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sur 1134 notes
Si ce roman est un hommage à " L'étranger " d'Albert Camus, il répare, surtout, une sorte d'injustice, car il donne une identité à la victime, " l'arabe " du célèbre roman, dans lequel le héros était Meursault, l'assassin. Il aborde l'héritage complexe de la langue, la colonisation française, l'évolution du pays après l'indépendance, la montée de l'islam en Algérie. Les deux livres se répondent magistralement, la lecture est jubilatoire. Lorsque Haroun nous parle de son frère, on oublie rapidement qu'il parle d'un mort de fiction. Toute l'oeuvre de Camus est omniprésente, on perçoit toute l'admiration que lui voue Kamel Daoud qui tient sur les religions des propos très courageux.
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Faut-il relire L'Étranger avant de découvrir Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud ? Certainement, car pour beaucoup d'entre nous cette lecture date de nombreuses années et la perception que l'on peut avoir à sa relecture est différente de celle que l'on a connue dans sa jeunesse (en particulier lorsqu'un livre est imposé par un programme scolaire !) de même il est intéressant de se souvenir précisément du roman d'Albert Camus avant d'aborder le roman de Kamel Daoud. Voilà, j'ai lu les deux, l'histoire est complète… L'histoire ? Mais laquelle ?

Celle de « l'Arabe », cet inconnu tué sur une plage, simplement parce que Meursault était ébloui de soleil, aveuglé par les quelques gouttes de sueurs qui perlaient à son front, un jour de désoeuvrement trop ordinaire ?
Celle de Haroun, le narrateur, le frère de « l'Arabe », de celui qui depuis tant d'années n'a jamais eu de prénom ni de nom, jamais eu de vie, de famille, d'emploi, de rêves à accomplir, car personne ne s'y est intéressé ?
Celle de « l'Arabe », qui pourrait être n'importe quel inconnu ou simplement ce frère qui vit dans un pays dont il a du mal à comprendre et à accepter les évolutions, la fin de la colonisation et les dégâts irréparables de la guerre dans la population, la place qui est aujourd'hui faite aux femmes, l'importance grandissante de la religion dans la vie de chacun, l'alcool ou le vin qu'on ne boit plus, les cafés où l'on avait l'habitude de se retrouver et qui ferment les uns après les autres ; celui qui vit dans la solitude, qui a connu le désintérêt et la manque d'amour d'une mère, celle qui a perdu un fils, le vrai, le seul qui compte ; celui enfin qui cherche une identité dans un pays qui n'est plus le sien, comme il peut parfois l'exprimer ?

