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3,9

sur 2115 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ça y est, je suis venue à bout de ce beau pavé de 929 pages ! Et ça m'a plu ! J'avoue que je ne savais pas trop à quoi m'attendre avec ce roman « Les furtifs » offert à Noël dernier par mon filleul. Je ne connaissais ni l'auteur, ni ce roman, ni son super best-seller « La Horde du Contrevent ». Mais franchement bien choisi car j'ai énormément aimé. Les premières pages sont étranges mais une fois rentrée dans l'histoire, j'ai été happée et j'ai tourné les pages avidement pour en apprendre plus sur les furtifs et savoir comment tout cela allait se terminer. Quand je dis que les premières pages sont étranges…. Je m'exprime mal car en fait ce sont toutes les pages qui sont étranges. L'histoire est étrange. Les mots sont étranges. La calligraphie est étrange (les personnages principaux ont leurs propres signes pour qu'on les reconnaisse au fil de la lecture… Par exemple : ··Pour Lorca - ))) Pour Saskia etc. J'ai bien aimé ces petits signes de reconnaissance laissés par l'auteur !). Les furtifs sont étranges. le monde est devenu étrange. Bref, tout est étrange. Bizarre, biscornu, insolite, curieux sont les maîtres-mots de ce livre. Mais c'est surtout passionnant, émouvant et instructif. Oui instructif sur la nature humaine, sur un avenir qui pourrait se réaliser et qui n'est vraiment pas le meilleur à nous souhaiter. Car ce récit se déroule dans un avenir proche, en 2041. La société est hyper connectée et pratiquement tout est sous contrôle. Plus rien n'est du domaine de l'intime. Les villes ont été rachetées par des entreprises qui n'ont qu'un seul but comme toujours : le profit. L'histoire de ce roman se déroule essentiellement dans la ville d'Orange, en Provence, qui a été rachetée, ça ne s'invente pas, par la société de communication Orange (du coup, la société n'a même pas eu à débourser un centime pour racheter le nom ! Il n'y a pas de petit profit). Tout est connecté, les rues, les parcs, les immeubles, les commerces, les services dits publics… et bien sûr les humains. Suivant votre abonnement et surtout vos moyens (standard, premium ou privilège ou encore pire sans bague), vous pouvez ou non passer dans certaines rues, entrer ou non dans un commerce, un parc pour jouer avec vos enfants etc. Dans ce monde absolument angoissant, vous êtes continuellement surveillés via votre bague et sollicités de toutes parts par des publicités, des injonctions ou plus sournoisement par votre MOA (my own assistant… votre assistant personnel en français). Mais avouons-le, la plupart des gens sont heureux dans ce monde ultra connecté qui n'a plus grand-chose à voir avec la réalité et où la technologie pense pour eux. Dans cette société complètement corsetée, des personnes se révoltent malgré tout, tentent de résister et de changer les choses, de retrouver une certaine liberté. Sahar, proferrante, comprenez « professeur errante » qui enseigne dans les rues aux enfants rejetés de l'Education Nationale et son mari Lorca, sociologue communard qui sur le terrain aide les communautés à s'autogérer en dehors du système, font partie de ces humanistes qui veulent faire bouger les choses. Cela jusqu'à la disparition de leur petite fille de quatre ans, Tishka, il y a deux ans. Chacun a vécu sa disparition différemment. Sahar a tenté de faire son deuil tandis que Lorca, lui, croit de toute son âme que sa fille est vivante, sans doute partie avec les furtifs, ces êtres invisibles et toujours en mouvement que la plupart des gens estiment n'être qu'une légende urbaine. le couple a explosé, ils se sont quittés. Et tandis que Sahar essaie d'accepter son deuil avec l'aide d'un psychologue, Lorca, lui, a intégré un service bien spécifique de l'armée, le Récif, qui étudie et chasse les furtifs. Il espère ainsi mieux comprendre les fifs comme ils les appellent et peut-être retrouver sa fille. Lorca rejoint la meute de Agüero, Ner et Saskia sous la houlette bienveillante mais néanmoins directive de l'amiral Arshavin. Commence alors une aventure incroyable et difficile dans le monde des furtifs, mais aussi de toute une panoplie de groupes de personnes tentant de redonner de l'humanité et de l'entraide à ce monde devenu fou et égocentrique. Ces communautés cherchent à redonner du sens à la vie dans le respect le plus total du vivant. Je ne peux pas et je ne veux pas aller plus avant dans l'histoire. C'est à vous de le découvrir en lisant ce très beau livre plein d'humanisme, d'amour et d'amitié. Et d'utopie aussi, un peu… mais ne dit-on pas que l'espoir fait vivre ? J'adhère à cette utopie bienveillante. J'ai été particulièrement touchée voire bouleversée par l'amour que Lorca porte à sa fille Tishka (une sacrée petite bonne femme pleine de vie, d'amour et d'humour très attachante elle-aussi). Amour inconditionnel. Sa mère Sahar aussi bien sûr aime Tishka, mais j'ai eu plus de mal avec ce personnage que j'ai tout de même fini par apprécier à la fin du livre. Mais Lorca est vraiment le personnage le plus émouvant. J'ai bien aimé aussi Saskia et Agüero, un duo fort sympathique. En parlant de Saskia (musicienne et spécialiste des sons), il est à noter que la musique a une très grande importance dans le récit ainsi que le dessin avec les céliglyphes des fifs. Ce roman est dense, complexe, intelligent et forme un tout incroyable ! Je ne suis pas prête d'oublier ce roman qui me tourne dans la tête depuis que je l'ai terminé. Cela me donne évidemment envie de découvrir « La Horde du Contrevent »… Mais laissons passer un peu de temps, le temps de digérer celui-ci ! Un petit conseil : Osez vous plonger dans ce pavé étonnant !
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Ce roman m' a épuisé, m' a refilé une terrible migraine, m' a fait sentir mal mais m' a aussi remuée ,terrifiée, attristée.
J' ai plongé dedans une première fois il y a presque 18 mois quand mon fils aîné me l ' a offert et abandonné à la 107 ème page .
Trop compliqué, trop atypique,trop bizarre et puis il y a 3 jours il m ' a appelé et je ne l ' ai plus lâché. Au départ je voulais surtout le lire par amour pour mon fils mais la tâche me paraissait peu réjouissante et puis finalement je suis rentrée dans cette histoire si particulière et pourtant par beaucoup d ' aspects me touchent ,m ' interpellent ,me fait réfléchir.
La société décrite est terrifiante et pourtant elle fait écho sur beaucoup de points à ce que nous vivons déjà.
J ' ai été énormément émue par plusieurs passage surtout celui où Lorca exprime ce que signifie pour lui le mot papa.
C 'est magnifiquement bouleversant et si puissant tout en étant exactement ce que je ressens avec le mot maman.
Il y a également des phrases qui surgissent sur un modèle de société que je fais mien et qui fait battre mon coeur, un monde ouvert, empathique, solidaire .
Ce livre condamne notre modèle capitaliste et froid ou l ' humain n ' est pas la priorité, absolument pas la priorité.
Cette lecture a été difficile mais utile et je suis heureuse d ' avoir réussi à m ' accrocher .
Je sais déjà que je vais y repenser souvent et relire plusieurs passages que j ' ai écrit dans mon cahier et dans les premières et dernières pages blanches de ce roman.
Pour terminer par une note un peu rigolote, histoire d ' alléger tout cela ,j ' y ai trouvé une citation que j ' adore et qui le résume très bien:Ça craint du boudin .
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France 2041

