AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,76

sur 289 notes
5
23 avis
4
43 avis
3
11 avis
2
8 avis
1
0 avis
Je n'aime pas juger une intrigue (je suis d'avis que l'auteur écrit ce qu'il veut, à partir du moment où c'est bien fait), MAIS (Vous la sentez venir ma grosse prétérition ?), je trouve difficile de s'attaquer à des sujets de société, car le risque est de s'effacer derrière eux, et ici c'est le cas. J'ai un peu la même impression qu'avec Soleil amer, celle de ne pas lire un roman, mais une sorte d'article romancé. (il n'y a pas d'ambiance, pas de description. On a l'impression de toujours être en mouvement, de ne jamais se poser pour instaurer quelque chose. Certes, au départ, ce sont des personnages qui racontent, ce serait étrange qu'ils décrivent ce qu'ils voient, mais la narration passe à la 3ème personne à la moitié, et c'est la même chose). Un autre problème, c'est qu'il y a encore beaucoup de clichés littéraires (beaucoup beaucoup beaucoup, même, entre un et trois par phrase, je ne vais pas les relever comme pour L.Hassaine, vous voyez l'idée). Alors, certes bis, ici, la différence, c'est que c'est les personnages qui parlent (donc ils n'ont pas à se soucier de la langue, a priori). Mais dans ce cas-là, pourquoi utilisent-ils des expressions françaises « à côté de ses pompes », « haute comme trois pommes » « saoul comme un cochon », etc ? Ça brise l'illusion romanesque ! C'est comme par exemple quand tous les personnages allemands parlent en anglais dans un film sur la deuxième guerre mondiale… Pareil avec l'image de l'albatros qui revient plusieurs fois. C'est une référence française, pas américaine (il y a aussi la madeleine de Proust, mais celle-ci s'est exportée me semble-t-il). Les différents protagonistes ont les mêmes tics de langage, « qui pis est » par exemple. Ça donne à ces voix censées être différentes un côté très artificiel, l'épicier parle comme l'ami qui fait le con, l'amie d'enfance parle comme l'ex, l'instit' comme l'étudiante. C'est dommage parce que la pluralité de voix est une bonne idée. Mais je ne vois pas leur unicité.

J'ai l'impression de traverser l'Amérique que je connais, qu'on connait tous à cause de la pop culture : American dream impossible, guerre du Vietnam, Woodstock, Angela Davis, les ghettos, la drogue, le campus,j'ai l'impression d'être devant le générique d'un biopic en route pour les oscars. Ici, je trouve les situations très stéréotypées : l'épicier d'origine pakistanaise, le « poulet Kentucky », la pauvreté avec seul le sport universitaire comme issue pour les personnes noires. Comment il perd sa couleur devant le succès, difficulté de couple mixte (O.J. Simpson ou Tiger Woods). Je sais que c'est une réalité… Mais je vois dans la littérature la possibilité d'ouvrir d'autres portes… (et de créer de nouveaux stéréotypes sur le long terme, mais c'est une autre question :D) Donc c'est dommage de voguer de stéréotypes en stéréotypes, ça donne un peu l'impression d'être bloqué devant 3-4 épisodes de Cold Case (PS : changer mes références).

Pareil, certains passages sont maladroits, par exemple quand l'étudiante parle de ses camarades « habillées comme des travailleuses du sexe », je veux bien qu'elle ait tellement intégré le slutshaming qu'elle le perpétue, mais ça ne colle pas, ça ne lui ressemble pas, puisqu'elle a l'air assez féministe quelques pages plus loin. Ou quand l'amie d'enfance évoque le concept de « angry black woman », je trouve que c'est mal intégré dans le texte, comme si on voulait à tout prix l'y inclure, mais sans le travailler. Ça ne suffit pas de le dire, encore faut-il le mettre en scène, sinon, ça fait pot-pourri, ou grille de bingo. Et quand je vois la bibliographie à la fin, je me demande si ce n'est pas le risque de faire trop de recherches, le côté exposé…

Et puis, cet homme que tout le monde aime, dont les filles sont amoureuses, les institutrices fières, ben il m'ennuie. Y a pas de crasse, rien à gratter, (et comme on sait dès le départ comment ça va terminer, y a pas énormément d'enjeux…).

