AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,06

sur 65 notes
5
3 avis
4
3 avis
3
0 avis
2
1 avis
1
0 avis
"La différence entre les surréalistes et moi, c'est que moi je suis surréaliste."
(S. Dalí)

Petite, j'étais fascinée par les tableaux de Dalí. Quel enfant ne le serait pas, devant une pareille explosion fantasmagorique peinte d'une façon aussi réaliste, si loin des abstractions inaccessibles à cet âge-là ? Au point qu'avec le recul, je me demande si les enfants, avec leur sainte ignorance et leur imagination ne sont pas le meilleur public pour les surréalistes; leur perception du monde n'en est parfois pas loin.
Je faisais plein de dessins encore plus "surréalistes" que Dalí, et j'étais persuadée de ma "génialité".
Puis j'ai lu ce livre qui m'a remise à ma place. Mon imagination était loin d'être aussi perverse et débridée que je ne le pensais, et quant au prétendu génie... hmm...!

La quatrième de couverture vous informe que ces mémoires sont un monument que Dalí a érigé à sa propre gloire. Certes, mais à 38 ans Dalí était déjà célèbre, et ce livre retrace surtout la partie de sa vie où Dalí est devenu "Dalí". C'est le récit d'une transformation qui pourrait déstabiliser plus d'un lecteur. Dalí a douté de beaucoup de choses, mais jamais de son propre génie. Il nous ouvre son monde, explique sa méthode paranoïaque-critique, et peu à peu on finit par comprendre que derrière ces mots il y a plus qu'un fanfaron au don artistique.
Dalí n'a cure de se montrer sous un beau jour. Il a écrit son livre de la même façon qu'il peignait : en alignant les mots avec soin et avec un incroyable souci du détail, en laissant apparaître ses visions perverses et érotomanes, ses tendances exhibitionnistes, narcissiques et sadiques.
Ses mémoires sont comme une tortilla géante, fantasque et démesurée, qui déborde de partout de l'assiette de taille standard; elle est délicieuse, mais il faut manger lentement, sinon ça risque de vous étouffer.

Les vrais souvenirs d'enfance sont mélangés avec des "faux", mais vous ne verrez aucune différence. Phobies, égocentrisme, sadisme et fétichisme sont les mots clés de l'enfance de Dalí.
L'Académie de Madrid. La "période dandy", et la rencontre avec les surréalistes. Et avec Lorca, probablement le seul de ses amis qui lui a inspiré de l'admiration, doublée d'une dose de jalousie. Puis, l'exclusion de l'Académie...
Tout cela forme une suite ininterrompue d'anecdotes qui ne peuvent pas vous laisser indifférent, en hésitant sans arrêt entre "admirable" et "détestable".
Mais dès le début, on sait que tout cela converge vers une sorte d'épiphanie : la rencontre avec Gala.
Dalí est incontestablement un génie, mais un génie chaotique. Il affirme que la seule différence entre lui et un fou, c'est que lui n'est pas fou... mais sans Gala Eluard, son unique amour qui l'a soutenu et aimé en retour pendant cinquante incroyables années, qui sait... ? Salvador sauvé ? Gala est la seule chose que Dalí ne livre pas d'une façon impudique, dans son récit. Elle fait le lien entre "Dalí" et la réalité.

L'image que Dalí donne de soi est tout sauf modeste, mais (même si ça peut paraître risible), sous ce masque excentrique à moustaches il y a un peintre traditionaliste plein d'humilité qui préfère le travail bien fait et de véritables valeurs artistiques à la temporalité des -ismes (y compris l'académisme, et les -ismes idéologiques). Dalí réactionnaire, qui ose saluer le roi moqué Alphonse XIII, Dalí qui voue un culte absolu aux peintres classiques, surtout Raphaël. Ses réflexions sur le monde "moderne" font penser à la poésie d'Eliot pleine de désespoir. Dalí qui se moque des surréalistes et de leur surréalisme artificiel de pacotille, car le surréalisme n'est pas un courant, c'est une façon de vivre. La sienne.
Après tout, il n'y a que le temps, cette montre molle, qui décidera si lui aussi est périssable.

"Qu'est-ce que le Ciel ? Où peut-on le trouver ? "Le Ciel ne se trouve ni en haut, ni en bas, ni à droite, ni à gauche, le Ciel se trouve exactement au centre de la poitrine d'un homme qui a la Foi"
A cette heure je n'ai pas encore la Foi, et je crains de mourir sans Ciel." (1941)

J'espère que Dalí a fini par trouver. J'aligne 5 étoiles sur 5 sur le piano, sans aucune hallucination partielle, Salvador Domingo Felipe Jacinto Dalí i Domènech, et merci.

