Je me suis aperçu, en Espagne, que la plupart des catholiques ne sont pas catholiques, que les religieuses croient l'être alors qu'elles ne sont que des fonctionnaires de l'église. Une partie de notre rôle consiste à convertir les individus en ce qu'ils sont réellement, que ce ne soit pas simplement la façade, que ça corresponde à leur être, à leur moi idéal !
Voilà comment on rencontre les gens : en étant dans le mouvement. (p.65)
Extrait de "l'aube dissout les monstres" de Paul Eluard :
Ils ignoraient
Que la beauté de l'homme est plus grande que l'homme
Ils vivaient pour penser ils pensaient pour se taire
Ils vivaient pour mourir ils étaient inutiles
Ils recouvraient leur innocence dans la mort
Paul Eluard a contredit les mots de Baudelaire afin de les mettre en pratique. Dans le cachot, la poésie se fait révolte. Elle ne se limite pas à constater, elle répare... elle se dresse contre l'injustice. Eluard fait partie du comité de lecture des Editions de Minuit clandestines, c'est l'un des principaux artisans du comité national des écrivains. Certains de ses poèmes sont parachutés par les avions anglais en même temps que les armes et les munitions destinées aux maquis..; Ils nous sont tout aussi nécessaires. (p.58)
Il avait attendu que la chaleur gagne son corps avant de sortir un long poème de la poche intérieure de son manteau.
-- J'ai choisi comme titre "Les sept poèmes d'amour en guerre"... Je les ai écrits ces derniers jours à Saint-Alban, et je voudrais qu'ils soient signés Jean du Haut avec comme mention d'éditeur "Bibliothèque française"...
-Tu as raison Jeanne, mais je crois qu'on arrive à limiter les dégâts. Avec Lucien, on revient d'une visite de service à l'hôpital de Montedevergues-les-Roses. J'ai pu obtenir le nombre exact des malades décédés au cours de l'année dernière. Quatre cent quatre-vingt-dix-huit ! Enorme ! un tiers des effectifs… C'est le responsable de la mise en bière, le croque-mort, qui me l'a donné. il faisait un peu la gueule, parce qu'à partir de cinq cents, il aurait touché une prime spéciale… L'administration ne compte que sur le ravitaillement pour nourrir les pensionnaires, et le résultat se voit à l'œil nu : des hommes, des femmes qui broutent l'herbe des talus, qui mangent les racines, l'écorce des arbres, qui se jettent sur les limaces après la pluie, sur les déjections des animaux, d'autres qui s'automutilent en dévorant leurs doigts… Et vous savez ce qui inquiétait le directeur de l'établissement ?
Il avait laissé s'installer quelques secondes de silence avant de répondre à sa propre question.
-La perte de rentabilité économique de son asile à cause de l'aggravation de la mortalité ! Moins de malades, c'est moins de prix de journées versés et le sceptre d'un plan de réduction du personnel qui se profile ! Il s'est bien démerdé : le préfet va lui faire envoyer un contingent de trois cents aliénés de l'hôpital de Pierrefeu, dans le Var, qu'il pourra faire crever de faim à leur tour ! Voilà où nous en sommes.
Le poète fait ce qu'il peut et non ce qu'il veut. Ma poésie a pris le maquis avant que je ne sois contraint de passer dans la clandestinité. J'ai longtemps joué avec les mots... Il a fallu tout perdre, ne plus jouer, justement pour atteindre à la vérité qui est devenue notre seul bien. J'ai eu besoin de tout ce temps pour comprendre que la poésie était le premier des arts à porter sens. (p.94)
Un aliéné est aussi un homme que la société n'a pas voulu entendre et qu'elle a voulu empêcher d'émettre d'nsupportables vérités.
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom
Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom
Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom
Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom
Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom
Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté.
Paul Eluard
Je me suis aperçu, en Espagne, que la plupart des catholiques ne sont pas catholiques, que les religieuses croient l'être alors qu'elles ne sont que des fonctionnaires de l'église. Une partie de notre rôle consiste à convertir les individus en ce qu'ils sont réellement, que ce ne soit pas simplement la façade, que ça corresponde à leur être, à leur moi idéal ! C'est ce qui leur arrive à nos sœurs de Saint Alban...