Lorca Varese fait partie d'une section spéciale dans l'armée, le Récif. Ce département est chargé de capturer un furtif, vivant ! Car un furtif, être invisible, caméléon se déplaçant à la vitesse du son, se suicide si on le regarde : il se fige en sculpture …
Les motivations de Lorca sont de retrouver Tishka, sa fille (et un peu de renouer avec son ex-femme). La petite fille a disparu de l'appartement familial il y a deux ans, elle avait alors 4 ans. Est-elle encore en vie ? Enlevée par un maniaque ? Un furtif ? Lorca est séparée de Sahar la mère de Tiskha, celle ci le prend pour un fou de croire aux furtifs et veut faire son « deuil » de la petite fille …

Entrer dans le monde d'Alain Damasio est toujours un choc : l'univers est riche en vocables inventés, bruits, odeurs, fulgurances…
Comme dans la « horde du contrevent », les personnages parlent tour à tour.
Il y a Lorca bien sûr et aussi Sahar. Parmi l'équipe du Recif, il y a Aguero, le chef d'équipe, Saskia, un peu amoureuse de Lorca, une ingénieure spécialisée dans le son, Asharin leur supérieur. J'ai aussi apprécié le ton de Toni tout fou, un jeune homme qui rejoint la bande un peu plus tard. Il faut un peu s'accrocher au début le temps de repérer qui est qui, le vocabulaire et le style de chaque personnage.

