un premier roman ,Stéphanie Coste évite deux obstacles classiques : l' autobiographie et le sempiternel besoin d' écrire une oeuvre de400 pages avec les inévitables longueurs habituelles
Ici , elle fait court, à peine 120 pages . Mais cela suffit largement tant le sujet et l' écriture sont forts
Celui qui parle, c'est Seyoum, la parfait salaud sans scrupule , le boss qui dirige en Lybie le lucratif trafic des migrants vers la terre promise , Lampedusa en Italie .Seyoum se fiche de tout , des bateaux pourris , des migrants à bout de force , des pertes en mer qu'il suffit de jeter par dessus bord. Pour lui, caïd respecté, une seule valeur , l'argent, toujours l'argent. Nous sommes en 2015
Pourtant cet ignoble personnage va être troublé par l'arrivée d'un contingent de réfugiés érythréens
Nous retournons plus de 15 ans en arrière car Seyoum a lui aussi été un des ces exilés lors du conflit entre l' Éthiopie et l' Érythrée . Lui aussi a aimé , a souffert , a connu la faim , la soif , la violence, la tortue, l'exil et l' échec
La question sous jacente de ces deux histoires parallèles, c'est : comment peut-on oublier , comment peut-on devenir une vraie crapule?
Peut-on oublier le passé ? Est-ce le seul moyen de se reconstruire psychologiquement ?
La réponse n'est pas si simple et je me garderai bien de vous en dire plus
Car là est la force de ce livre .Il va bien plus loin que le témoignage brut et direct d'un réfugié invisible devenu un chef de gang
Nous sommes au delà du témoignage dans une réflexion qui vous laisse pantois
Écriture magnifique, force du récit, roman quasi métaphysique
Ne passez pas à côté
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C'est un petit roman qui a tout d'un grand, par la force de l'écriture de Stéphanie Coste et par l'immersion dans le monde de violence des migrants africains.

Côte libyenne.
Seyoum est un passeur, alcoolique et drogué, vivant du trafic juteux de l'espérance d'individus, transportés et abandonnés en Méditerranée. Son monde de malfrats sans scrupules le laisse en permanence sur la corde raide de l'autodestruction.
Seyoum a été un autre homme dans une autre vie, un jeune homme amoureux et plein de projets. L'épouvantable dictature de l'Erythrée en a décidé autrement, le mettant lui aussi sur les routes de l'exil.

En quelques chapitres alternant les époques, la vie d'un homme se résume à peu de chose, qui peut passer de victime torturée et embrigadée à bourreau brutal et déshumanisé. Mais la part d'humanité de l'Homme est une petite chose précieuse qu'il ne faut jamais craindre de perdre complètement…

Un roman fort, rapide, nerveux, sur l'exil et la rédemption. Aucun répit dans le souffle romanesque et le cynisme des situations. On est intrigué par l'envers du décor, par l'originalité d'une histoire racontée du point de vue du tortionnaire, éloignant ainsi les images de bateaux surpeuplés, aux individus interchangeables, pour découvrir ce qui précède les traversées.
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«  T'es un seigneur de la guerre!
Souviens- toi comment t' es arrivé ici !
Tu veux qu'on te rafraîchisse la mémoire ?
T'as subi et maintenant tu fais subir.
Tu maitrises l'enfer.
Toi et lui vous travaillez main dans la main , il n'y a que ça qui compte » .

Extrait de ce livre choc acheté sur les conseils d'une amie de Babelio.
Mais alors , si je m'attendais à ça !.
Comment aborder ce sujet ? .

«  le passeur » conte l'indicible, l'enfer, l'innommable, l'inhumanité, l'atroce .
Il m'a laissée là, KO , la gorge nouée par de multiples émotions !.

C'est la première fois que je lis un récit vu du côté d'un passeur, d'ailleurs ! .

