On prend les mêmes et on recommence ?
Pas tout à fait…
Michael Crichton imagine une suite à son cultissime
Jurassic Park dans laquelle seul un personnage est réinvesti. Un choix risqué qui doit avoir ses raisons.
Qu'on se rassure, il s'agit bien de lui : le personnage le plus saillant, le plus disruptif, le plus agaçant et le plus drôle, le plus emblématique surtout du premier opus, celui qui portait le roman. le célèbre mathématicien Ian Malcom rempile une nouvelle fois et, fidèle à son caractère, il se fait même prier pour cela !
Cette suite exploite logiquement des éléments semés à la fin du précédent roman, notamment ce fameux site B dont je ne dirai rien.
J'avais trouvé
Jurassic Park excellent.
le monde perdu est peut-être légèrement inférieur. Crichton est un maitre du techno-thriller. Sa maitrise se mesure à la facilité avec laquelle on entre dans l'histoire, à la vitesse à laquelle on enchaine les pages, et à la difficulté qu'on éprouve à s'interrompre en cours de route.
Par rapport au premier opus, j'ai noté une entrée en matière simplifiée. Si la recette est la même, les personnages éparpillés que l'on suit au départ sont un peu moins nombreux, et on cerne plus rapidement ceux qu'on va suivre, la dream team, si l'on peut dire ! Celle-ci est aussi plus restreinte et c'est tant mieux, je me souviens avoir approuvé quelques difficultés à distinguer certains personnages dans le roman précédent.
Toujours dans la simplification, j'ai noté une diminution des trames que l'on suit en alternance, sans nuire au dynamisme, toujours aussi présent.
Encore une petite amélioration : dans
Jurassic Park, il fallait attendre la première moitié pour voir les personnages principaux se confronter aux dinos. Ici, on a droit à une première altercation bien plus tôt, et qui installe dès lors un niveau d'angoisse qui ne disparaitra pas.
Les personnages sont mieux caractérisés dans ce second volet je trouve.
Ian Malcom reste égal à lui-même, mais on perçoit davantage ses faiblesses et cela le rend touchant.
Dans
Jurassic Park, l'opposition entre les deux personnages excentriques (Malcom et Hammond, le vieux propriétaire du parc) fonctionnait très bien. Ici, c'est la dualité entre Malcom et Levine (un éminent paléontologue) qui est mise en avant, et là encore c'est très réussi.
On remarque des traits communs entre Levine et Hammond : ils sont riches et paient de leurs deniers l'expédition (la visite dans le premier roman) ; ils sont excentriques et autoritaires, mais aussi naïfs, égoïstes et lâches (ce sont de parfaits « méchants » pour un divertissement grand spectacle et grand public). Mais Levine n'est pas non plus un claque de Hammond. C'est un jeune scientifique très renommé et imbu de sa personne, ce qui le positionne comme un rival de Malcom. Un aspect exploité, peut-être pas suffisamment.
On a encore droit à un duo d'enfants dans l'équipe (divertissement grand public). Ils sont mieux travaillés que dans le premier roman je trouve. Ici, c'est le jeune garçon qui endosse le rôle de spécialiste en informatique. Un changement, puisque dans
Jurassic Park, ce rôle était tenu par un personnage peu sympathique.
L'héroïne de l'équipe – la zoologiste
Sarah Harding – est une battante. En termes de rôles, elle se substitue clairement à Alan Grant dans le premier opus, hormis la connaissance des dinosaures de ce dernier, laquelle a été transférée à Levine. de quoi satisfaire celles et ceux qui réclament des héroïnes !
Sans surprise, la partie thriller est traitée de la même façon que dans
Jurassic park. Encore plus effrénée, j'ai trouvé. Les chapitres ont aussi raccourci, ce qui va dans le même sens.
Jurassic park m'avait aussi impressionné pour les thèmes scientifiques développés, ainsi que pour le regard critique apporté sur la science contemporaine. Dans
le Monde perdu, Crichton en remet une couche en abordant d'autres sujets :
- Concernant les dinosaures, on avait découvert la technologie permettant de redonner vie à ses espèces disparues. Ici, on s'intéresse à la question de l'extinction des espèces.
- Dans le premier opus, l'auteur alertait sur le rapprochement entre l'université et l'industrie dans le domaine de la biotechnologie. Une cause structurelle expliquant les conflits d'intérêts touchant l'immense majorité des spécialistes de la biologie moléculaire (et c'était il y a 30 ans déjà...). Ici, Crichton développe certaines des dérives logiques dans un tel système : le vol de technologies pratiqué par certaines entreprises, mais aussi les dilemmes auxquels doivent faire face les jeunes scientifiques (les recherches les plus intéressantes étant souvent les moins rentables).
- Même Ian Malcom s'est renouvelé : sa théorie du chaos était le thème central dans le premier opus (illustrée par des fractales dans le livre). Ici, cette théorie passe au second plan pour laisser place à des réflexions toutes aussi intéressantes autour de l'extinction des espèces et de leur comportement. À l'appui, des illustrations montrant les différents stades d'un « jeu de la vie ».
En conclusion, un très bon roman qui permet de revivre l'expérience
Jurassic Park avec une histoire et des personnages un peu différents.