On sait peu de chose des occupations de Boucher pendant ce séjour. Du Rozoir, toujours amer, mais d'ailleurs très mal informé, affirme qu'il ne « comprit rien aux chefs-d'œuvre des grands maîtres italiens », que « Raphaël lui semblait fade, Carrache sombre, Michel-Ange bossu ». Mariette reconnaît simplement qu'il « fit le voyage d'Italie plutôt pour satisfaire sa curiosité que pour en tirer profit. Aussi n'y séjourna-t-il pas longtemps. »
Troyon, dit-il, a fait paraître dans ce grand paysage le sentiment large et fort d'un peintre qui connaît les animaux dans leur coloration, leur structure, leur caractère, en même temps qu'une préoccupation curieuse et presque dramatique de l'effet lumineux. Il a compris et exprimé, mieux qu'on ne l'avait fait encore, ces grandes plaines verdoyantes où les vaches disparaissent, cachées jusqu'au poitrail par les hautes herbes; les fraîches saveurs de la terre humectée par la pluie récente; ces lourds nuages chargés de grêle, et la vague inquiétude des bêtes craintives, et les angoisses de la nature entre deux orages. Qu'était-ce que ce tableau, sinon un grand spectacle, puissant, agité, plein d'émotion et de vie?
Ce n'est du reste pas à ses compositions peintes, mais à ses lithographies et à ses caricatures que Decamps dut d'abord sa popularité. La caricature était en grande vogue à la fin de la Restauration et pendant les années qui suivirent immédiatement la révolution de 1830. Ce genre, qui relève de l'art, puisqu'il en emploie les moyens, est une arme plus encore qu'autre chose. Decamps mania d'emblée cette arme terrible avec une vigueur et une adresse qu'on n'a pas oubliées. Collaborateur du journal la Caricature, il se distingua entre Grandville et Charlet. Les caricatures de Decamps portent la marque du maître et n'affaiblissent pas son œuvre.
Les artistes concurrents sont en loge : Prud'hon achève son tableau, quand il entend dans la cellule voisine des gémissements ; c'est un camarade incapable de terminer son œuvre, qui se désole et qui se plaint. Prud'hon fait sauter une partie de la cloison, prend les pinceaux abandonnés par son rival; il fait si bien que le prix échoit à celui-ci; mais le vainqueur déclare aussitôt à quelle aide il a dû son rang; c'est Prud'hon qui prendra sa place, c'est Prud'hon, porté en triomphe par ses camarades, qui partira pour Rome.