Seyoum Ephrem est un des plus gros passeurs de la côte lybienne , il est censé aider bien sûr, des milliers de personnes persécutées , obligées de quitter leur terre natale afin de traverser en clandestins la mer pour fuir misère , pauvreté , dictatures ou guerres …

Seyoum est un passeur ravagé, drogué aux feuilles de khat, alcoolique , cruel, au cerveau embrouillé par ces substances , il vit du trafic juteux de l'espérance vaine d'individus tentant le tout pour le tout , transportés en Méditerrané, un trafic fondé sur la détresse et le désespoir.

Peut - il faire preuve d'humanité devant cette misère du monde? .

Au fil de pages incandescentes, on découvre son passé tragique d'homme traumatisé .

Il a subi la FOLIE des hommes : sa famille détruite, par la dictature en Érythrée , l'embrigadement forcé dans le camp de Sava, les scènes de torture , la rafle, la fuite , son amour perdu pour Madiha.

Autrefois c'était un jeune homme amoureux, plein de projets.
L' épouvantable dictature de l'Érythrée en a décidé tout autrement.

Elle l'a mené douloureusement , sur les routes de l'exil, de victime il est devenu bourreau , un bourreau brutal, déshumanisé, sans scrupule auprès de «  Ces poules aux oeufs d'or , des poules débiles » …..

Pourtant le manque , la panique , l'angoisse des souvenirs ronge sa lucidité , au coeur de l'enfer où le besoin d'argent prime «  Ma seule famille c'est le pognon. Dans ce monde y a que ça qui compte et qui te met à l'abri . Et du pognon j'en ai .Plein , même . »

L'alcool et le Khat le laissent s'échapper du monde réel , il s'y noie «  Ce gin frelaté, du suc du khat , des limites que son corps a franchies et ne peut plus supporter » .

Il porte dans sa chair , en lui, des cicatrices béantes, des douleurs incommensurables .
«  Son reflet immonde lui sourit de tous ses chicots » …
Il n'est plus au fond , qu'une enveloppe vide , prête pour le «  grand saut » rongée, envahie par ses addictions Se souvenant de son amour pour Madiha …
L'écriture magnifique , forte, brûlante, incandescente nous immerge violemment , cruellement au sein du monde des migrants , au statut du bourreau embrigadé qu'est devenu Seyoum.

L'auteure conte brillamment, les cris de détresse , les corps morts échoués sur le sable, la faim, la soif ,l'humanité et l'inhumanité contemporaines mais aussi au final l'espoir ….

Court , puissant , ravageur , percutant , exténuant , rapide , poignant , haletant , efficace , glaçant , ce livre parfaitement documenté ne nous laisse pas respirer—— ,tantôt horrifié , tantôt pris de compassion ——-à propos d'un sujet brûlant , actuel , l'exil et la rédemption !
Insoutenable et sublime à la fois! Chacun devrait le lire ! .

Merci à mon amie de Babelio !
C'est l'histoire en grand d'un continent anéanti , meurtri ! Au plus profond de la folie, du cynisme et de la cruauté des hommes .
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Que reste-t-il en soi d'humanité lorsque l'on a tout perdu, de l'espoir à la dignité ? À travers ce premier roman d'une force inouïe, Stéphanie Coste immerge le lecteur dans les affres des migrants à la destinée tragique. Dans » le passeur « publié en 2020 aux éditions Gallimard, Stéphanie Coste signe avec pugnacité et humanité un premier roman percutant et féroce qui résonne longtemps…

Seyoum est devenu l'un des plus gros passeurs de la côte libyenne. En ce mois d'octobre 2015, il doit organiser la traversée d'un nouveau convoi de migrants. Anesthésié par sa consommation excessive de khat et de gin, Seyoum n'agit plus que par automatisme. Ne plus penser. Ne plus ressentir.