Passons à la partie politique de cette dystopie : Dans ce monde où les villes ont été et privatisées, tout le monde est bagué, épié surveillé (à côté Big brother c'est de la gnognote :-)). L'action principale se passe à Orange, ville qui a été rachetée par l'opérateur de télécommunications éponyme. Les individus ne peuvent circuler que dans certaines rues en fonction du « forfait » de leur bague, il n'y a plus d'éducation gratuite (à part les proferrants, sorte d'enseignants hors la loi qui font « classe » dans la rue et qui risquent la prison… (enfin les TIC Travaux d'Intérêt Commerciaux ). Quelques personnes résistent à ce conformisme et cette absence de liberté (tagueurs, zadistes…).

Le président de la République apparaît tardivement dans le roman et c'est le seul personnage que j'ai trouvé peut être un peu caricatural : un politique insensible qui veut éradiquer les furtifs afin de mieux asseoir son pouvoir… prêt à tout et même à tuer. D'ailleurs, Alain Damasio ne lui donne pas la parole mais décrit ses faits et gestes par l'intermédiaire des autres personnages… La découverte par les français de l'existence des furtifs mettra le feu aux poudres….

Pour ma part, ce livre restera le livre de « mon année 2019 » et détrône « La horde du contrevent » dans mon panthéon personnel : L'histoire (la quête) est encore plus captivante que celle de la Horde (la recherche de la petite fille disparue, cette nouvelle espèce vivante que sont les furtifs … ) et surtout les personnages sont beaucoup plus subtils que dans la Horde du contrevent ….Dans « la horde… », les personnages les plus réussis étaient tous des hommes et il faut bien dire que les quelques femmes présentes étaient un peu « cliché » et réduites à des faire- valoir…
Ici il y a deux personnages féminins magnifiques et sans concession Sahar (la proferrante qui finit par avoir un poids dans l'histoire aussi importante que Lorca) et Saskia spécialisée dans l'étude des sons furtifs…

Ils évoluent tous et c'est un plaisir de les voir changer de passer de la « traque » pure et dure à l' "apprivoisement" et la découverte d'une nouvelle espèce …

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Quinze ans après La horde du contrevent, Alain Damasio nous livre une dystopie glaçante de réalisme où le futur se fait bien trop proche. Un futur où les entreprises rachètent les villes et pénètrent à coup d'ultra-connectivité et sous couvert d'ultra-optimisation dans nos foyers, nos vies et nos têtes. Rien de totalement neuf sous le soleil ? Peut-être, mais quelle parfaite remise au gout de 2019. La critique est évidente, sans détours, parfaitement ancré dans l'actualité. Un futur parfaitement plausible. Et proprement terrifiant.

Lorca et Sahar ont vu leur couple brisé par la disparition de leur fille unique de quatre ans, Tishka – volatilisée un matin, inexplicablement. Sahar ne parvient pas à faire son deuil alors que Lorca, convaincu que sa fille est partie avec les furtifs, intègre une unité́ clandestine de l'armée chargée de les chasser et d'en découvrir les secrets. Là, il va découvrir que ceux-ci naissent d'une mélodie fondamentale, le frisson, et ne peuvent être vus sans être aussitôt pétrifiés. Qu'ils sont des êtres de chairs, de vitesse, vivant dans les espaces de liberté de nos angles morts.

Nous suivons particulièrement Lorca et sa quête est l'enjeu central de la narration : c'est celle d'un père qui refuse de renoncer et qui veut retrouver sa fille. Quoi qu'il en coûte, quoi qu'elle soit devenue. La paternité et la parentalité par le prisme croisé de Sahar sont au coeur du récit. C'est une histoire d'amour de bout en bout, de résilience, d'acceptation, d'ouverture. C'est en grande partie ce qui m'a touché. Les personnages sont vrais, humains, dans leur grandeur et leurs erreurs, ils sont authentiques. Les paragraphes alternent les points de vue, et on se fera rapidement au fait qu'ils sont signalés par des ponctuations, des points, des signes, différents selon les personnages, au point de ne plus avoir besoin du récapitulatif des noms/signes.

