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EAN : 9782072904240
Gallimard (07/01/2021)
4.29/5   263 notes
Résumé :
Quand on a fait, comme le dit Seyoum avec cynisme, « de l’espoir son fonds de commerce », qu’on est devenu l’un des plus gros passeurs de la côte libyenne, et qu’on a le cerveau dévoré par le khat et l’alcool, est-on encore capable d’humanité ?
C’est toute la question qui se pose lorsque arrive un énième convoi rempli de candidats désespérés à la traversée. Avec ce convoi particulier remonte soudain tout son passé : sa famille détruite par la dictature en Éry... >Voir plus
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« Des groles défoncées et des lambeaux de vêtements sont éparpillés un peu partout sur le sable blanc, la mer turquoise en arrière-plan. Ils ont à peine nettoyé après le dernier naufrage ».

Je viens de me recevoir une claque…Comme si l'auteure, Stéphanie Coste, m'avait prise par le cou et avait tenté de me mettre la tête dans ce sable, bien profond, pour que je comprenne et surtout que je puisse garder longtemps des images terribles en tête. Oui, « le passeur » fait partie de ce genre de livre qui crie, qui narre sans fioriture l'innommable, cet innommable à deux heures d'avion de nos petites vies occidentales confortables. Je ressors marquée, bouleversée, avec la nausée aussi tant le récit est brut.

Nous suivons Seyoum, très abimé par l'alcool et le khat, passeur connu de migrants sur la côte libyenne vers Lampedusa, un passeur puissant dont la réputation s'est construite en dix ans de boulot et de trahisons diverses. Un homme blasé, brutal, drogué, qui s'enrichit sur le dos de la misère la plus totale, sans état d'âme ni aucune espèce d'empathie. Or l'arrivée d'un convoi de réfugiés en provenance d'Erythrée va complètement le déstabiliser et faire remonter les fantômes du passé.
Les chapitres alternent le récit en 2015 de cette dernière traversée et le passé de Seyoum dans les années 90/2000. Nous comprenons peu à peu, avec effroi, comment cet Erythréen a perdu toute humanité et est devenu ce passeur violent, sans foi ni loi. Les deux périodes vont s'entremêler à la fin du livre.

Dès le début, le ton est donné, l'incipit nous ouvre grand les portes de cet enfer : « J'ai fait de l'espoir mon fonds de commerce. Tant qu'il y aura des désespérés, ma plage verra débarquer des poules aux oeufs d'or. Des poules assez débiles pour rêver de jours meilleurs sur la rive d'en face ».

Puis…puis c'est infernal…

Entre le corps fiévreux de Seyoum du fait de ses addictions et de ses angoisses : « L'angoisse et ses hallucinations surgissent derrière le palmier, là-bas. J'éloigne le téléphone de mon oreille. le ciel se renverse. La plage devient plafond. Je suis désorienté. Une salive épaisse scotche mes lèvres. Des mouches grouillantes s'agglutinent devant mes yeux explosés, cherchent à rentrer dans mes orbites. Je tousse violemment pour relancer le battement de mon coeur, me file une baffe»

Entre la violence que fait subir Seyoum aux candidats à l'exil : « Je préfère traîner sur ce bout de sable plutôt qu'à l'entrepôt où je parque les migrants avant la traversée. Les Soudanais et les Somaliens qui y sont entassés depuis six jours n'ont plus rien à bouffer depuis hier. On leur file juste un peu de flotte pour les garder en vie. Certains portent sur leurs tronches les prémices de la révolte. Je les reconnais tout de suite. J'en fais tabasser trois ou quatre par jour pour maintenir l'ordre : l'épuisement gagne toujours, la peur les achève. Ils sont vite matés ».

Entre la violence parmi les passeurs où la concurrence se durcit. Faire de la place de manière expéditive s'avère important pour affirmer sa puissance.

Entre la passé de Seyoum qui a vécu des choses si affreuses que j'ai du détourner la tête en les lisant.