Pour revenir à ce que je disais, je pense que c'est le souci d'écrire des livres trop dans l'actualité : on ne prend pas de recul, on ne peut être que dans l'hagiographie (au pire) ou la contextualisation (au mieux), on laisse la fiction de côté. On ne peut pas essayer d'expliquer (l'écrivain est un avocat). Et en tant que lectrice (et en tant qu'autrice), j'aimerais lire des livres qui me mettent mal à l'aise : ça aurait pu être intéressant quand il prend le point de vue du flic, de nous le rendre compréhensible, qu'on embrasse notre noirceur, qu'on soit choqué, qu'on se questionne (« est-ce que je serais capable de faire ça ? et pourquoi oui, et pourquoi non ? »), il y aurait eu plus de prise de conscience je pense que d'en faire un con raciste et sexiste. Ou de faire d'Emmet un salaud. La police ne devrait pas tuer, point. Ça aurait pu être bien. Ici, on se donne bonne conscience, moi je lis ce en quoi je crois, mais du coup, je m'ennuie, je ronronne.
Commenter  J’apprécie          100
Une dizaine de voix rendent hommage à Emmet, ce pauvre père de famille mort étouffé sous le genou d'un flic à Milwaukee.
“Je ne peux plus respirer!”

Rien n'y fera. Il agonisera sous les yeux des badauds, mort pour un billet de 10 dollars.

La mairesse d'école, le coach sportif, les ex, les deux ami.es d'enfance, entre autres, dressent le portrait d'Emmet. Un gosse fier et sportif, promis à un grand avenir dans le football, blessé, brisé, vivant chez sa mère avec trois gamines à charge.

Mais ces voix dressent aussi le portrait d'un pays où il ne fait pas bon d'être noir.e, où les défenseurs de la suprématie blanche s'expriment à visage découvert, où une partie de la population vit encore avec la peur du contrôle de police qui va mal tourner, un pays où l'inégalité des chances coule dans les veines de ses habitant.es.

Ce livre ne fera pas exception, je n'aime pas les romans polyphoniques. On ne s'attache à rien ni personne, on croirait des dépositions au commissariat.
George Floyd devenu Emmet, le citoyen modèle, a comme un goût de fait divers pas assez propre pour être raconté tel quel. Malaise…

S'ajoutent à cela des personnages parfois stéréotypés, une langue bancale, voire quelque peu balourde.

Mais j'ai apprécié le final, la prêche de la pasteure Ma Robinson, cri d'humanisme et d'espoir.

À vous de voir si vous voulez vous lancer dans cette réalité fiction, qui a de bonnes choses à dire, mais dont on peut se passer.
Commenter  J’apprécie          100
Après le drame migratoire en Méditerranée, l'auteur colle à une autre actualité persistante au caractère dramatique. le point commun réside dans le caractère quasi insoluble du problème évoqué.
L'espoir naît dans l'adversité.
La ségrégation envers les noirs aux USA connaît régulièrement des accès de fièvre, quand le ras le bol se cristallise sur des drames récurrents, des injustices flagrantes ou des dénis de justice. Je pourrais écrire longuement sur le sujet, ce n'est pas le propos, d'autres le font mieux que moi, notamment dans ce roman. La genèse du mouvement Black live matters est ici recréé autour d'un personnage qui pourrait être Georges Floyd, la victime de Minneapolis. Ici, nous sommes à Milwaukee, dans l'état voisin. Les conditions sociales sont reproduites à l'identique, milieu familial, amitiés et amours et l'inévitable ghetto sont d'authentiques éléments d'un cursus que l'on connaît par avance, même si l'espoir point de temps à autre, espérant une autre issue. le pêché originel dont parlait B.Obama est ici illustré de manière très juste. Quoique je fasse, je suis noir et je n'ai que peu de solutions pour éviter la galère permanente, seul le sport professionnel me sortira de ce bourbier. C'est écrit. L'optimisme n'est pas de mise, il n'y a pas plus d'espoir à la fin du livre qu'au début, l'évocation donne à ressentir des êtres de chair et de sang, au formidable appétit de vivre, à qui l'on interdit, de facto, toute possibilité objective de réussir, sauf à rencontrer la chance, et encore ne faut-il pas rater l'opportunité et surmonter l'insupportable pression d'un système foncièrement vicié. Les personnages témoins qui composent la galerie de portraits du roman sont pétris d'amour pour leur prochain, cela ne suffit pas toujours mais leur présence construit un espoir un peu fou.
A lire pour y puiser une humanité infinie.
Merci
Commenter  J’apprécie          100
Milwaukee Blues de Louis-Philippe Dalembert

