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Soen - Le cycle du mal tome 1 sur 4
EAN : 9798639671814
184 pages
Auto édition (25/04/2020)
5/5   1 notes
Résumé :
Au Japon, les milieux initiés s'agitent, secoués par une prophétie. Le Mal reviendra sur terre. Incarné en un homme, il détruira ce que ce monde a de plus précieux. Afin de contrecarrer la fatalité, le mystérieux Tanuki pousse un jeune homme prometteur, Soen, à devenir un Sohei, un moine-soldat extrêmement puissant. Tenté par le titre plus que par l'aventure, Soen accepte la proposition qui lui est faite. Il s'en va s'entraîner, évoluer, grandir au travers des sphèr... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Probablement le roman de fantasy le plus brillant de ce siècle.

J'ai déjà publié une chronique de Soen, de Lucille Cottin. Cependant, cette nouvelle édition me donne l'occasion d'en parler de nouveau, occasion que je saisis avec plaisir. Ce qui change par rapport à la précédente édition, que j'avais déjà chroniquée, c'est que cette version de Soen reprend la toute première partie du roman initial, qui en comportait deux. de fait, le récit est plus léger, Soen étant un sacré pavé.

Un mot sur Lucille Cottin, que j'ai eu le plaisir de lire à plusieurs reprises (Le Canigou, le Sourire, Freddy Stratton, Les Carnets de Bord du Capitaine Hugo Lebracq... et j'en passe). Je suis en complète admiration face à son parcours et sa plume. Une pointe de classicisme élégant, beaucoup d'impertinence... Si le XXIe siècle est celui des auteurs, Lucille est une écrivaine, une vraie, une pur jus, qui à mon sens devrait caracoler en tête des classements.

Assez parlé de l'artiste, parlons de l'oeuvre. Soen est un jeune apprenti moine solitaire et taciturne dont la rencontre avec le Tanuki, un être mystérieux, va changer la vie. En effet, une prophétie menace le monde, et un héros doit se lever. Pour le Tanuki, il ne fait aucun doute que Soen est l'élu. Mais ce dernier, sociopathe et violent, fait un héros très atypique. Et si c'était contre lui, que la prophétie mettait le monde en garde ?

Je me suis désintéressé de la fantasy depuis des années, au moment où je me suis rendu compte que, quel que soit le média, finalement, il s'agissait toujours de la même recette. Une pincée de Tolkien, une goutte de Donjons et Dragons, du sexe à outrance et des viols depuis Game of Thrones, de la politique niveau 6è, des trônes magiques, des seigneurs de l'ombre etc... J'aspirai à mieux, et c'est ce que Soen m'a proposé.

Tout d'abord par l'audace du pitch de départ. Soen n'est pas un héros, et d'ailleurs, les héros, on les cherche, dans ce roman ! Samboutsu, qui est l'autre figure importante de ce récit a l'opportunité de le devenir, mais son égoïsme l'éloigne de cet idéal. Geoffrey Sanders, qui accompagne ce dernier pourrait également prétendre à ce rôle, mais sa fascination pour son protégé/protecteur (avec qui il est en couple, par ailleurs) l'en éloigne... Quant à Soen ! Ni foncièrement mauvais, ni bon, Soen marche en équilibre sur un filin qui sépare le bien du mal. Constamment sur le fil, il horrifie autant qu'il porte l'espoir. D'ailleurs, notons que le récit à l'intelligence non pas de réutiliser le poncif de la dichotomie bien/mal, mais plutôt beau/laid, sans toutefois en définir les contours.

D'ailleurs, je parle de personnages sans m'y attarder, mais ils sont très nombreux, et chacun bénéficie d'un traitement aux petits oignons. Chacun a suffisamment de personnalité pour qu'on s'y attache sincèrement. Et encore une fois, leur nombre est incroyable. Chacun participe à la mise en images de cette fresque hors du commun. Certains sont pourtant à peine esquissés, à l'image d'Alexis de Courteville, l'homme le plus fort du monde, et de son mystérieux père dont le nom fait trembler les personnages les plus influents de l'oeuvre... c'est qu'il y a de la vie, dans ce roman.