Sans aucun doute, la force du récit c'est le souffle qui le porte. le rythme, la musicalité dans un style irréprochable. On est embarqué dans chaque phrase, on glisse d'un mot sur l'autre, s'arrêtant parfois sur la poésie d'un segment, la force d'une conviction, la terreur d'un concept pointé du doigt, et on glisse d'une phrase à l'autre, d'une émotion à la suivante. La langue est ciselée, incroyablement, mais que pouvions nous attendre d'autre ? Elle réussit à porter la voix de chaque personnage, à le faire parler, à le faire sonner de manière radicalement différente, à former un récit polyphonique où le thème de chacun ne brise aucunement l'harmonie générale. Chacun porte sa voix, qui ses tics de langages, qui son franglais, qui son franc parler, sa langue natale qui ressort et se fond parfaitement dans la narration. Cela nous amène d'autant plus à s'attacher aux personnages, à leurs voix si reconnaissables. C'est une expérience de lecture multi-sensorielle, le récit fait clairement appel à tous les sens, et j'ai particulièrement hâte d'écouter la bande son (que je n'avais pas dans mes épreuves).

Si la forme est impeccable, les jeux de langages incroyables, la musicalité omniprésente, le fond n'est pas en reste loin de là, et c'est sans doute ce que j'applaudis le plus. Cet équilibre parfait entre forme – l'intrigue, la langue, les personnages, et le fond. La critique est évidente, mais n'est pas le seul point à relever. le confort de chacun, l'enfermement dans la réalité virtuelle, l'acceptation de l'exploitation des données, le Big Data everywhere, l'échec de l'éducation conventionnelle sont parfaitement traités, mais c'est surtout le « et pour ne pas en arriver là, on fait quoi ? » qui m'a enthousiasmé. Les ébauches de réponses, les pistes de réflexion pour bâtir un demain différent de cet ultra-libéralisme. Ces ZAD, ces ZAG, ces espaces urbains à reconquérir ensembles, ces cours en dehors des classes, des cadres, ces luttes sociales, humaines. le récit est clairement emprunt d'humanité et de valeurs. La crise migratoire est évoquée, le vivre-ensemble et ses richesses. C'est une vision clairement positive mais qui fait un bien fou. L'oeuvre est évidemment engagée et je me suis parfaitement retrouvée dans ces visions, dans cet alter mondialisme qui survit et qui essaime. Et je me retrouve dans ce retour à la nature, dans cette hybridation entre l'homme et le vivant, dans les thèmes centraux des furtifs. Un nouveau transhumanisme où le cyberpunk ploie devant la nature.

On pourra s'arrêter au côté science-fiction, apprécier le récit pour lui-même. Moi, je l'ai reçu aussi comme un appel à l'action. Et c'est comme ça que je veux le transmettre. Alors, lisez-le et devenez vous aussi, un peu des furtifs.
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Première découverte de Damasio. Dystopie? Science fiction? Finalement, est ce qu'on est réellement si loin de l'univers que nous décrit Damasio?

Les villes sont privatisées et divisées en secteurs, accessibles ou non selon le "forfait citoyen" auquel vous avez les moyens de souscrire. Un quotidien hyperconnecté, complètement pollué par les publicités ultra personnalisées, parce que le produit: c'est vous!

Et c'est dans cet univers où l'espace privé n'existe plus, que se cachent les furtifs, présence animale? humaine? végétale? qui vit dans nos angles morts.
Une branche de l'armée tente de les étudier. La dessus, sans vraiment croire à leur existence, le gouvernement est hautement intéressé par le matériel technologique de pointe développé par l'armée dans la chasse aux furtifs.

Toute l'histoire s'articule autours d'un couple magnifique, d'une quarantaine d'année dont la fille de 4 ans a disparue. Déchirés depuis le deuil, ils vont se jeter à corps perdus dans cette quête dès les premières lueurs d'un nouvel espoir. Leur histoire est absolument bouleversante, chaque berceuse, chaque dialogue entre eux est une poésie en soi.

L'écriture et les néologismes de l'auteur passent crème! Il faut s'y plonger sans craint et se laisse emporter dans cet univers linguistique fascinant qui évolue au fil de la lecture et au fil des personnages!