Alors, oui, la boucle est bouclée, car « l'Arabe » a enfin une identité, mais à la lecture de ce Meursault, contre-enquête on tourne la dernière page avec une certaine frustration et une grande interrogation. Car Kamel Daoud est un auteur qui dit et qui ose, avec des mots qui marquent et interpellent, même si parfois le style et l'approche peuvent dérouter le lecteur. On sent en filigrane les reproches, l'héritage dont on veut se défaire, les critiques exprimées sans complaisance et surtout les attentes de l'auteur envers un pays qui change et qui trop souvent contraint.
Lien : https://domiclire.wordpress...
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Meursault, contre-enquête - de Kamel Daoud
Peut-être l'un des meilleurs livres que j'ai lus ces derniers mois. Il doit se lire en miroir, presque en diptyque, avec un des plus grands romans du XXème siècle, « l'Etranger » de Camus. Ces deux oeuvres se lisent, ou se relisent, en quelques heures à peine, le temps d'une après-midi ensoleillée. L'idée de Daoud est originale, voire un peu folle : « décoloniser » un classique de la littérature.
Le point de départ est la négation de l'Autre dans l'oeuvre de Camus. Un des personnages clés, cet Arabe tué absurdement sur une plage par Meursault sous un soleil torride, n'a pas de nom ni d'existence. Il n'est qu'une ombre, qu'un détail négligé. Kamel Daoud éclaire cette ombre, en lui donnant une vie, une histoire et un prénom (Moussa). Dans un bar, imbibé d'alcool et désabusé, le narrateur (Haroun), le petit frère de cet Arabe tué, hurle sa vie et son mal-être à un universitaire venu l'interroger sur sa version de l'histoire (car l'Etranger est supposé être écrit par Meursault lui-même à sa sortie de prison).
Les jeux de reflets entre l'oeuvre de Daoud et celle de Camus rendent ce livre subtil et génial. le héros de Daoud devient, malgré lui, un curieux double de Meursault, confronté à l'absurdité de la vie, de l'amour, de la mort et de la religion. Il est, comme Meursault, « étranger » parmi les siens, « étranger » face au meurtre qu'il commet pour se venger, face au deuil de son frère, face au monde duquel il est écarté par sa mère, face à l'évolution de son pays, face à la montée de l'Islamisme.
Le style est déroutant, dans un mélange d'oralité nerveuse et de poésie métaphorique. le livre pense l'héritage colonial, l'histoire et les désillusions de l'Algérie moderne. C'est une réflexion sur l'identité d'un homme, d'un peuple et une critique sur les rapports aux autres, au passé, à dieu, à l'Islam. C'est intense et passionnant !
J'ai relevé et noté cette phrase : « Il y a toujours un autre, mon vieux. En amour, en amitié, ou même dans un train, un autre, assis en face de vous qui vous fixe, ou vous tourne le dos et creuse les perspectives de votre solitude. »
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C'est un livre qui m'a laissé perplexe, je l'ai lu à la demande d'une amie, mieux elle me l'a envoyé. J'ai lu plusieurs fois l'étranger, ce que j'en avais retenu de plus fort : un homme littéralement étranger à lui-même et aux autres. le héros de Kamel Daoud me semble tout sauf étranger à lui-même, dans la colère, dans une quête, oui mais pas étranger à lui-même. Je suis si perplexe que je l'ai "passé" à d'autres amis pour connaître leurs réactions. J'attends !
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LECTURE EN MIROIR/JEU LITTÉRAIRE

J'ai commencé à lire la contre-enquête seule mais comme
le narrateur dit que l'Etranger, il le sait par coeur comme le Coran,
Il m'a semblé donc indispensable de relire l'Etranger avant de poursuivre plus avant ma lecture . Ce fut presque une redécouverte. J'avais lu Camus pendant mes années-lycée, il y a donc bien longtemps....

J'ai poursuivi la Contre-enquête dans la foulée - lecture miroir - recherchant les images, les expressions symétriques, analogies ou opposées, comme un jeu oulipien et je me me suis régalée.

Incipit :

"Aujourd'hui, M'ma est encore vivante.

Elle ne dit plus rien, mais elle pourrait raconter bien des choses."

L'Arabe tué en 1942 sur la plage est son frère Moussa. Moussa/Meursault, accompagné de Larbi/L'Arabe, n'ont laissé aucune trace dans l'enquête ou le procès de Meursault, condamné pour n'avoir pas pleuré sa mère plus que pour avoir tué un Arabe anonyme qui n'a intéressé personne. tout juste deux coupures de journal que la mère de Moussa a conservé pour faire son deuil alors que le corps de la victime n'a même pas été présenté à la famille.

L'enfance du narrateur a été occupé par ce deuil et la contre-enquête, la recherche du corps, du lieu du crime, de témoins...Fuyant Alger la mère et le fils s'installent justement à Hadjout/Marengo, le village où était l'asile de la mère de Meursault.

1962, aux premiers jours de l'Indépendance, Haroun devient, comme Meursault, meurtrier. Il tue un Français, sans bien savoir pourquoi. Ce meurtre, à deux heures, comme celui de la plage, mais sous la lune, est le reflet de celui de 1942. il met un point final à la rage de la mère, à sa recherche, comme une vengeance.



"La mort, aux premiers jours de l'Indépendance était aussi gratuite, absurde et inattendue qu'elle l'avait été sur une plage ensoleillée de 1942"

Haroun, lui aussi, sera emprisonné. lui-aussi pour de mauvaises raisons. Pourquoi a-t-il tué après l'Indépendance et non pas avant?

