Lire un livre de
Cécile Ama Courtois est toujours un plaisir… J'ai découvert son univers de Fantasy avec
Nordie et quand elle m'a demandé de lire, en avant-première, La Délégation, premier tome du Conte des sept chants, pour pouvoir en parler au moment de sa publication, je me suis sentie touchée et honorée à la fois.
Une planète, Gahavia, peuplée de races très différentes les unes des autres…
Une planète où règne la paix…
Tous les dix ans, a lieu une sorte de grand sommet où chaque nation envoie des représentants en délégation, d'où le titre du tome.
Nous voilà donc invité(e)s à suivre plus particulièrement la délégation des lycantes, mais nous croiserons aussi des vipérines, des sylphes, des félides et des aelders, tous métamorphes, puis des lutins, des farfadets et des fées, enfin des elfes, des géants et des centaures et même un cheval ailé…
Parmi les méchants, nous affronterons des goblins, des tigres et chiens géants, des succubes… et pire encore.
Il y a même des humains, mais comment dire ? Ils sont un peu exotiques, d'abord « créatures apprivoisées » avant d'être un peuple à part entière et puis ils ont une vie très brève et ne possèdent ni pouvoirs ni dons physiques particuliers… Même s'ils sont, paraît-il, ingénieux et adaptables.
Dans toutes les races, on trouve des guerriers, des soigneurs, des prêtres, des mages, tout un panel de classes et de guildes… Tous les personnages, sauf les humains, vivent plusieurs siècles.
Cécile Ama Courtois a, encore une fois, créé tout un univers et l'a marqué de son empreinte. Si je retrouve sans peine des références plus ou moins implicites à
Tolkien,
Philip Pullman ou encore
Michael Ende et même à des jeux en ligne de type World of Warcraft, pour ne parler que de celles que je reconnais et partage (peut-être ?) avec l'auteure, je salue une originalité propre, une appropriation et une manière de revisiter les types.
Chaque contrée, pays, royaume ou territoire est minutieusement créé avec sa géographie, son climat, sa faune et sa flore… La planète appartient à une dimension élaborée par une divinité supérieure et, si l'on ne perd pas de vue cette configuration, cela donne à l'ensemble du récit une envergure métaphysique.
Chaque civilisation possède une culture, des us et coutumes, quelques mots de langage même parfois. L'auteure façonne, détaille et nous livre tout un imaginaire tellement complet que les lectrices et les lecteurs peuvent s'y plonger totalement. C'est poétique, visuel, magnifique.
La narration est entrecoupée de passages encyclopédiques sur les différentes espèces, leurs habitats et moeurs respectives et de récits enchâssés qui éclairent certains pans d'histoire.
La Délégation est un récit de voyage et d'apprentissage à la fois. Les membres des délégations ont reçu une mission qui leur donne mandat pour agir au nom de leurs gouvernements et, pour certain(e)s, la nomination à cette fonction marque l'entrée dans l'âge adulte, une énorme responsabilité dont il va falloir se montrer dignes.
Au début, plusieurs chapitres d'exposition se succèdent ; il s'agit bien de nous familiariser avec toutes les races. Les différentes délégations apprennent à se connaître, souvent très intimement. Certaines vont même faire route ensemble et traverser solidairement dangers et épreuves. Quand cela pourrait devenir un peu répétitif, de nouvelles péripéties redonnent du rythme au récit. Pareillement, quand les délégations parviennent enfin à la cité elfique et que les audiences commencent, un terrible retournement de situation provoque une belle montée en puissance.
Ce roman est une ode à la jeunesse même si, paradoxalement, presque tous les protagonistes jouissent d'une longévité impressionnante et donc, par défaut, d'une grande expérience. le schéma narratif reprend souvent le même cas de figure dans toutes les familles avec un personnage, jeune et impétueux, qui cherche sa place et se rebelle plus ou moins pour la trouver. Eldoran, le lycante, a besoin de tout contrôler ; il peut se montrer arrogant et impulsif… La jeune haute-reine elfique n'était pas prête à régner… La princesse félide est éprise de liberté…
Cécile Ama Courtois maîtrise toutes les situations, individuelles, collectives, intimes… Elle jongle avec les affinités et les préjugés, nous parle d'ouverture d'esprit et d'altérité. L'histoire qu'elle nous raconte met en avant de très belles valeurs.
J'aime beaucoup la place qu'elle accorde aux femmes, l'importance donnée à des sociétés matriarcales…
Enfin, je suis toujours autant séduite par la qualité de son écriture, précise, ciselée. Les personnages sont très travaillés, attachants, pleins de défauts et de qualités qui les rendent crédibles.
J'ai déjà parlé pour
Nordie de la place du corps dans ses écrits, du corps dans tous ses états, le corps sensuel, le corps blessé, le corps souffrant. Ici aussi, on fait l'amour, on enfante, on subit de terribles blessures, on se transforme… On pleure, on saigne, on rougit… On se dénude… On se bat aussi et les scènes de combat sont vraiment très réussies. Il n'y a plus de rapporte entre beauté et laideur car ces conceptions sont différemment perçues selon les races… Si j'insiste autant sur cette écriture des corps, c'est que je pense que c'est là un des points forts, parmi d'autres, de
Cécile Ama Courtois.
Il y aurait encore beaucoup à dire mais je ne voudrais pas prendre le risque de divulgacher.
À la fin d'une telle lecture, il peut s'avérer utile de revenir au prologue et à ce qu'il annonçait : un univers au-delà de la planète où se passe l'action de ce premier tome ; La Délégation présente le parcours et les interactions de plusieurs groupes soudés au départ, puis l'écheveau narratif provoque un éclatement et le dénouement commence à donner du sens au titre général de la série…
Personnellement, je suis embarquée et j'attends la suite avec impatience.
Une réussite.
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