Une bouffée d'oxygène et d'espoir, pour privilégier le lien humain. Déconnectez-vous! Lisez! Vivez!
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Il est des post plus intimidants que d'autres. J'ai quelque peu reculé devant l'immensité du défi, chroniquer et donner envie en quelques signes. Circonscrire en une politique de fonctionnement et des conditions générales, un monstre protéiforme tel que Les furtif, c'est comme dresser un crapaud buffle au saut à la perche... Ce n'est pas gagné.

Les furtifs est un livre monstre où Damasio se montre, comme toujours, d'une inventivité folle, presque flippante. Un cosmos. Créé non pas ex-nihilo, mais bel et bien du notre. Nos néo-libéraux, sourds à toutes critiques, tout léger doute qui affleurerait par lassitude, ne lisent pas Damasio. Ils n'en ont pas le temps, enfermés dans leurs certitudes. Si notre planète fonce dans le mur, il convient d'accélérer, déréguler plus et tant, accélérer merde ! Enlever sa ceinture et déconnecter l'airbag.

Les héros des Furtifs se meuvent dans une France capitalisée à l'extrême, une logique poussée dans ses ultimes retranchements. Certaines rues ne sont accessibles que sur abonnements, des quartiers entiers sont interdits à celles et ceux qui ne possèdent par le forfait idoine. Et surgissent les Furtifs, créatures qui échappent à cette captation marchande, qui se logent dans des interstices incontrôlés.

C'est à une quête épique, profondément émouvante que nous convie Alain Damasio. Emplie d'une révolte, de rêve d'enclaves, de communautés de biens utopistes. Et les définissant comme utopistes, je souscris à cette propagande ambiante, ce prémâché frappant quotidiennement nos tympans... Les furtifs est livre de réveil. Il ne provoque pas cet apaisement que l'on recherche parfois. Ce n'est pas un bouquin pour passer le temps alors qu'on ne le voit pas passer, un paradoxe...

Et quelle plume ! Déjà dans son Magnus Opus, La horde du Contrevent, il faisait preuve d'une fertilité, d'une virtuosité qui ne semblaient pas relever de cette dimension. du coup, je m'interroge. Est-on vraiment sûr que Damasio est de notre monde ?

Merci aux éditions La Volte, pour la mise en beauté. L'illustration musicale de Yan Pechin qui accompagne le livre est tout sauf un gadget : une tenue de plongée, un shoot immersif.
Lien : https://micmacbibliotheque.b..
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Damasio a le son chevillé au corps, la nature dans les plis de ses plumes et le sens et les gens, la culture, au fond de son coeur. Avec Les Furtifs il imprime et incarne littéralement cette image de l'écrivain, du récit et du vivant, dans une chimère utopique et fondatrice : les furtifs. Conte d'anticipation, fable politique et roman initiatique, il livre une oeuvre unique et poétique, écrite et musicale. On perçoit tous les traits de notre civilisation 2.0 comme des éclairs glacés. Mais aussi et surtout l'amour sous toutes ses formes. le mariage des deux dans un monde de 2041 où co-existent des villes-corporate et des iles-forteresses crée un univers unique. Un livre magique avec des personnages que l'on n'est pas prêt d'oublier.
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Ce roman de Damasio recouvre principalement ces trois thèmes : critique d'une société du futur où le numérique aura tout cloisonné, de même que les multinationales et l'État ; tentative d'échapper à la société, petites communautés qui repensent la vie en commun ; et enfin les furtifs, ces êtres mystérieux qui nous font repenser notre rapport à notre environnement. Plutôt dense, donc, beaucoup de revendications, une épopée à la fois digne de la Horde du contrevent mais plus ancrée dans le réel, tout en gardant une part de fantastique.