Entre le manque d'hygiène et de confort, la chaleur. Odeurs et sons nous glacent. le silence, entre deux gémissements, est parfois insupportable au point de faire défiler les images au ralenti : « Il se dirige à l'arrière et déverrouille le cadenas de la porte qui retient les passagers. Six mecs qui y étaient adossés se cassent la gueule sans un cri, entraînant les autres dans leur chute. Ils se déversent sur le sol. L'odeur de pisse et d'excréments réveille mon envie de gerber ».

Avec ce livre, nous entrons dans l'intimité du passeur, borgne parmi les aveugles, pitoyable roi d'un royaume de pauvres hères, chargé de faire passer d'une rive à l'autre les humains les plus pauvres du monde, les faire passer de la rive de la misère à celle de l'espoir pour un prix absolument énorme, les économies de toute une vie. Or s'il les mets sur la bonne direction, le passeur les laisse souvent seul, désignant un pigeon parmi les migrants, sur le dos duquel il fait reposer toutes les responsabilités, eux qui n'ont jamais mis le pied sur un bateau, embarcation de piètre qualité qui plus est. Les naufrages sont ainsi très fréquents.

Vous l'aurez compris, c'est une lecture éprouvante qui a plus de poids qu'un simple article dans un journal ou un simili de reportage à la va vite dans un journal télévisé. C'est toute la puissance de la littérature de nous sensibiliser réellement, au plus profond de nous. de soulever le voile, de nous faire sentir, de nous ouvrir les yeux. de considérer avec bienveillance et humanité ces personnes que nous voyons dans nos villes et que nous regardons parfois avec distance. Ils ont vécu la pire horreur qui soit, des épreuves inracontables. « Ils ont lourdé leur dignité quelque part dans le Sahara ». Un grand merci à Stéphanie Coste pour ce message que je ne suis pas prête d'oublier.


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Nous sommes en 2015. Abîmé par l'alcool et le khat, Seyoum n'en impose pas moins sa brutale autorité sur toute la côte libyenne, où il est devenu l'un des plus gros passeurs de migrants vers Lampedusa. Contre toute attente, l'arrivée d'un énième convoi de réfugiés en provenance d'Erythrée le déstabilise soudain, en lui renvoyant à la figure un passé dont il pensait être quitte. Car Seyoum est lui-même érythréen. Vingt-deux ans plus tôt, la dictature érigée dans son pays brisait sa famille et sa vie : l'attendaient les camps d'embrigadement forcé, la torture et l'emprisonnement, jusqu'à sa fuite et son établissement sur ces plages de la Méditerranée…


Entré de plain-pied dans la peau d'un passeur écoeurant de cynisme et d'indifférence, le lecteur se retrouve, d'emblée et sans ménagement, confronté à l'immonde absence de vergogne d'un caïd aussi minable que meurtrier. L'abjection semble sans limite, lorsqu'un événement fortuit vient déchirer les abrutissants brouillards de la drogue et pourfendre la carapace du tortionnaire. Peu à peu, les réminiscences apportent un éclairage qui, sans l'excuser, finit par amener un début d'explication au comportement criminel de cet homme. de 1993 à nos jours, depuis l'indépendance de l'Erythrée après trente ans de guerre contre l'Ethiopie, la dictature militaire a multiplié les conflits internes et externes, achevant de mettre le pays à feu et à sang et provoquant de massifs déplacements de la population. Torturé dans son âme et dans sa chair, embrigadé de force et trahi au plus intime de son être, Seyoum s'est transformé de victime en bourreau, au fil d'une déshumanisation par bien des aspects suicidaire.


L'écriture, dynamique et lapidaire, ne laisse aucun répit. Les phrases s'alignent comme autant de gifles, dans un récit coup de poing qui, en quelque cent trente pages couvrant quatre jours seulement, réussit à embrasser toute l'ampleur du désastre érythréen, à toucher du doigt l'intime détresse des migrants, et à dresser un tableau sans fard et sans manichéisme des violences et de l'inhumanité que leur réservent passeurs, mais aussi souvent, autorités complices et prétendument aveugles. Dans cet océan de noirceur brutale et insoutenable, brille malgré tout une lueur d'espoir, cette étincelle que l'auteur a choisi de préserver envers et contre tout, et qui permet de croire que, peut-être, l'âme humaine reste toujours capable d'un minimum de rédemption.