Et ce n'est pas étonnant, quand on se penche plus avant sur les thématiques abordées dans le roman. Certaines, d'actualité, nous touchent particulièrement. Il est question, dans Soen, d'inégalités sociales, et de ségrégation à travers les tasha, des démons déchus à la peau bleutée que les hommes exploitent sans vergogne, d'écologie (les humains repoussent les yokai notamment en détruisant les forêts, leur habitat naturel), d'espoirs déchus suite à des malentendus tragiques, d'erreurs (ma citation préférée étant "L'erreur est humaine, et cette histoire est pleine d'humains")...

Mais c'est surtout l'art et l'imagination qui tiennent le haut du pavé, dans Soen. En effet, dans ce récit coexistent plusieurs races. Les humains, les yokai, et les tasha. Les yokai, monstres du folklore japonais, hantent les forêts et les montagnes (l'espace naturel) et se rendent coupables de farces plus ou moins tragiques. Ceux-ci, décrits par Soen comme étant des créatures intéressantes, représentent l'imagination, la créativité, qu'une doctrine religieuse ferme cherche à réprimer (représentée par les armées bouddhiques et leurs champions : les sohei)

Il y a réellement matière à disserter sur ce Soen, tant le monde développé par Lucille Cottin est vaste, et ses thématiques nombreuses et variées. Au risque de commettre un crime de lèse-majesté, j'ai trouvé qu'il y avait bien plus matière à réflexion dans ce roman ignoré injustement que dans l'intégralité du Seigneur des Anneaux. Tout au plus, certains lecteurs pourraient-ils buter sur le parti pris de l'autrice, qui fait intervenir le narrateur et le lecteur avec une pointe d'humour (visant à dédramatiser certains passages). Pourtant, loin d 'être une simple fantaisie, ce duo a parfaitement sa place dans le roman et sert admirablement le propos. Soen, c'est un roman qui parle de l'acte d'écrire.

En effet, tout est narration, par Soen, et l'autrice démontre une réelle fascination pour l'écriture, et le simple fait de raconter. Avec une habileté que j'ai rarement retrouvé dans les livres contemporains que j'ai lus, Lucille Cottin joue avec la narration, parvenant, dans un coup de force renversant, à imbriquer cinq récits enchâssés. Une prouesse.

Le monde dépeint par Soen est assez déroutant de prime abord. Il s'agit d'un monde ressemblant énormément au nôtre, bien que certains noms soient modifiés (L'Empire romain devient l'archipel de Dyonisos, l'Angleterre, l'Île du Thé, l'Égypte devient les Terres de Déméter) de même, si l'intrigue est située dans l'Antiquité, de nombreux éléments anachroniques viennent enrichir l'univers de Soen. Ainsi, Geoffrey Sanders utilise des armes à feu (proscrites) et fume des cigarettes, Rome est gérée en sous-main par la famille d'Alexis de Courteville... Ce mélange, assez incongru, parvient finalement à trouver une homogénéité assez frappante et donne à Soen une identité picaresque séduisante.

Ce développement commence à être long, et il va me falloir conclure, et pourtant il y a encore tant de choses à dire sur ce Soen. Si vous, qui me lisez, deviez retenir une chose seulement, c'est que ce roman est probablement l'une des oeuvres les plus brillantes de notre époque. Et si jusqu'ici, hélas, ce roman semble passer un peu sous les radars (notamment en raison de l'ingérable nombre de sorties), il ne fait aucun doute que Soen a de quoi faire figure de mètre-étalon de la littérature d'aventures.

Soen n'est pas seulement le livre que j'aurais aimé lire, me suis-je dit en reposant mon exemplaire (plus massif que cette version) après ma lecture. C'est le livre que j'aurais aimé écrire.
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