Comme Meursault a eu une amie Marie, Haroun rencontre Meriem. C'est même elle qui lui fait lire l'Etranger. Comme Meursault hait les dimanches, Haroun déteste les vendredis. Comme le premier repousse le prêtre, le second fait un scandale à la mosquée....

Je pourrais poursuivre encore la chasse aux analogies, reflets ou oppositions...

Au delà du jeu littéraire, de l'exégèse de l'Etranger , une autre lecture est intéressante : lecture politique, de la Colonisation et de l'Indépendance , du choix du français par l'auteur. Et bien sûr les implications philosophiques.

Il m'est bien difficile de dissocier Meursault la contre-enquête de l'Etranger. Peut il se lire sans l'autre?


Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Un roman parfois un peu déroutant qui se veut le prolongement, sous forme d'hommage très talentueux, à l'Etranger d'Albert Camus. Une très belle écriture et une architecture du livre très subtile (parfois trop..) traduissent bien la complexité des héritages et des identités.Cette lecture, sur fond des derniers événements tragiques, donne un éclairage tout particulier sur les relations franco-algériennes et le désarroi d'un homme face à un pays qui l'a déçu.Pas de haine mais beaucoup de lucidité sur l'Algérie contemporaine et ces hommes qui ont tant besoin d'un Dieu.
" J'ai toujours eu cette impression quand j'écoute le Coran. J'ai le sentiment qu'il ne s'agit pas d'un livre, mais d'une dispute entre un ciel et une créature. La religion pour moi est un transport collectif que je ne prends pas. J'aime aller vers ce Dieu, à pied s'il le faut, mais pas en voyage organisé."
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J'avais étudié en Première pour le bac (oulala cela remonte loin) "L'étranger " de Camus et j'étais curieuse de découvrir le livre Kamel Daoud. Tout d'abord, une très belle écriture très agréable à lire. Puis ce rapport avec le livre de Camus où l'auteur donne un nom à "l'Arabe" tué par Meursault.
Ce livre raconte le poids d'un héritage familiale (ici la mort de Moussa) qui va empêcher un enfant de grandir libre dans un pays qui n'est pas encore libre.
Un très beau roman sur l'identité aussi. A découvrir...
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Amateur de L'étranger d'Albert Camus, vous aimerez sûrement Meursault, contre-enquête.
L'auteur, Kamel Daoud, journaliste algérien, donne la parole au frère de l'arabe assassiné par Meursault… Avec ce parti-pris original, et dans une belle écriture, son livre raisonne comme un écho indispensable et vain à L'étranger.
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Meursault, contre-enquête/Kamel Daoud
Le sujet d'abord.
L'auteur, Kemal Daoud, dans ce livre veut rendre un hommage en forme de contrepoint à « L'Étranger » d'Albert Camus et ce, soixante-dix ans après sa publication. Il est donc nécessaire d'avoir lu le roman de Camus avant de lire ce récit. Roman dont Haroun dit en forme d'éloge : « …ce livre étrange où il raconte un meurtre avec le génie d'un mathématicien penché sur une feuille morte… »
Les faits : « Un Français tue un Arabe allongé sur une plage déserte. Il est quatorze heures, c'est l'été 1942. Cinq coups de feu suivis d'un procès. L'assassin est condamné à mort pour avoir mal enterré sa mère et avoir parlé avec elle avec une trop grande indifférence. Techniquement, le meurtre est dû au soleil ou à de l'oisiveté pure. »
Kamel Daoud met en scène Haroun, le narrateur, qui se souvient soixante-dix ans après avec une certaine frustration des faits. Lui le frère de l'Arabe tué en 1942 par Meursault, s'adresse au lecteur. C'est ce que je suppose bien qu'il soit dans un bar et semble parler tout seul.
Meursault, un être en proie à l'oisiveté et l'absurde, et qui a commis un crime sans véritable raison, dans une nonchalance majestueuse selon Haroun.
