Le titre accroche; Il est à première vue à double sens. A la fois injonction et constat. Non il n'en a qu'un, celui du constat. Ce titre est tiré d'une phrase d'un roman de
Marguerite Duras "
il faut beaucoup aimer les hommes; beaucoup, beaucoup. Beaucoup les aimer pour les aimer". Démonstration avec Solange, actrice française de second plan à Hollywood qui côtoie quelques grandes stars de notre époque, désignées par leur prénom George (Clooney), Steven (Soderbergh), Nicole (Kidman) et d'autres sans doute moins connues, au lecteur d'essayer de les trouver.
Avec
Marie Darrieussecq nous sommes souvent dans le jeu, et souvent pour Solange le jeu de piste, qui consiste à essayer de voir Kouhouesso avec qui elle partage un amour naissant dans des étreintes torrides mais rares à son grand désespoir. Il est noir, elle est blanche. Ceci explique peut-être cela. Elle l'a dans la peau ce beau mâle acteur à dreadlocks qui parle peu,absent la plus part du temps. Elle s'accroche.
La première partie du livre est très charnelle entre Solange et Kou sur fonds de miasmes hollywoodiens avec ses personnages mythiques, ses fêtes hautes en couleurs, dans la musique de l'époque. Cette partie peut paraître superficielle, mais non il ne faut pas la voir comme telle. Elle pose un décor, une mythologie et surtout constitue un contrepoint à la seconde partie, le style est incisif.
Les choses peuvent elles durer ?
Seconde partie: Nous basculons dans un monde plus sauvage, plus incertain. Les cartes sont rebattues.
Kou est acteur aussi, de second plan aussi, mais dont toute l'envie est maintenant orientée vers le tournage en tant que metteur en scène d'un film au Congo inspiré très largement du roman de Joseph Konrad au titre très métaphorique: Au coeur des ténèbres.
L'Afrique, voilà le nouvel enjeu; L'occasion pour évoquer un certain rapport de la société à la négritude pour Solange, pour s'embarquer dans des aventures qui risquent de prendre un tour titanesque et sur le plan de leur liaison amoureuse un cours de plus en plus improbable.
Après un passage raté par la Fance, Kouhouesso est engagé dans un tournage, en jungle camerounaise finalement, avec toutes les difficultés liées au climat et aux moyens tropicaux. Solange le rejoint, l'attend, tourne un peu, côtoie l'Afrique des immenses forêts, des hôtels borgnes, de la dysenterie, de la boue et de l'insécurité. Elle survie quand même. Retour à Los Angeles pour tout le monde et retour sur terre à la fois.
Marie Darrieussecq a un style rythmé, enlevé, plein de variations ou alternent l'émotion, le superficiel, le charnel, les personnages, la profondeur, la réflexion, l'air du temps, le décor, les images inattendues et métaphoriques. Mais surtout elle a l'art d'enchâsser tout cela. J'ai eu beaucoup de plaisir à lire ce livre. Je n'avais rien lu d'elle avant, réticent à aborder un livre d'un écrivain qui a débuté sa carrière romanesque en racontant l'histoire d'une femme qui se métamorphose en truie.
Elle vient d'obtenir le prix Médicis, un prix qui est censé récompenser un écrivain jeune au style innovant, en ce sens ce prix lui est tout à fait approprié.