On sent ici l'influence énorme de la vie personnelle de Damasio, lui-même un peu échappé des réseaux, qui a pas mal cotoyé la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes (entre autres). Il y a beaucoup l'idée de l'utopie, des zones à défendre / à reconstruire, des angles morts où tout est contrôlé / surveillé. Les furtifs, tout comme celles et ceux qui souhaitent changer le monde, sont ici mis en parallèle. Damasio brode dans le champ des possibles avec une très grande fantaisie dans les solutions alternatives proposées, et c'est parfois même un peu too much, ça ne laisse pas beaucoup d'espace pour qui ne sait pas voler dans les airs, construire des choses, hacker les ordinateurs ou torpiller la police, mais dans une époque où la révolte se fait sentir de toute part, c'est un doux rêve, un bel espoir à disposition pour repenser les choses. Dans ce décor, les furtifs tombent à pic, autant pour nourrir l'imagination de celles et ceux qui souhaitent un retour à la terre, au vivant, au mouvement, à la création, que pour dresser le portrait d'un nouvel ennemi, faire monter la peur, le besoin de sécurité. Je n'en dirai pas plus sur les furtifs, pour ne rien spoiler, mais je trouve que c'est vraiment un sujet hyper intéressant, bien amené, bien construit, riche et merveilleux, qui questionne sur la conscience, l'intelligence, l'adaptation, le langage, la réappropriation, le vivant...

Tout comme dans La Horde du Contrevent, l'auteur fait appel à une narration multiple, qui change au gré du roman et se signifie à l'aide de symboles attribués aux personnages principaux du livre. Là où c'était plus ardu pour le premier, ici nous avons beaucoup moins de personnages, ce qui rend plus facile à identifier. Il use de changements de style, de lexique, de langage, d'expressions, qui fait qu'on les reconnaît très bien, mais c'est parfois poussé un peu trop à l'extrême et les rend parfois moins crédibles, quand bien même ça rend les autres plus authentiques et sincères... de même que Damasio change de sujet et de point de mire régulièrement, passant de la dystopie à l'utopie, du concret au fantastique, en s'arrêtant sur la parentalité, le deuil, l'identité de genre, la spiritualité. le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il s'agit d'un récit passionné, poignant, plein d'émotions, de rebondissements, de réflexions sur le monde tel qu'il est et tel qu'il promet de devenir. L'auteur nous offre encore du singulier, le genre de livre qu'on n'oublie pas après l'avoir lu, qui en fait parfois beaucoup (trop) pour sortir du lot, et qui y arrive. Les enfants perdus contre le capitaine crochet, avec les fées, les pirates, et un enfant à retrouver... version 2.0.4.1 ! Avec, en prime, un album à écouter pour se mettre dans l'ambiance, en collaboration avec Yan Péchin.

(voir la critique intégrale sur le blog)
Lien : https://lecombatoculaire.blo..
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Ce livre est un coup de poing qui réveille en nous une force, celle de croire qu'une autre façon d'habiter le monde est possible.
Car même s'il s'agit d'une oeuvre de science-fiction, d'imaginaire, la critique soulageante que fait Damasio de la société prend bien racine dans le réel et les solutions qui émergent sentent bien aussi le vécu de ces dernières années avec l'émergence d'une radicalité dans l'agir. L'engagement de nombreux citoyens dans la décroissance, le faire-ensemble, la contestation des modèles démocratriques actuels, la constitution de ZAD, d'habitats partagés, de soutien aux migrants etc...

Le récit choral démarre par celui de Lorca Varèse dont la fille a mystérieusement disparu il y a deux ans. Il passe un examen pour faire partie d'une troupe d'élite militaire - la meute - dont l'objectif est de traquer les furtifs afin de les rapporter vivant pour analyser leur ADN. Ces animaux invisibles qui sont présents sur notre planète depuis l'origine du monde, vivent dans les zones abandonnées, dans les interstices des villes, les angles morts. Ils se transforment pour ne pas être vu en absorbant les formes du vivant, ils assimilent les sons, les formes, les couleurs, les matières. Rapides, joyeux, musicaux, ils meurent dès qu'ils sont vus.
Dans la meute l'équipe est composée entre autre de Saskia qui est l'oreille et la musicienne du groupe, elle va communiquer avec les furtifs par le son. La musique, le son est presque un personnage a part entière du roman.
Dans un monde sous contrôle absolu des grands groupes économiques (Orange, Nestlé, LVMH...) qui ont racheté des villes et les ont rebaptisées à leur logo, l'humanité se soumet à la grande peur de l'autre, de la nouveauté, de l'inconnu.
Publicités incessantes surgissant d'un banc, d'un réverbère, des pavés dans la rue. Villes divisées en quartiers accessibles selon sont statut de citoyens : Privilège, Premium, Standard. Vidéo surveillance, réalité augmentée,... chacun vit dans sa bulle se méfiant de l'autre, de toute forme d'altérité.
L'émergence des furtifs va faire exploser la manipulation politique et souder les groupes radicaux de tous bords. Pour les uns, c'est l'extermination qu'il faut piloter, la compétition qu'il faut stimuler, le contrôle pour les autres c'est la vie qu'il faut protéger, le partage, la gratuité. Deux visions du monde l'une capitaliste, prédatrice, fondée sur le pouvoir l'autre faite d'entraide, de solidarité et fondée sur la puissance du faire et du partage.
Damasio avec talent expose, démontre tout en racontant une histoire captivante : la quête par Lorca et Sahar sa compagne de leur fille disparue sans doute hybridée en furtive. A travers cela, il décrit les furtifs ces êtres à l'origine même de la vie bondissante, vibrante, énergisante.