Un appel au fameux 9.1.1 à partir d'une supérette pour un faux billet tourne mal. L'interpellation de l'homme noir par des policiers blancs aboutit à sa mort. A travers les personnes qui ont marqué son existence, on découvre cet homme noir Elmmett, promis à un avenir brillant en tant que joueur de football mais dont une blessure a fait basculer le destin.
J'ai beaucoup aimé la construction du livre pour nous faire découvrir le malheureux destin d'Elmmett et à travers sa vie, le tableau d'une Amérique où un simple accident peut vous faire passer des sommets au néant. Elmmett est originaire d'un quartier pauvre de Milwaukee. La fac et le football devaient le sauver mais c'est un homme blessé et perdu qu'on découvre avec une ancienne institutrice si bienveillante, sa petite amie blanche de la fac qu'il a abandonnée, son entraîneur qui a pourtant voulu l'aider. On assiste à ses funérailles sous tension auxquelles se mêlent le mouvement Black lives matter et la maîtrise des réseaux sociaux.
On découvre plusieurs facettes d'Elmmett, son évolution.
Un beau roman avec différentes voix qui le rendent très prenant et captivant. On plonge dans l'Amérique des ghettos, de la drogue, du chômage, de la galère, du racisme. Mais tout est en équilibre, pas de misérabilisme ou de procès à charge, Elmmett est un personnage nuancé auquel l'auteur donne vie à travers le regard de ceux qui l'ont aimé.
Commenter  J’apprécie          90
Louis-Philippe Dalembert, né en 1962 à Port-au-Prince (Haïti) est un écrivain d'expression française et créole. de formation littéraire et journalistique, il travaille comme journaliste d'abord dans son pays natal avant de partir en 1986 en France poursuivre des études qu'il achève par un doctorat en littérature comparée et un diplôme de journalisme. Louis-Philippe Dalembert a enseigné dans plusieurs universités aux Etats-Unis et en Europe. Son dixième et dernier roman à ce jour, Milwaukee blues, date de 2021.
Un roman construit à partir de deux drames, le lynchage d'Emmett Till (1941-1955) dans le Mississipi par deux frères qui seront acquittés avant qu'ils n'avouent bien plus tard leur acte, certains de leur impunité ne pouvant être condamnés deux fois pour un même crime. Et plus récemment, la mort de George Floyd en 2020 victime de violences policières à Minneapolis (Minnesota).
Le roman relate la courte vie d'Emmett, un jeune Noir qui veut se sortir du ghetto par le biais du sport en obtenant une bourse pour une université et accéder ensuite au football professionnel. Un rêve qui n'aboutira jamais.
Le roman se découpe en trois parties et les deux premières sont particulièrement bien troussées par l'écrivain car judicieusement conçues : le drame a déjà eu lieu et les chapitres font défiler ceux qui l'ont bien connu, chacun donnant son point de vue et les relations qu'il entretenait avec Emmett. Son institutrice (blanche) qui s'était prise d'affection pour le gamin, une amie d'enfance amoureuse/soeur du jeune homme, un pote dealer ; puis son coach sportif à l'université et nous apprenons qu'un premier drame l'a fortement marqué, gravement blessé lors d'un match, la carrière ambitionnée doit s'arrêter là. Sa fiancée (blanche) intervient aussi etc.
Les deux tiers du roman sont vraiment plaisants à lire - même si le sujet est grave – car chaque intervenant ou presque, s'exprime dans son langage pittoresque, s'adressant directement au lecteur. L'humour n'est pas absent et c'est vraiment très bien.
La dernière partie change de ton. Finis les dialogues en continu, on entre dans le plus émouvant. le meurtre vient d'avoir lieu, le policier assassin donne son point de vue sur cette mort, la pasteure Ma Robinson organise les funérailles avec la famille, son magnifique sermon tentant d'apaiser les tensions qui montent, la marche digne et puissante de cette communauté qui relève la tête et crie « assez ! »
Un très beau roman, ne cherchant jamais à forcer sur l'émotion du lecteur, les faits se suffisent à eux-mêmes. Et si Ma Robinson a foi dans des jours meilleurs à venir, le lecteur perplexe, se demande si ces jours viendront … ? « I have a dream »
Commenter  J’apprécie          90
Milwaukee Blue est typiquement un roman que je n'aurai pas lu sans l'enthousiasme de ma mère ("Celui-là il est super, tu vas le lire en un rien de temps") parce que le sujet inspiré de l'histoire de Georges Floyd est très risqué. Si j'ai toujours eu un intérêt marqué pour les faits divers, leur retranscription en roman avec un recul historique limité peut aussi s'avérer désastreuse.