p. 84 : » Je me demande quand exactement ma peur s'est transformée en résignation. À quel moment précis j'ai arrêté de me sentir humain. Je ne suis pas tout à fait une bête. Je suis une mécanique bien programmée, qui obéit aux ordres, qui apprend docilement ce qu'on lui inculque. L'amour de la patrie, la haine de l'Ethiopie notre ennemi de toujours. L'importance de nous protéger en militarisant au maximum notre pays. On est là avant tout pour ça, des futurs soldats prêts à partir au front pour défendre la sainte patrie en cas de troisième guerre. Au bout de ces quelques mois j'ai intégré cette doctrine comme mon mantra quotidien. Je suis en train d'oublier qui je suis. «

A partir de quand Seyoum a-t-il perdu son innocence, ses ambitions et ses rêves ? Qu'est-ce qui peut pousser un jeune homme à devenir si inhumain et à jouer avec le destin des innocents ?

p. 94 : » J'ai dû abandonner mes rêves d'université. A vingt ans. La résilience finit par capituler sous le poids des chagrins. «

Au fur et à mesure que le jour J approche, le lecteur découvre le passé bouleversant de Seyoum, sous forme de flash back. Comme si chaque heure qui s'écoule écrase la possibilité d'un dénouement heureux.

p. 36 : » Je me détourne de lui et examine vaguement la cargaison. Quarante-cinq zombies luisants me fixent du même regard suppliant. J'y vois passer les ombres d'épreuves inracontables. Leurs fringues en lambeaux sont maculées de déjections. Des mouches s'y vautrent sans qu'ils en soient conscients. Ils ont lourdé leur dignité quelque part dans le Sahara. «

En effet, comment se relever de tous ces traumatismes ? Cette boule dans le fond des tripes de Seyoum n'est que le reflet d'une rage intérieure indicible, prédisposé dès l'enfance à un combat dont on ne maîtrise plus ni les tenants ni les aboutissants . Indéfectible héritage.

p. 26 : » – Seyoum, tu es encore petit, mais tu dois comprendre que c'est important de se battre pour son pays, pour les valeurs de la liberté. Et l'Ethiopie nous empêche d'être libres depuis vingt-cinq ans. Voilà pourquoi il faut la combattre. […]

– Moi je croyais que le plus important dans la vie c'était de protéger les gens qu'on aime. «
Lien : https://missbook85.wordpress..
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Le sort des migrants est vu ici non pas par le regard de ceux qui font la traversée que ceux qui aident à le faire, avec des motifs souvent plus pécuniaires qu'humanistes.

Seyoum est l'un des plus importants passeurs de la côte libyenne. À Zouara, face à l'île de Lampedusa, il fait embarquer sur des bateaux de fortune des hommes et des femmes qui rêvent de jours meilleurs.

Seymoun se fait de l'argent sur le dos de tous ces hommes et femmes fuyant leurs pays devenus inhospitaliers, au premier rang desquels l'Erythrée.

À la veille de la dernière traversée de la saison, la tempête fait rage sur la Méditerranée, et Seymon se voit ramené à sa propre humanité, par la grâce d'une rencontre à part qui le ramène à son passé.

Pour son premier roman, Stéphanie Coste, qui a vécu en Afrique nous livre un roman aussi réaliste que romanesque, qui mine de rien nous dit pas mal de choses sur la géopolitique .

Un roman immersif, au réalisme qui dévoile avec énormité de vérité les travers d'une humanité vacillante .

On découvre comment un homme qui a bâti son commerce sur le malheur de l'humanité n'est finalement pas le monstre qu'il parait être. Une écriture d'une grande puissance qui n'hésite pas à forcer le lecteur à regarder les plaies de notre société , mais qui n'oublie pas non plus de montrer l'espoir et la rédemption.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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J'ai vérifié sur Internet : entre les plages de Zouara (Libye) et l'île italienne de Lampedusa, il n'y a que 290km.
Pas grand chose en somme, un saut de puce à l'échelle du monde, un vol d'oiseau à peine plus long par exemple que celui, non loin de là, qui relie Nice à Ajaccio.
Si peu de kilomètres mais tellement de naufrages, tellement de vies sacrifiées, tellement de rêves fracassés sur ce mur d'eau presque infranchissable...