Damasio s'appuie sur tout pour fouetter notre imagination. Les mots sont transformés, inventés pour tenir compte du mode de communication des furtifs. Des signes diacritiques sont ajoutés aux lettres pour signifier que c'est telle ou telle personnes qui parle. Les personnages inventés semblent sortir de notre actualité quotidienne : Un libéralisme débridé qui juge utopique tout ce qui n'est pas lui.

Parfois, les fantaisies fantastiques de Damasio rendent la lecture ardue, on se perd un peu mais on se retrouve toujours au coeur d'un combat motivant, d'un discours euphorisant, d'une vision du monde apaisante.

En tant que marseillaise, je mets 5 étoiles à la prise de Marseille. Marseille libérée des Terrasses du Port, des croisiéristes, de la gentrification, des skyline anti-écolo, de Jean-Claude Dingau... on en rêve.

687 pages se lisent avec jubilation.

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Lorca vient d'intégrer la Meute du Récif afin de mieux comprendre ce que sont les furtifs. En effet, deux ans plus tôt, Tishka, sa fille de 4 ans a littéralement disparu de sa chambre sans laisser la moindre trace. Si Sahar, sa femme, brisée de douleur essaye de faire son deuil, lui, refuse d'accepter l'idée même de sa mort.
Que sont les furtifs ? Des êtres vivants en mouvement permanent, qui se métamorphosent continuellement en prenant des éléments de ce qui les entoure : animal, végétal, minéral... et dont la signature et donc l'identité est un son : le frisson.
Ils sont partout mais surtout dans les lieux abandonnés par les hommes. Ils sont parmi nous mais leur mobilité, leur vivacité nous empêchent de les voir.
D'ailleurs s'ils sont vus, ils se pétrifient.
Tishka serait avec eux, serait peut être devenue l'un d'eux...
La recherche des parents, profondément malheureux se déroule dans un avenir proche, très proche du nôtre puisque Damasio utilise le contexte du libéralisme sauvage actuel qu'il amplifie et déforme jusqu'à construire une société uniquement fondée sur la marchandisation. Chaque individu est bagué et donc tracé afin de connaitre ses goûts, ses envies pour lui proposer des biens, des services toujours plus proches de ses désirs, à condition bien sûr qu'il puisse payer.
Les villes, face à la faillite des pouvoirs publics, appartiennent à des firmes et ceux qui refuseraient le confort de ce monde aseptisé se retrouvent à la marge... Une conforteresse.
Damasio s'est servi des manisfestations, des modes d'occupations des Zadistes pour imaginer des groupes refusant cette traçabilité, ce repli sur soi et son IA (Intelligence Amie) et ayant suffisament d'ouverture d'esprit pour accepter l'idée de l'existence furtive.
La créativité du langage, que ce soit celle propre à chaque personnage : Aguerro, Toni, Varech mais aussi celle de Tishka et bientôt Lorca et Sahar m'a semblé (contrairement à ce que j'ai pu lire dans certaines critiques) convenir à ce monde en perpétruel mouvement, à ces êtres en incessantes mutations.
Si certains passages sont un peu tordus, difficiles à lire, je ne me suis pas formalisée plus que cela... Certains mots, expressions sont de vraies trouvailles "self- serf- vice", "anarchipel", "éthiquetage"...
Damasio imagine notre avenir proche de façon pessimiste mais il y apporte la poésie de ces êtres inssaisibles, les furtifs.
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