Louis-Philippe Dalembert réussit le numéro d'équilibriste : il invente un nouveau protagoniste, Emmet, au travers duquel il retrace les espoirs déçus d'une population défavorisée, discriminée et dont une éventuelle ascension sociale - "le rêve américain" - ne repose que sur de fragiles hypothèses. On est captivé par la fresque sociale dans un état américain méconnu mais victime de fortes inégalités sociales sans jamais perdre de vue que ce qui se déroule sous nos yeux de lecteur s'est également déroulé sous nos yeux de téléspectateurs il y a 2 ans.

"Construisons des passerelles. Construisons des ponts, de solides ponts entre nous, là où les esprits maléfiques et les rabat-joie cherchent à nous diviser. (...)

Soyez fier d'être qui vous êtes, mais ne commettez pas l'erreur de vous enfermer. Ne vous laisser pas non plus enfermer."
Lien : https://yaourtlivres.canalbl..
Commenter  J’apprécie          80
Cette histoire ressemble à celle de la mort (et de la vie) de George Floyd et pourtant ce n'est pas une biographie mais c'est clairement le point de départ de ce roman où on nous parle d'Emmett, un homme noir, qui va se faire arrêter par un policier blanc qui va se tenir de longues minutes le genou sur le cou et qui va le laisser mourir sur le trottoir alors qu'il criait « Je ne peux plus respirer »…

Le roman donne la parole à des personnes qui l'ont connu à divers moments de sa vie et c'est un patchwork qui se constitue au fil de la lecture : on découvre l'enfant, l'adolescent, le sportif professionnel, le fils, l'amoureux, le père, l'ami, le voisin, l'homme perdu qu'il était…

Nous suivons aussi les préparatifs de son enterrement avec une amie de sa mère, pasteur et ancienne gardienne de prison et d'autres et qui ouvre aussi la porte au mouvement Black Lives Matter.

Ce roman est le portrait d'un homme, certes, mais c'est aussi la description de la vie particulièrement compliquée d'un homme noir aux Etats-Unis, avant même son arrestation. C'est l'histoire des grandes villes américaines, souvent ghettoïsées, avec la drogue qui n'est jamais loin, le sport comme seule opportunité de faire des études, les préjugés, le racisme ordinaire… Et puis cela remet en perspective le drame de cette mort sous les camera : cet homme « Emmett » ou George Floyd, était avant tout un homme ordinaire, avec ses bons et ses moins bons côtés mais en tout cas, un homme qui ne méritait pas de mourir comme ça. En cela le roman est très humaniste.

Je pense que vous avez compris que j'ai beaucoup apprécié cette lecture dont j'ai aimé, l'histoire et l'écriture!
Lien : https://ennalit.wordpress.co..
Commenter  J’apprécie          80

Milwaukee blues.
Louis-Philippe DALEMBERT
Coup de coeur ♥

911.
Nine one one.
Numéro d'urgence de la police américaine.
C'est le numéro que compose l'épicier du quartier de Franklin Heights (Milwaukee) quand il croit détecter un faux billet de 10$.
Une broutille 10$, une peccadille sauf qu'en précisant à la police que le jeune homme est noir il signe là son arrêt de mort…
Interpellation, immobilisation et mort d'Emmet.
Cet homme venu acheter quelques aliments pour sa famille.
Et c'est tour à tour en véritable roman choral que vont venir parler d'Emmet ceux qui le connaissaient.
L'épicier extrêmement culpabilisé d'avoir appelé le 911.
Son institutrice qui garde un souvenir ému de ce jeune garçon prometteur et bien élevé.
Son amie d'enfance et soeur de coeur qui le connaissait mieux que n'importe qui.
Le pote dealer, 3 ème élément du trio qui faillit faire basculer Emmet du mauvais côté.
Le coach de football qui l'a accueilli en fils et qui lui a donné toute son expérience et ses conseils que malheureusement Emmet n'aura pas écouté.
Sa fiancée (blanche et aisée) qui voyait un avenir radieux se présenter à eux avant la blessure d'Emmet. Fiancée qui le soutiendra éternellement envers et contre tous.
Son ex fiancée et mère de ses filles.
Des souvenirs et la mise en place de la marche contre les violences policières et l'hommage à Emmet.
Voilà ce qu'est ce magnifique roman.

