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EAN : 9782253004882
352 pages
Le Livre de Poche (16/05/1972)
3.73/5   1598 notes
Résumé :
Le premier roman d'un célèbre écrivain qui cache à peine une autobiographie à la fois tendre et violente. L'histoire est celle d'un petit provincial pauvre et fragile dont on va suivre le parcours semé d'embûches, d'une enfance difficile à une maturité douloureuse. Cette sorte d'Education sentimentale avant l'heure s'adresse tout particulièrement aux adolescents à l'âme romantique et joue sur une identification très forte du lecteur à ce Petit Chose souvent si démun... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (83) Voir plus Ajouter une critique
3,73

sur 1598 notes
C'est frais, bien écrit, sans lenteurs, sans lourdeurs, avec un humour subtil. C'est élégant mais simple. Et, quand je dis "simple", n'entendez pas "simplet" ou "simpliste", non, c'est simple à l'opposé de prétentieux, pompeux. On n'a pas à se retourner le cerveau pour comprendre, il suffit de lire et de laisser l'histoire et les personnages vivre dans notre imagination.
C'est un plaisir que cette lecture, une récréation.

Il y a certains livres dont le titre et l'auteur nous sont si familiers qu'on a l'impression de les connaître sans les avoir jamais lus. En ce sens, j'imaginais que le Petit Chose était un p'tit gars courageux à qui la vie n'avait pas distribué les bonnes cartes et dont le parcours était jalonné de quolibets, vexations, humiliations et injustices.
Que nenni ! C'est un fieffé égoïste, le garçon ! Faible, plaintif, mièvre, pleutre, passablement vaniteux... "petit", en somme. Et les véritables victimes sont surtout les autres. Enfin, les rares bonnes âmes qui lui ont accordé leur affection, leur confiance et se sont laissés endormir par ses jérémiades.

Personnellement, j'ai toujours éprouvé un agacement certain à l'égard de ces gens qui piétinent allègrement la vie et les sentiments des autres et qui, une fois dans l'impasse, s'en tirent avec un simulacre d'auto-flagellation et de larmoiements : "Oin, oin ! Je suis nul, je suis lâche, je le sais ! J'me dégoûte, oin, oin ! Je ne vous mérite pas, oin, oin, oin !"
Et notre Petit Chose est passé maître dans ce domaine, il faut bien le dire. C'en est presque si facile qu'on finit par ne plus trop savoir lesquels, de l'égocentriste ou de ses victimes, sont les plus à blâmer.

Le sage abbé Germane ne s'était pas trompé lorsqu'il lui déclara : "Car vois-tu, mon petit Daniel, tu n'es encore qu'un enfant, et même j'ai bien peur que tu sois un enfant toute ta vie."
La question est donc posée : peut-on en vouloir à un enfant de ses comportements inappropriés ? Non, sans doute, non. Dès lors que son jeune âge les justifie. Plus tard, ça se discute...
Mais la vie n'est pas juste et la chance ne gratifie pas toujours les plus méritants.
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Il est difficile d'écrire sur un tel classique, que je ne découvre qu'aujourd'hui. Difficile d'exprimer quoi que ce soit de nouveau. N'a t-on pas déjà dit des milliers de fois que la vie du petit Chose est bien triste ? Que son expérience au collège est injuste ?

Pourtant je vais essayer d'en dire quelques mots (et puis sinon j'aurais pas fait un article pour vous dire que ça.)

Roman d'apprentissage en partie autobiographique, le Petit Chose raconte un morceau de vie d'un jeune garçon. Daniel Eyssette, fils de pauvre, est le seul de la classe à porter une blouse. Son professeur lui parla toujours “du bout des lèvres, d'un air méprisant” sans l'appeler par son nom : “Hé ! vous là-bas, le Petit Chose”, comme s'il était trop pauvre pour avoir une personnalité derrière sa pâle figure. le surnom lui restera.