Ce livre choc ne laissera aucun lecteur indifférent. Sans pathos ni jugement, il aborde la question des migrants sous un angle inédit et dérangeant, et nous interroge quant à nos propres responsabilités et à celle de nos gouvernements, quand le souci de notre confort l'emporte si facilement sur notre humanité. Un premier roman percutant et remarquable, et un nouvel auteur à suivre. Coup de coeur.

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Court et puissant, ce roman est un coup de poing. Parce que même si c'est une fiction, il est le reflet de ce qui se passe au quotidien pour des milliers de fantômes errants, dont le rêve d'un ailleurs rédempteur s'est transformé en un cauchemar de la pire espèce.

Le narrateur est comme l'indique le titre un passeur, un type qui a trouvé un filon pour se faire du fric, beaucoup de fric, en organisant la fuite des « cargaisons », qu'il aperçoit le temps d'affréter un bateau de fortune. Armé d'une carapace d'indifférence, condition nécessaire pour survivre à ce qu'il vit, mais pas suffisante : les paradis artificiels et le khat sont nécessaires pour consolider le clivage qui le maintient en vie.

Un être abject, donc. Seulement malgré l'ivresse de l'alcool et du pouvoir, des images reviennent, une histoire passée se construit entre les chapitres, celle d'un enfant puis d'un jeune adulte trahi, bafoué, humilié au nom de causes politiques ou religieuses, qu'il n'a jamais eu envie de soutenir. Juste pris dans l'engrenage. Avec une seule issue, la fuite…

Un équilibre précaire aux confins de la folie, qu'une « cargaison » pas comme les autres, un regard croisé et un passé qui ressurgit viendront mettre en péril.


C'est une lecture terriblement éprouvante, en raison du thème mais aussi de la force des mots pour raconter en peu de pages l'horreur à nos portes. Ce n'est pas une découverte, de temps à autre en fonction des priorités de l'actualité, les médias s'emparent de ce qui devient un fait divers, le temps de quelques gros titres. Et c'est la force de la littérature, de créer une prise de conscience plus marquante qu'une photo éphémère à la une d'un journal.
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Cruelle beauté que celle de l'histoire, très actuelle, de cet intermédiaire aussi médiatisé qu'invisible : le Passeur. Censé aider à traverser clandestinement la mer pour fuir guerres ou dictatures, il représente le dernier espoir de milliers de persécutés, contraints de quitter leur terre et leurs proches dans des conditions pire que précaires. Mais cet homme, qui va les aider à marcher sur l'eau, est-il leur sauveur ? Ou une épine de plus sur leur chemin de croix, un homme extorquant leurs économies pour n'organiser que leur naufrage ?


« « J'ai fait de l'espoir mon fonds de commerce. Tant qu'il y aura des désespérés, ma plage verra débarquer des poules aux oeufs d'or. Des poules assez débiles pour rêver de jours meilleurs sur la rive d'en face. » »


Stéphanie Coste explore la question dans la peau de l'un d'eux : Seyoum. Après une nuit chargée d'alcool et de khat, contre la boule d'angoisse, de désespoir et de solitude qui l'étouffe un peu plus chaque jour, Seyoum reçoit sa dernière cargaison de migrants pour la saison. Pour engranger un max de pognon, il a un peu forcé sur le recrutement : si quelques-uns ne meurent pas dans les prochaines 24 heures, le bateau ne pourra pas tous les contenir. Alors il les parque dans sa réserve hermétique jusqu'à la nuit, sans eau ni nourriture histoire que la nature fasse son travail, baignant dans leurs excréments comme des cafards dans une boîte. Pour la der, le bateau acheté est un peu miteux mais une fois en pleine mer, ce n'est plus son affaire : il laissera le GPS à l'un de ces désespérés et rentrera peinard dans son zodiac, comme d'habitude. Faudra juste penser à retaper la coque, histoire que le bateau ne coule pas trop vite : Quand les morts reviennent s'échouer sur la côte, le garde-côte qu'on paye grassement pour fermer les yeux est sur les dents et augmente ses commissions… « Ce mec se prend pour Dieu. Il négocie même les cadavres ».