P.S. Comme je n'arrive absolument pas à saisir ni décrire l'instant où la folie bascule dans le génie (ou vice-versa ?), je rajoute un petit bonus qui parle tout seul :
https://www.youtube.com/watch?v=eTOFqBVHG2w
Commenter  J’apprécie          8738
Un livre extraordinaire. Au sens propre : qui sort de l'ordinaire. Tant par la personnalité de son auteur que par ce qu'il y décrit.

D'abord, il est très bien écrit. Ce qui rend sa lecture bien plus aisée qu'on ne s'y attendrait pour peu qu'on connaisse un peu l'animal. Ce qui s'explique quand on regarde la page de garde et le discret "Adaptation française de Michel Déon". Et on trouve effectivement sur GoogleBooks les extraits du manuscrit original, qui est bien le galimatias qu'on pouvait craindre, dans un français parfois approximatif. Un grand merci donc à l'éditeur qui a eu la bonne idée de le faire "adapter".

Ensuite, ce qui frappe dans le contenu, une fois passé le côté hyper auto-satisfait là encore prévisible, c'est l'impudeur absolue avec laquelle Dali se livre. Et cela en devient fascinant.

Il nous livre les pensées intimes de son enfance de tyranneau enfant-roi, puis de son adolescence hors norme, et enfin de ses débuts dans la petite société des beaux-arts madrilènes. Il expose sans fard son incommensurable égoïsme, qui déclenchera sa recherche permanente d'être considéré comme le centre du monde à travers ses excentricités. Car il a sans doutes vite compris que c'était plus rapide ou facile que par son travail.

Et pourtant, il ne cache pas non plus être un bourreau de travail, condition absolument indispensable à la réussite artistique. Un de ses points les plus positifs, assurément.

Parmi les meilleurs moments, les plus désopilants, il y a ces relations de ses conférences. Dès la première, son unique objectif est de créer l'événement, le scandale, et il y parvient au moyen d'expédients souvent très inventifs. Il y a aussi ses débuts dans les écoles d'art, où son sentiment de supériorité absolue fait des merveilles.

En revanche, la partie consacrée à son premier séjour parisien sent le faux. Et surtout cette première rencontre avec Picasso, où le maitre aurait immédiatement reconnu son égal. du coup, ça jette un peu de suspicion sur l'ensemble de cette partie. Également agaçante, cette propension à penser qu'il a tout amené au surréalisme. Il n'y a qu'a regarder les oeuvres antérieures ou contemporaines de ses congénères du groupe pour voir qu'il y a autant pris qu'apporté.

Ce qui reste probablement vrai, c'est son incroyable incompréhension des conventions sociales, sans doutes due à son enfance hyper-protégée. Associée à son sentiment de supériorité, cela découle ensuite sur le mépris affiché et constant de ces conventions. Ce qui en fait quand même un personnage hors norme.

Pour conclure, il ne faudrait surtout pas croire ce livre réservé aux afficionados de Dali ou du surréalisme. Il est recommandé à tous, pour une plongée stupéfiante et enrichissante dans le monde intérieur d'un personnage doué d'une créativité incroyable, drôle et anticonformiste.
Commenter  J’apprécie          2010
Il y a de quoi être surpris de prime abord par cette étrange autobiographie (incomplète car elle ne couvre qu'une partie de sa vie, de sa naissance à l'année 1941). Même si avec Dalí, on peut s'attendre à toutes sortes de fantaisies, l'extravagance des expériences auxquelles il nous convie peut être déconcertantes pour le lecteur. Puis à la longue, on s'y habitue se disant que l'on reconnaît bien l'artiste surréaliste puis enfin on comprend.
Peu importe si la totalité des faits racontés soit vraie ou pas, peu importe qu'il invente ou construise sa légende, parce qu'au final cela fait sens. Car c'est bien au coeur de l'expérience créative que nous amène Dalí. Il souhaite partager, et cela lui semble vital, son extraordinaire sensibilité au monde sensuel (à la façon d'un Marcel Proust - que dire de la sensation que lui procure une goutte de café chaud sur sa peau, du paysage de Cadaquès et de port Lligat, de la vision d'une aisselle de femme plus ou moins poilue – il a une théorie...) qui débouche sur une créativité unique et cela est la grande force de ce livre. On comprend son oeuvre les cheminements pour le moins tortueux de la psychologie voire de la philosophie dalidienne comme il aime s'en vanter. Alors, cela peut être énervant mais tellement génial à la fois.
Et puis on découvre un personnage, que je connaissais finalement très mal. J'ai aimé qu'il défende la tradition picturale européenne contre ceux, dont Joan Miró, qui prétendaient l'assassiner. Oui, il propose de la prolonger et de la réinventer . Et ne croyez pas que cela ce fasse sans doutes, hésitations, ni angoisses. A bien des reprises, il remet en cause sa production jusqu'à la folie. On peut dire que la chance de sa vie et d'avoir rencontré Gala Eluard. Elle est la colonne vertébrale de ce fantasque personnage. Bien qu'en retrait, elle est omniprésente et indispensable à Dalí. Sans elle, il serait devenu fou.
Ce qui aussi très intéressant c'est à quel point Salvador Dalí est en décalage par rapport au monde qu'il fréquente : subtile mélange de non conformisme et de révolution réactionnaire. Que dire de l'admiration qu'il porte à Alphonse XIII alors que tout le monde le méprise et tout particulièrement à l'école des beaux arts de Madrid, où il fut le seul à l'occasion d'une visite du monarque à s'agenouiller et à lui baiser la main à l'étonnement générale des étudiants et des professeurs. Professeurs, dont il critique le modernisme et leur abandon de la rigueur au profit de la seule abstraction. Une modernité dont il conchie le manque de poésie et qui normalise l'être humain en refoulant toutes fantaisies et excentricités qui sont pour lui inhérentes à l'homme. Surprenant pour quelqu'un qui est perçu comme l'avant garde du surréalisme. Un surréalisme qui ne peut se fondre dans un aucun courant politique, d'où son apolitisme et sa rupture avec Aragon dont il rejette son stalinisme. Enfin, il ne rejette pas seulement les « -ismes » de l'histoire – fascisme, communisme, catalanisme – il rejette L Histoire en générale dans laquelle il ne peut se fondre. Dalí n'aura de cesse de rester en marge de celle-ci même aux heures les plus sombres. L'histoire peut tuer son art or Dalí ne vivait que pour l'art et seulement pour l'art !