Mais Daniel est forcé d'arrêter ses études à la ruine de son père, et sa famille est dispersée. Avec un unique objectif en tête, reconstruire le foyer familial, il trouve une place dans un collège de garçons où il subira brimades sur brimades de la part des élèves et des professeurs. Maltraité, ruiné, il décide de retrouver son frère Jacques sur Paris. On trouve ici de belles pages sur l'amitié fraternelle : “Et nos deux âmes s'étreignirent de toute la force de nos bras”.

Mais les aventures du Petit Chose ne sont pas terminées : “Paris Ah grande ville féroce, comme le petit Chose avait raison d'avoir peur de toi !” Décidé à devenir poète il échouera pourtant et tombera dans les griffes d'une femme de mauvaise vie.

Au final, c'est davantage de l'énervement que de la pitié qui ressort de la lecture de ce court roman, devant la faiblesse du héros qui se laisse entretenir, se laisse bercer par ses rêves et ne se bat pas pour les atteindre. Tout le long, il demeure un enfant. C'est d'ailleurs ainsi que le qualifie son frère, quoique tendrement : “Pourtant si, c'est une femme, une femme sans courage, un enfant sans raison qu'il ne faut plus jamais laisser seul”.

Le Petit Chose a sans arrêt besoin d'être guidé, soutenu. Il ne saurait être indépendant, jusqu'à son ultime sursaut, qui laisse espérer. Malgré tout, il apprend beaucoup à chacune de ses aventures.

Roman d'apprentissage donc.

Mais aussi et surtout roman autobiographique ! Né à Nîmes, comme le Petit Chose, son père fait faillite et Daudet connaît de rudes années en tant que pion, rudesse par ailleurs atténuée dans le roman. Puis il part à Paris où il attrape la vérole, a des aventures amoureuses avec des femmes étranges, vit une vie de bohème, dévoré de sensibilité poétique. Il sera sauvé de la misère par sa femme qui le force à travailler auprès de ses beaux-parents pour éponger ses dettes. Rôle de sauveur que tient Jacques, la “mère” Jacques dans le roman. Jacques qui incarne Ernest Daudet mais que Daudet a sublimé en faisant de lui la mère, le protecteur, source de comique, de tragique et de bonté.

Comme Daudet le dira lui-même : “Le Petit Chose, surtout dans la première partie, n'est en somme que cela, un écho de mon enfance et de ma jeunesse”. Mais parfois il s'en éloigne, ne s'y reconnaît plus, comme s'il se rejetait : on passe alors du “je” à la troisième personne, “le petit Chose”.

Au final, par ce savant mélange, Daudet crée un héros à la sensibilité romantique, tragique, hors de la société, qui se laisse porter par les coups du sort. Et pourtant, il décrit une fin ambiguë car si le Petit Chose s'assure une sécurité matérielle, il renonce à la création, à l'écriture, à ce qui est lui, pour “vendre des soupières”.

C'est donc un roman universel que j'ai découvert ici, mais aussi un précurseur des romans sur l'enfance. Car l'enfant n'existe pas en littérature au XIXe. Il y a bien David Copperfield (1850), que Daudet ne lira qu'après, mais il faudra attendre 10 ans et L'enfant de Vallès en 1878 pour que cette littérature prenne son essor …