« « Une chauve-souris vampire est entrée dans ma tête, puis deux, puis vingt, et leur vol de pensées morbides se cognent sur les parois de mon cerveau en sang. » »


Seyoum n'est-il qu'un businessman insensible qui empoche le prix de la traversée, économise en achetant du matos chinois et tabasse sans sourciller les rares migrants ayant la force de se rebeller ? « Une fois que je les ai tous bien regardés et que chacun a baissé les yeux, je repose mentalement sur ma tête la couronne du roi tout-puissant de ces abrutis, et je quitte la pièce soumise. » le fait-il pour survivre ou par amour de l'argent facile? « Ma seule famille c'est le pognon. Dans ce monde y a que ça qui compte et qui te met à l'abri. » Est-il inhumain, où ce qu'il a vu et vécu l'a-t-il changé ? Lui-même s'interroge : « Je me demande quand exactement ma peur s'est transformée en résignation. A quel moment précis j'ai arrêté de me sentir humain. Je ne suis pas tout à fait une bête. Je suis une mécanique bien programmée ».


Stéphanie Coste y répond en alternant le récit de cette dernière traversée, des côtes libyennes à destination de l'Italie en 2015, avec le récit foudroyant et brutal du passé de Seyhoum (Érythrée), dans les années 90 puis 2000. Il y a de quoi perdre la raison lorsqu'on vous arrache tout, jusqu'à votre humanité. Alors elle achève de nous fait basculer dans l'horreur lorsque les deux époques se rejoignent. Preuve que le passé demeure toujours présent, tapi en chacun d'entre nous…


« « Le magma des formes entassées les unes sur les autres geint d'une seule voix épuisée, moquée par les rafales. Des bras et des jambes s'agitent dans le bordel, en quête d'espace et de respiration. Toujours les mêmes gestes inutiles entamant le processus habituel. L'asphyxie ne fait que commencer et avec elle, une fois en mer, viendront la panique, les piétinements, les affrontements, la loi du plus fort, les premiers morts balancés par-dessus bord. A ce stade, la notion d'être humain aura aussi été balancée dans les tréfonds marins. » »


Heureusement pour le lecteur, la plume sublime amortit le choc ; Paradoxalement, elle met aussi en lumière, par le contraste de beauté qu'elle apporte, l'atrocité de ce qu'elle décrit. En seulement 120 pages, elle nous livre un roman complet, addictif et puissant, sur une situation délicate dont les intrications échappent complètement aux protagonistes, pour leur plus grand malheur.


« « Un cri plus fort que le vent troue la tempête. Je vois à peine le mec tomber. Il a déjà été avalé par la mer ogresse. Puis un autre. Et combien encore ? le bateau se vide, et comble l'appétit de la mer. » »


Sombre histoire, où la plume apporte le souffle nécessaire pour lire l'indicible. Tandis que celle brute et épurée de Takiji Kobayashi dans le Bateau-Usine ne nous était d'aucun secours, nous sommes ici portés par une plume poétique comme une caresse, un baume sur les plaies profondes de ces âmes anonymes et des nôtres, martyrisées par leurs innommables et innombrables épreuves. Comme si l'auteure voulait repêcher chaque âme avec le son de ses mots. C'est dur bien sûr, mais c'est à lire. Parce que la littérature a aussi cette fonction merveilleuse de nous révéler ce qu'on ne voit pas des gens ou des situations, notamment derrière les faits divers qui nous semblent parfois trop lointains pour être incarnés et nous interpeler vraiment.


« Alors, qu'est-ce que tu décides, Seyoum ? Tu foires tout ou tu prends les choses en main ? »
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Il y a des livres comme ça, comme le passeur, des livres qui vous laissent ko. Des livres qui vous laissent la gorge nouée, le coeur serré, enfin dont on ne peut sortir sans bleus à l'âme.
Sonné par cet uppercut… difficile de trouver les mots à chaud. Juste… whaou !!!