Et cet Arabe qui est resté anonyme dans le roman de Camus et dont on n'a jamais retrouvé le corps a un nom : Moussa. Un prénom qu'il faut lui restituer.
« Mon frère s'appelait Moussa. Il avait un nom. Mais il restera l'Arabe, et pour toujours. »
Nous sommes alors en 1962, soit vingt ans plus tard et l'indépendance de l'Algérie est là. Haroun parle de l'époque coloniale :
« Nous, nous étions les fantômes de ce pays quand les colons en abusaient et y promenaient cloches, cyprès et cigognes. »
« Maintenant, les colons s'enfuient, ils nous laissent souvent trois choses : des os, des routes et des mots ou des morts… »
Et le récit va basculer :
« C'étaient les premiers jours de l'Indépendance. Durant cette période étrange, on pouvait tuer sans inquiétude… »
Haroun comme Meursault va tuer. Une manière de vengeance.
La forme ensuite.
Le style est beau et coloré avec une nuance poétique. Il peut devenir critique et acerbe si besoin est. Avec un fond d'amertume et de rancoeur. Et même de révolte et de polémique.
« Quand j'écoute réciter le Coran, j'ai le sentiment qu'il ne s'agit pas d'un livre mais d'une dispute entre le ciel et une créature ! La religion pour moi est un transport collectif que je ne prends pas. J'aime aller vers ce Dieu, à pied s'il le faut, mais pas en voyage organisé…C'est l'heure de la prière que je déteste le plus. ..Crier que je ne prie pas, que je ne fais pas mes ablutions, que je ne jeûne pas, que je n'irai jamais en pèlerinage et que je bois du vin et tant qu'à faire, l'air qui le rend meilleur. Hurler que je suis libre et que Dieu est une question, pas une réponse… »
Magnifique passage.
« Regarde un peu le groupe qui passe, là-bas, et la gamine avec son voile sur la tête alors qu'elle ne sait même pas encore ce qu'est un corps, ce qu'est le désir. Que veux-tu faire avec des gens pareils ? »
Haroun va faire la rencontre de Meriem, elle aussi interpelée par l'histoire de Meursault. Meriem une belle femme qu'Haroun va aimer passionnément :
« Elle appartient à un genre de femmes qui, aujourd'hui, a disparu dans ce pays : libre, conquérante, insoumise et vivant son corps comme un don, non comme un péché ou une honte. »
Un passage à méditer…
L'analyse enfin.
Kamel Daoud reconnaît la qualité de chef d'oeuvre du roman de Camus. Son personnage relève les points du récit qui lui font mal ou qui lui paraissent inexacts, comme la femme objet de la discorde entre Raymond, l'ami de Meursault (ami qui peut-être n'a jamais existé selon Haroun), et l'Arabe, une femme qui en fait ne serait pas sa soeur mais son amie. Et là, Haroun a des mots terribles concernant l'époque qui voyait Moussa défendre l'honneur d'une femme :
« Défendre les femmes et leurs cuisses ! Je me dis qu'après avoir perdu leur terre, leurs puits et leur bétail, il ne restait plus que leurs femmes. »
Kamel Daoud tente dans ce livre d'opposer le monde et l'acte absurdes de Meursault à l'absurdité de son pays aujourd'hui et son attaque pertinente et réaliste en règle contre l'Islam ne va pas lui valoir que des amis. Il y réussit avec brio mais comme l'ont dit certains lecteurs, il veut trop en dire et cela devient parfois un peu long et décousu.
Mais le pari tenté par Kamel Daoud de mener une contre-enquête sur le meurtre de Meursault et ses à-côtés est un bon moment de littérature française : en effet, Kamel Daoud use de notre langue avec talent et c'est un plaisir de lire ses belles lignes.
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Comment s'attaquer à ce bouquin monstre qu'est L'étranger de Camus?
Avec la verve des auteurs algériens qui écrivent en français....
Et j'ai aimé...suivre la colère de ce vieil homme, frère de celui assassiné dans le roman initial. le point de vue de l'autre, dans cette Algérie malmenée par les événements de l'indépendance.
Succès international ? Ce bouquin le mérite largement.
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