Boris Cyrulnik
- Pour revenir à votre idée, si je l'ai bien comprise, le principal organe de la vision, c'est la pensée.
On voit avec nos idées...
Edgar Morin
Les yeux obéissent souvent à nos esprits plus que nos esprits à nos yeux ...
C est le brassage qui contraint l’être vivant, animal, plante ou homme, à inventer un autre être vivant à partir du même programme génétique. Et c est de cette diversité que naît la diversité de la vie et, dès que les environnements varient, l adaptation possible à la survie.
Éduquer, c'est conduire hors de soi.
Dans le monde animal, le développement de l'intelligence va de pair avec le développement de l'affectivité. Mais il faut dire aussi que cette affectivité brouille souvent l'entendement, nous rend idiot, aveugle. Sans elle, nous n'aurions pas notre intelligence, notre soif de connaître, l'aptitude à chercher dans le monde. Il faut cesser de dire que l'intelligence doit se faire au détriment de l'affectivité !
Il s'est développé ce que j'appellerais une intelligence aveugle aux contextes et qui devient incapable de concevoir les ensembles. Or nous sommes dans un monde où tout est en communication, en interaction ...
Même si les ordinateurs acquièrent toujours des qualités nouvelles, ils n'auront ni les expériences vécues, ni les sentiments. C'est tout cela que nous ne pouvons dissocier de notre intelligence.
La riposte à l'angoisse est la communion , la communauté, l'amour, la participation, la poésie, le jeu...toutes ces valeurs qui font le tissu même de la vie.
La vie est une navigation sur un océan d'incertitude, à travers des archipels de certitude.
La vie, elle, ne cesse de se transmettre. C'est pour cela que la mort et l'amour - comme le disent les romans à l'eau de rose - sont biologiquement associés.
Avant ma naissance, j'existais déjà dans les gamètes de mes parents; après ma mort, je continuerai à exister dans mes enfants et peut-être même dans une ou deux idées.
Faire vivre une idée, c'est au contraire la débattre, la combattre, chercher à tuer certains éléments qui la composent. Nous savons de toute façon que les causalités linéaires sont abusives ; c'est nous qui les fabriquons pour donner au monde une vision réductrice et donc sécurisante. Dès l'instant où j'ai une certitude, la certitude est le meilleur de mes tranquillisants ; or on connait les effets des tranquillisants, ils font dor- mir et engourdissent la pensée. Aussi, une petite angoisse, un petit débat, la petite mise à mort d'une idée permettent-ils de créer une autre idée, de faire vivre et faire naître une nouvelle théorie.