Il y aurait tant d'anecdotes à raconter mais je préfère vous inviter à les découvrir par vous même et à apprécier aussi au passage son talent d'écrivain !
Commenter  J’apprécie          71
Dali, un géant conscient de son génie, livre une mini-autobiographie comportant des passages déjantés mais aussi très sérieux. Emotion lorsqu'il évoque sa mère et le déchirement que fut sa perte. Dali a atteint des sommets, quelquefois méconnus de ses admirateurs et à fortiori de ses détracteurs. Lui seul pouvait se permettre de l'écrire. Il l'a fait.
Commenter  J’apprécie          50
Bon, on peut douter abondamment qu'il ait pris la plume... la mimine de Gala ? Sans doute... Quoi qu'il en soit c'est amusant, mais aussi une vision sur l'homme, la culture, l'art, la mort, le temps, l'amour, intéressante, et puis évidemment, une invitation à la poésie, à un brin de folie.... puisque c'est Dali.... le divin...
… quelques titres de chapitres pour vous mettre en bouche : « Souvenirs intra-utérins » « Faux souvenirs d'enfance » « Vrais souvenirs d'enfance » « Mon âge de pierre » « Découverte de la machine à photographier la pensée »...
Commenter  J’apprécie          50
Aimant les oeuvres d'arts de Dali, je voulais en savoir plus sur ce personnage. C'est donc à travers cette autobiographie que j'ai appris davantage sur lui.
Il nous raconte son enfance où d'ailleurs on peut constater qu'il n'était pas toujours gentil, qu'il a toujours été quand même plus ou moins soutenu par ses parents et qu'il surtout grandit un peu dans la bourgeoisie.
Il explique aussi ses « délires imaginaires » qui font de lui un génie dans ses créations surréalistes. Mais, on apprend quand même qu'il a connu quelques difficultés financières.
Il nous parle également de ses rencontres notamment celle avec le poète Frederico Garcia Lorca et celle avec Gala, ex-femme de Paul Eluard, qu'il va épouser et former un couple solide qui se soutient.
Dali qui est apolitique, nous fait part également de ce qu'il a vu de la guerre ainsi on apprend un peu de cette période en Espagne.
Pour conclure, cette autobiographie est vraiment complète pour découvrir cet artiste hors-du-commun, elle reste abordable avec des passages qui nous donnent le sourire et d'autres un peu plus philosophiques qui nous poussent à la réflexion sur certains points.
Lien : https://meschroniquesdelectu..
Commenter  J’apprécie          40
Dali est fou. Et quelle folie ! décrivant et déformant sa vie, Dali invente sa légende, crée sa mythologie, et déifie son amour, Gala. Un passage obligé lorsque l'on s'intéresse à l'artiste, la lecture de ce livre nous confronte à l'univers magique, bigarré et donc surréaliste de ce grand personnage.
Commenter  J’apprécie          20
j'avais lu il y a très longtemps "journal d'un génie" par lui-même et après avoir revisité son musée à Figueras, je termine cet autobiographie. Elle éclaire ses tableaux et permet de mieux comprendre, probablement pas tout le sens, mais au moins l'essence. Totalement délirant, mais délirer veut dire aussi délier, se détacher des contraintes.


Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (154) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1084 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}