D'un côté l'enfer, de l'autre un espoir fou, et entre les deux Seyoum, le Passeur. À la tête d'une entreprise commerciale ô combien lucrative, c'est lui le narrateur de ce roman terrible, "l'homme" (si l'on peut dire) en charge des expéditions vers l'Europe.
Sa marchandise ? Une manne inépuisable, acheminée là par camions entiers et constituée de Somaliens, de Soudanais, d'Érythréens prêts à tout.
Tout endurer, tout subir, tout tenter.
Tout, plutôt que de rester coincé à jamais du mauvais côté du monde.
N'importe quel candidat à l'exil est le bienvenu, pourvu qu'il soit suffisamment désespéré pour se joindre à d'autres spectres ambulants, à d'autres cadavres en sursis, pour embarquer avec eux sur un radeau de fortune mettant cap au Nord (sans aucune garantie d'atteindre l'autre rive), et surtout pour rémunérer grassement Seyoum et ses sbires.

Dès les premières pages, quand nous rencontrons le passeur, il vient justement de réceptionner une nouvelle cargaison qu'il s'apprête à charger sur un vieux rafiot. Immédiatement Seymoun nous met dans l'ambiance :
"Quarante-cinq zombies luisant me fixent du même regard suppliant. J'y vois passer les ombres d'épreuves inracontables. Leurs fringues en lambeaux sont maculées de déjections. Des mouches s'y vautrent sans qu'ils en soient conscients. Ils ont lourdé leur dignité quelque part dans le Sahara. Les abominations subies n'ont pas entamé le brasier au fond de leurs pupilles, ce putain d'espoir."

La suite ne sera qu'une monstrueuse mise en lumière, épouvantablement crue, du drame qui se joue quotidiennement en Méditerranée.
Les bons romans traitant de cette effroyable thématique sont nombreux (je pense forcément à "La loi de la mer", "Eldorado", "Entre deux mondes"...) mais la plupart placent naturellement le lecteur du côté des migrants, et à ma connaissance aucun n'est axée de manière si exclusive sur le bourreau, le planificateur, l'orchestrateur de la funeste machinerie.
En donnant la parole à Seymoun, en le laissant nous raconter froidement, avec cynisme et sans la moindre once de scrupule son terrifiant business de mort, Stéphanie Coste choisit un angle original et particulièrement percutant. Son style est vif, direct, puissant, et le personnage qu'elle a imaginé semble dénué de toute morale, de toute conscience, de toute humanité.
Au travers de quelques flashbacks pourtant, nous comprenons qu'il fut jadis lui aussi un gamin plein de vie, de rêves et d'ambitions, mais qu'aujourd'hui ce gosse innocent n'est plus, qu'il a fini par rendre les armes...
Parfois, quand l'alcool frelaté et le khat qu'il consomme en abondance lui autorisent encore quelques instants de lucidité, le monstre qu'il est devenu s'interroge ("Je me demande quand exactement ma peur s'est transformée en résignation. À quel moment précis j'ai arrêté de me sentir humain") mais bien vite ses démons reprennent le dessus ("Ma voix agresse le silence : t'arrêtes tes conneries avec tes angoisses ? Non mais c'est quoi ces yeux de vierge effarouchée ? T'es un seigneur de la guerre ! Souviens-toi comment tu es arrivé ici ! Tu veux qu'on te rafraichisse la mémoire ? T'as subi et maintenant tu fais subir. Tu maîtrises l'enfer. Toi et lui vous travaillez main dans la main, il n'y a que ça qui compte. Amen.") et personne n'est dupe : l'odieux Mister Hyde a définitivement supplanté le bon docteur Jekyll.

Un petit livre d'une rare puissance, un premier roman aux intenses relents de sueur, de sang et de souillures diverses, qui me hantera longtemps...
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