Difficile de chroniquer ce roman tellement il m'a émue.
J'ai assisté à une conférence de son auteur et je m'étais dit « oui pourquoi pas… »
Quelques mois plus tard j'achetais ce livre et bien m'en a pris !
C'est extrêmement touchant tout en n'étant pas dans un manichéisme extrême.
Le roman choral personnalise très bien Emmet que savait existé j'aurais aimé rencontrer Emmet…


Commenter  J’apprécie          81
J'ai recherché la définition du mot "blues" pour être bien sûre que c'était bien ces sentiments là qui sont véhiculés tout au long de la vie d'Emmet qui a eu la malchance de naître, noir, en Amérique.
blues :Complainte du folklore afro-américain, née dans le sud des États-Unis (delta du Mississippi), d'abord rurale puis urbaine, caractérisée par une formule harmonique constante et un rythme à quatre temps, dont le style a influencé le jazz et la plupart des formes musicales dérivées du rock.
J'ai envie de dire que le roman de J.B.d'Alembert est aussi à quatre temps : naissance et petite enfance dans un quartier noir, sortie du tunnel grâce au football, accident, fin du rêve,
Commenter  J’apprécie          80
Qui n'a pas encore en tête les images dramatiques de la mort de George Floyd? Comment cette terrible tragédie a pu se passer? Qui était George Floyd pour mériter une mort aussi atroce et injuste? C'est ce que Louis-Philippe d'Alembert a essayé d'écrire, au travers d'un fait similaire arrivé à son personnage central, Emmet, mort sur le trottoir, dans le quartier de Franklin Heights, étouffé par la prise d'immobilisation d'un policier blanc, sans que rien ne laisse à penser qu'Emmet se serait rebeller de quelque façon que ce soit... Emmet, tout un prénom déjà puisque c'est celui d'un jeune lynché en 1955 par des suprémacistes blancs, largement innocentés et sortis libres à l'époque.
Le roman commence par l'épicier pakistanais qui a fait le nine-one-one et qui se demande encore bien pourquoi! Qui s'en voudra toute sa vie mais qui finalement n'a répondu qu'à ce qu'on lui demandait de faire socialement presque.
Et ensuite s'enchaînent les points de vue et les histoires de chaque personnes qui a connu de près ou d'un peu plus loin Emmet, star de foot américain qui avait des rêves de fortune et que la vie a cabossée au point de revenir dans son quartier d'enfance avec des rêves brisés et 3 filles à nourrir. On lit avec beaucoup d'attention les témoignages d'Authie et Stoke, les amis d'enfance, de Ma Robinson, la matonne devenue révérende et pilier du quartier, l'ex fiancée, qui garde le souvenir encore ému de son histoire avec Emmet, elle, la fiancée blanche qui n'avait pas idée des humiliations quotidiennes des Noirs dans son pays. Son institutrice qui croyait tellement en lui, tout comme son ancien coach de foot à l'université. Louis-Philippe d'Alembert y met même le point de vue du policier coupable. Et à la suite de ces regards croisés sur qui était Emmet, on assiste à la mise en place de la marche qui lui sera dédiée, ce qu'elle implique, qui elle implique et comment elle se déroule et se termine.
Ce livre est puissant, vraiment, dans le sens où il dépeint de façon cruelle mais je crois plutôt réaliste les fractures profondes de l'Amérique de nos jours qui ne parvient toujours pas à refermer proprement les blessures de l'esclavage, ce que cela a engendré comme comportement, d'un côté comme de l'autre, des cicatrices purulentes qui s'ouvrent à nouveau au moindre heurt. Il est également très touchant de lire les témoignages de chacun car ça aurait pu être ce qu'était George Floyd, et lui donner une vie est extrêmement touchant dans le sens où ça décuple le sentiment d'injustice et la nécessité de faire bouger les lignes une bonne fois pour toutes.
C'est fort, c'est touchant, c'est un roman à lire.
Commenter  J’apprécie          80




Lecteurs (627) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3674 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}