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Je viens d'achever la lecture d'un roman classique aux accents autobiographiques, le Petit Chose, première publication me semble-t-il d'un certain Alphonse Daudet, oui vous savez, le créateur de la Chèvre de Monsieur Seguin.
Ce roman, largement autobiographique, conte l'enfance et la jeunesse de Daniel Eyssette : sa solitude timide d'enfant pauvre qu'un professeur appelle avec dédain « le petit chose », surnom que reprennent ses camarades ; puis celle du tout jeune surveillant de collège méprisé et moqué de tous, élèves comme collègues. Mais aussi ses rêves d'une carrière littéraire et d'un grand amour, ses balbutiements dans ces deux domaines, les tentations d'une vie plus facile qui se révèle sordide, l'aide affectueuse d'un frère aîné.
Tout au long du roman, le Petit Chose nous raconte son parcours qui ressemble à un merveilleux récit d'apprentissage.
En abordant ce roman, je vous avoue que je craignais de m'y ennuyer et ce ne le fut pas du tout.
Le récit est enlevé, l'écriture d'Alphonse Daudet est délicate, expressive, magnifiquement ciselée, drôlement enlevée, je reconnais y avoir pris un grand plaisir à le lire.
L'écriture d'Alphonse Daudet sublime à la perfection la langue française.
Dans ce récit, le narrateur est sans complaisance sur lui-même et on le comprend, c'est un être lâche, faible, sans volonté, qui n'hésite pas à trahir l'amitié de son frère.
Alphonse Daudet se révèle pour moi ici comme un excellent écrivain, mais voilà, il y a aussi ici des choses écrites qui me sont absolument insupportables aujourd'hui : les clichés racistes sont réunis sous le couvert d'une sorte d'humour consternante. J'ai trouvé cela affligeant. Je me dis qu'aujourd'hui cela ne passerait plus.
Tout se passait bien jusqu'au chapitre intitulé « Coucou-Blanc et la dame du premier ». Coucou-Blanc est une femme noire, déjà vous voyez l'ironie, l'auteur l'appelle la négresse, le terme en soi exprimé dans un texte du XIXème siècle ne m'offusque pas, cependant c'est autre chose. Lisez plutôt :
« D'un bond je fus sur le palier… Jacques ne m'avait pas menti… Coucou-Blanc était dans sa chambre, avec sa porte grande ouverte ; et je pus enfin la contempler… Oh ! Dieu ! Ce ne fut qu'une vision, mais quelle vision !… Imaginez une petite mansarde complètement nue, à terre une paillasse, sur la cheminée une bouteille d'eau-de-vie, au-dessus de la paillasse un énorme et mystérieux fer à cheval pendu au mur comme un bénitier. Maintenant, au milieu de ce chenil, figurez-vous une horrible Négresse avec de gros yeux de nacre, des cheveux courts, laineux et frisés comme une toison de brebis noire, et une vieille crinoline rouge sans rien dessus… C'est ainsi que m'apparut pour la première fois ma voisine Coucou-Blanc, la Coucou-Blanc de mes rêves, la soeur de Mimi Pinson et de Bernerette… Ô province romanesque, que ceci te serve de leçon ! … »
Alphonse Daudet est un merveilleux écrivain, cela ne l'empêcha pas d'exprimer des convictions anti-dreyfusardes, une position qui choqua son ami Émile Zola, sans pour autant rompre leur amitié qui était très forte.
Certains diront qu'il faut remettre cela dans le contexte de cette fameuse IIIème République et son discours très colonialiste.
J'ai découvert l'existence d'un essai inspirant consacré à ce thème "Chroniques du racisme ordinaire" d'Alexandre Hurel, qui visite notamment les oeuvres littéraires classiques sous ce prisme.
Bon, je conclus qu'Alphonse Daudet, grand écrivain, n'était pas, de mon point de vue, un monsieur très recommandable sur le plan des idées et de ses propos...
Par-delà mon point de vue, je vous invite cependant à lire ou relire le Petit Chose. La beauté de l'écriture mérite le détour. Et sachant ce que je vous ai dit, vous en tirerez les conclusions qui vous appartiendront.
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L'histoire nous plonge dans la vie de la famille Eyssette qui habite une petite ville de province et qui se débouille tant bien que mal dans la vie ; le père étant un riche industriel arrive en effet à subvenir aux besoins de sa famille. Avec lui vivent son épouse, ses fils Daniel et Jacques et bien qu'ayant un troisième fils, celui-ci ne vit plus à ses dépens puisqu'il gagne sa vie en étant rentré dans l'ordre ecclésiastique. Cependant, tout bascule le jour ou l'industrie paternelle fait faillite et que toute la petite famille est obligée de déménager à Lyon afin de pouvoir poursuivre son activité. Petit à petit, pour rembourser les dettes familiales, Daniel va être obligée d'entrer dans un collège en tant que surveillant d'études. Il sera dès lors surnommé "le petit chose" en raison de sa petite taille. Mais les dettes continuant à s'accumuler, la famille continuera à se disloquer, la mère étant obliger de retourner vivre chez son frère, la père poursuivant son voyage plus au nord en enfin le petit Jacques s'embarquant pour Paris. Ce petit Jacques, si frêle durant son enfance et n'arrêtant jamais de pleurer, sera en fait celui qui s'en sortira le mieux dans la vie, venant sans cesse au secours de son frère Daniel et le sortant de toutes les galères dans lequel celui-ci s'est laissé embarqué, le prenant ainsi sous son aile et jouant pour lui le rôle d'une véritable mère.
Roman écrit tantôt à la première et à la troisième personne du singulier, celui-ci est extrêmement poignant et le lecteur se trouve complètement désappointé devant la dispersion de cette famille, jadis si unie, et devant la misère et les tragédies que les personnages ont du endurer. Roman dur et drôle à la fois, cela ne l'empêche pas d'être très émouvant !
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Alphonse Daudet, écrivain et journaliste est né à Nîmes en 1840 et décédé à Paris en 1897. On lui doit entre autres, Les lettres de mon moulin ou bien encoreTartarin de Tarascon. Bien qu'il soit rattaché à l'école naturaliste son oeuvre mêle la fantaisie à la peinture réaliste de la vie quotidienne. le petit Chose écrit en 1868 est le premier roman d'Alphonse Daudet, il est aussi sous certains aspects, autobiographique.