C'est un premier roman et autant vous dire que j'attends déjà avec impatience le prochain Stéphanie Coste.
Le passeur c'est Seyoum. Un nom, un homme qui incarne une des nombreuses manifestations des bas-fonds de l'être humain. Marchand d'espoir, trafiquant d'Hommes, spéculateur de misère, vendeur de larmes. Les migrants qu'il envoie à la mort c'est sa petite entreprise qui elle ne connait pas la crise.
Des raisons d'en arriver à ne voir que de la marchandise en des êtres désespérés aux alibis qui anesthésient la conscience d'un passeur, Stéphanie Coste met le lecteur dans la peau de cet homme qui s'il a choisi d'être une ordure, a peut être été un peu orienté par le destin. A chacun son histoire.
Difficile de croire en l'Homme, en sa bonté. Compliqué de se dire que derrière l'ignominie, il y a peut être un sentiment, une émotion. Et pourtant… ou pas…
Deux jours de la vie de cet homme qui nous entrainent dans les années 90 et dans la guerre entre Erythrée et Ethiopie et en 2015 entre la Libye et l'Italie. Deux jours pendant lesquels quelques cent cinquante vies vont basculer.
C'est court, ça se lit d'une traite, en apnée. C'est violent pour la dignité, pour l'honneur. Impitoyable pour le genre humain.
Comme on dit souvent, s'il y a un livre à lire en ce moment, c'est celui là. En fait les autres, là, tout de suite, je m'en tape.
Groggy après une telle lecture, je vois des étoiles partout, au moins six pour ce bouquin.
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Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
Quarante-cinq zombies luisants me fixent du même regard suppliant. J’y vois passer les ombres d’épreuves inracontables. Leurs fringues en lambeaux sont maculées de déjections. Des mouches s’y vautrent sans qu’ils en soient conscients. Ils ont lourdé leur dignité quelque part dans le Sahara. Les abominations subies n’ont pas entamé le brasier au fond de leurs pupilles, ce putain d’espoir.
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Mais on croit toujours avoir atteint son quota de malheur, son quota de souffrances. On se dit Dieu va me donner du répit, des forces, du sursis. Puis on se demande à quel moment Dieu a enfilé les habits du Diable, et ses chaussures pour nous piétiner avec ?
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Je suis assis sur ma paillasse, ou sur un brasier, quelle différence ? Une chauve-souris vampire est entrée dans ma tête, puis deux, puis vingt, et leur vol de pensées morbides se cognent sur les parois de mon cerveau en sang.
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Quatre soldats encadrent les rangs. Le chef se dirige vers un long baraquement mal éclairé. Il revient peu après, une chaise pliante sous le bras. L’un de ses larbins passe devant chacun de nous. Quand il arrive à ma hauteur et plante son regard dans le mien, j’y lis sa folie. Je sens son haleine empestée d’alcool et de tabac. Il me fait peur. À Asmara, des bruits couraient à propos de violences inouïes et de viols commis à Sawa. Beaucoup de filles faisaient tout pour se marier avant dix-huit ans, seule garantie de ne pas y être envoyées. Et Madiha qui est si belle comment va-t-elle pouvoir échapper à ces monstres ? Je n’ose pas tourner la tête pour la chercher encore. La douleur dans mon crâne est lancinante. Le sang séché sur ma joue me démange. Mes épaules me font mal. Je pense au pauvre mec derrière moi qui doit souffrir comme un fou. Il tient bon pour l’instant. Il ne bronche pas. Depuis combien de temps sommes-nous plantés les mains sur la tête ? Une heure ? Deux peut-être ? Le chef s’est endormi sur sa chaise pliante, les bras ballants le long de son corps. Il ronfle la bouche ouverte. L’absurdité du moment me donne presque envie de rire. De désespoir.
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Je démarre et suis l’artère principale goudronnée. Je double un pick-up transportant deux dromadaires jaune pisseux à l’air blasé. J’ai l’impression qu’ils se foutent de moi. Je klaxonne histoire de. On croise plusieurs camions militaires pointant leurs mitraillettes comme des queues rutilantes. Puis un énorme poids lourd débordant de matelas éventrés et de canapés bariolés. Sur le bas-côté un groupe de bonnes femmes en abayas noires m’évoque des cafards en déroute.
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Videos de Stéphanie Coste (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Stéphanie Coste
Coup de cœur Bfm - Le passeur
Bibliothèque francophone multimédia de Limoges Aurélie vous présente son dernier coup de cœur, "Le passeur" de Stéphanie Coste, paru aux éditions Gallimard en 2021.
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