Je ne suis pas déçue de découvrir enfin l'oeuvre de
Cécile Coulon et ce livre au titre énigmatique «
trois saisons d'orage » qui m'a plu mais déconcertée aussi.
Tout d'abord, ce roman est doté d'une puissance littéraire que nul ne pourrait nier.
Cécile Coulon a un effet un très beau style d'écriture plutôt classique et souvent poétique qui ne faiblit jamais. Elle décrit avec le même brio les êtres humains et les paysages dans lesquels ils évoluent.
L'intrigue débute par l'installation d'un jeune médecin lyonnais aux Trois Fontaines, village isolé, jouxtant une carrière de pierre imposante dont l'exploitation récente donne une nouvelle impulsion de vie à ce coin perdu et hostile en dépit du charme du paysage environnant.
Le début du livre m'a pesé car le personnage d'André, jeune médecin fuyant la ville et les mondanités, est sans relief. Sa personnalité terne m'a complètement échappée et ennuyée. On découvre ensuite le personnage d'Élise, plus énigmatique encore. Celle-ci, débarque en effet un jour aux trois Fontaines pour présenter à André leur fils de 5 ans Bénédict, fruit de leurs ébats lors d'une nuit de beuverie à Lyon. Entre eux, pas d'explications ni de retrouvailles amoureuses. le fils est confié au père durant de courtes périodes afin qu'ils fassent connaissance mais Élise, qui semblait être une mère très aimante, finit par abandonner son fils à son père.
L'irruption inattendue de cet enfant dans la vie du jeune médecin installé depuis peu devrait susciter des réactions voire des cancans dans le village mais l'auteur n'en fait pas part comme si c'était un non-évènement.
Cette première partie du livre m'a frustrée car les personnages d'André et Élise, totalement étrangers l'un à l'autre, me sont restés obscurs. On ne sait pas pourquoi ils ont passé une nuit ensemble dont André n'a guère de souvenirs, ni pourquoi Elise se désintéresse peu à peu de son petit garçon, ni pourquoi l'un comme l'autre n'auront jamais aucune vie amoureuse. Donc ces 2 personnages restent tout à fait inconsistants et, en tant que lectrice, j'ai trouvé que c'était une faille de taille.
Le personnage de Benedict est également très peu fouillé ; ses années de jeunesse sont brièvement évoquées par l'auteur. le voilà étudiant en médecine comme son père. C'est un jeune homme bon mais sans charme particulier, personnage aussi terne et insaisissable que ses géniteurs. du coup, je n'ai pas compris pourquoi la jeune, belle et piquante et citadine Agnès, dont on sait assez peu de chose, s'entiche de lui, l'épouse et accepte de le suivre aux 3 Fontaines où il va devenir médecin à son tour auprès de son père.
A ce stade du livre, malgré la beauté et la clarté du style de l'auteur, j'ai failli abandonner ce livre car ce qui fait la force d'une intrigue ce sont ses personnages or, André, Elise, Benedict et Agnès sont tout à fait insipides, inintéressants. On ne comprend pas leurs motivations et on n'a pas accès à leur intériorité. Les dialogues sont pauvres et rares.
En sus de ces personnages désincarnés, les descriptions répétitives des paysages peuvent achever et lasser le lecteur.
Heureusement la deuxième partie du livre rachète la première car enfin les personnages prennent de la consistance, notamment ceux d'Agnès, Bérengère sa fille unique et Valère, son amoureux fils de fermier.
Bizarrement, après avoir côtoyé des personnages ternes dont la psychologie nous échappe, l'auteur nous bouleverse en nous plongeant dans une passion soudaine et interdite. Et là les 2 personnages qui subissent cette folle passion prennent corps et vie aux yeux du lecteur qui vibre avec eux, se demandant sans cesse si oui ou non ils vont céder ou résister. le lecteur souffre pour eux, comprend la solitude atroce dans laquelle ils sont plongés, et leur culpabilité aussi. Les passages sur les ravages de la passion amoureuse sont vraiment magnifiques, en contraste total avec le désintérêt qu'inspirent les autres personnages si fades et insaisissables.
Le lecteur témoin de cette passion naissante et dévastatrice pressent que le dénouement sera tragique car il ne peut en être autrement. L'auteur décrit fort bien la fatalité de la passion, la fatalité tout court.
A la toute fin, on comprend ce qui s'est réellement passé entre ces 2 êtres irrésistiblement attirés l'un par l'autre et cette révélation inattendue est très habile et émouvante. On apprend aussi qu'une personne a tout compris de cette passion dévorante et interdite, il s'agit d'André devenu un vieil homme. Les autres, si peu attentifs, n'ont rien vu, rien compris de ce secret dévastateur qui pourtant leur crevait les yeux.
En conclusion, j'ai beaucoup apprécié le style de cet auteur. Si j'ai été très déçue par le manque d'épaisseur psychologique des personnages dans la première partie du livre, j'ai en revanche été happée par la passion amoureuse qui ravage tout dans la seconde partie du livre dont la fin peine de suspens et de violence est très maitrisée.
Il faut aussi préciser que cette histoire semble étrangement hors du temps. Malgré les années, les décennies qui passent, les modes de vie semblent identiques, comme si les changements d'époque n'avaient aucune prise sur les habitants de ce village quelle que soit leur condition sociale.
Ce roman étrange montre aussi le caractère fermé et peu accueillant des habitants d'un village isolé où le travail quotidien, extraction des pierres ou travail de la terre, est rude.
En dépit des critiques formulées plus haut, je recommande la lecture de ce livre car
Cécile Coulon est indéniablement très douée pour raconter une histoire dans un style précis et brillant.