C'est un sujet difficile qu'aborde Michel Cymes dans Hippocrate aux enfers : celui de l'expérimentation humaine effectuée par des médecins allemands dans les camps de concentration, durant la seconde guerre mondiale. On aimerait croire que tous ces actes de barbarie furent exécutés par des brutes perverses au QI d'imbéciles violents et sadiques qui se seraient auto-proclamés médecins ou scientifiques ; mais malheureusement, la réalité que nous présente Michel Cymes est bien différente. Il y a très peu de médecins ratés ou d'étudiants recalés dans les rangs de ces bourreaux. Beaucoup sont de brillants scientifiques promus à un bel avenir. Et un avenir, ils en ont eu un pour la plupart. Leurs victimes n'ont pas eu cette chance.
Nous pourrions penser que les libérateurs ont fait preuve d'une justice exemplaire. Naïve humanité ordinaire que nous sommes croyant encore à ce sacro-saint idéal… Non. Les alliés ont exfiltré ces scientifiques et profité de leurs savoirs et de leur intelligence pour mener à bien la conquête spatiale, pour ne donner qu'un exemple…
"Si l'homme a marché sur la Lune, c'est en prenant son élan depuis le charnier criminel des esclaves de Dora, le camp où est née l'aérospatiale et où sont morts des milliers d'hommes."
Beaucoup d'horreurs dans ce livre. Je ne veux pas m'appesantir, mais vous laisser les lire. Juste un mot : Michel Cymes les aborde avec beaucoup de pudeur et d'humanité. Il dit, sans atténuer ni masquer, mais sans cette insistance qui peut parfois donner cet effet de voyeurisme ; la réalité des faits est assez dérangeante pour le lecteur, sans qu'il soit nécessaire d'en rajouter.
La question qui sous-tend son propos est simple : Comment en sont-ils arrivés là ? Comment ont-ils pu à ce point violer ce serment ultime et fondateur ? Qui, mieux qu'eux, pouvait ne pas ignorer la valeur d'une vie humaine ? Certes, nous savons tous que l'on peut être le plus intelligent des hommes et le plus fieffé des salauds. Cela n'a rien d'incompatible… mais ce qui est en jeu, surtout ici, c'est la manière de considérer l'autre. Si vous retirez à certains hommes (ou femmes) la qualité d'être humains, peu importe pour quelles raisons, qu'est-ce qui vous empêchera d'en arriver là ? En quoi cet individu que vous aurez soustrait de l'humanité vous semblera-t-il différent d'un animal de laboratoire voué à l'expérimentation ? d'un objet dont vous pourrez disposer à votre guise ?
A l'heure où les droits de l'homme et de la femme stagnent ou reculent dans bon nombre de pays, c'est une question qui fait sens.
Une autre, tout aussi essentielle, est au coeur du débat : beaucoup réprouvent ces expérimentations humaines, mais vous brandissent avec force l'avancée considérable qu'elles auraient permise à la science. Les bras m'en sont souvent tombés. Comme si de cet enfer, pouvait ressortir quelque chose de positif, d'utile pour l'humanité. Je ne savais quoi argumenter en retour. Tant cela me semblait abject. Merci Monsieur Cymes de pouvoir me donner de quoi affirmer que non ! Toutes ces horreurs n'ont pas eu les résultats escomptées et que le peu de résultats probants auraient pu être obtenus sans toute cette barbarie…
"Quoi qu'il en soit, de l'immense majorité de ces expériences, rien n'est sorti.
Rien d'autre que la souffrance et la mort.
Rien d'autre que des cris, des hurlements, des suppliques.
Ces cris, je les ai imaginés, je les ai presque entendus.
Ils me hantent encore aujourd'hui.
Qui peut dire qu'on ne les entendra plus ?"
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