Ah ! quelle merveille que ces quelques
lettres de mon moulin ! Dès les premières pages, on est aspiré par la vive haleine du mistral, bercé par le chant des cigales. Ça sent la lavande à chaque chapitre, à plein nez la farigoule et le romarin, on imagine la patache sur l'étang de Vaccarès. On rêve de rester là sous le soleil tendre de notre Provence, tout le jour, comme un lézard, à boire de la lumière, en écoutant chanter les pins. Pour un moment, on imagine la belle Arlésienne dans son village, et la mamette, ah la mamette ! rien de joli comme cette petite vieille avec son bonnet à coque et son mouchoir brodé ; et aussi le ménager devant son mas à l'ombre du micocoulier, et bien sûr, le meunier qui ne veut plus quitter son moulin aux ailes désormais immobiles ; à la sortie de Maillane de
Fréderic Mistral, sur le sentier plein de ronces et d'escarboucles qui conduit à Graveson, on croit apercevoir une tartane doubler une charrette de foin sur le chemin de la Montagnette, on arrive alors au couvent des prémontrés, à deux lieues du moulin, pour s'enivrer de l'élixir du père Gaucher, autrefois bouvier du couvent, et, grâce à sa chartreuse, à l'esprit aussi léger qu'une aiguille de pin. Patatin, patatan, taraban, tarabin, aurait dit Tartarin. On voyage aussi de la Provence au golfe de Bonifacio, en compagnie de ces tringlots aux lèvres lippues, de ce braconnier allumant son falot, jetant une bourrée à son feu volé au maquis, ou de ce banditto cagneux, crotté, l'échine basse, avec son pelone en poils de chèvre. On rencontre l'abbé Martin, curé de Cucugnan, bon comme le pain et franc comme l'or, devant son ciboire, cherchant ses ouailles au paradis, mais n'y trouvant là que des gueusards et pas plus de Cucugnanais que d'arêtes dans une dinde.
Le style limpide est rempli de poésie, le vocabulaire malicieux et précis, le ton est léger comme une alouette, les phrases délicieuses comme une tartiflette, les mots chantent à chaque page : on lit avec une telle gourmandise ces "
Lettres de mon moulin", comme autant de recettes de plaisir et une « envie de lancer le rire et la malice plus loin ». Un chef d'oeuvre qui fait la richesse de notre littérature et le bonheur d'un été.