Le livre est composé de deux parties, la première nous présente Daniel Eyssette vivant avec ses parents, le père est un industriel, ses deux frères et leur cuisinière, la vieille Annou, dans une ville du Languedoc. Escroqué par un client, l'entreprise familiale s'effondre et oblige les Eyssette à déménager, ils partent s'installer à Lyon dans un petit appartement minable et infesté de cafards. Dès lors leur situation financière ira de mal en pis et la famille se disloquera, la cuisinière malade repart vers le Midi, le père se fait voyageur de commerce, la fratrie se sépare, Jacques part à Paris chercher du travail et Daniel doit quitter le collège « A Lyon, les fils de riches ne portent pas de blouse ; il n'y a que les enfants de la rue, les gones comme on dit. le professeur fit la grimace et tout de suite me prit en aversion. Jamais il ne m'appela par mon nom ; il disait toujours : « Hé ! vous là-bas, le petit Chose ! »
Daniel retourne dans sa région natale et trouve une place de pion dans un collège. Petit et timide, il a beaucoup de mal à s'imposer, n'y parvenant jamais et passant pour un personnage falot. Accusé à tort d'un fait dont il est innocent et trahi par un collègue, puis condamné par ses supérieurs pour avoir battu un élève insolent mais fils de marquis, il est à deux doigts du suicide, sauvé in extremis par un prêtre bougon mais au coeur généreux, professeur dans l'établissement.

Dans la seconde partie, Daniel rejoint son frère Jacques à Paris et lui confie ses débuts difficiles dans la vie littéraire, les poèmes qu'il s'essaie à écrire. Jacques, son aîné, le prend sous son aile, jouant le rôle de mère pour Daniel qui désormais l'appellera « ma mère Jacques ». le petit Chose est un rêveur qui voudrait être écrivain, faible et peu préparé à affronter la vie « Mon petit Daniel, tu n'es encore qu'un enfant, et même j'ai bien peur que tu sois un enfant toute ta vie », tout le contraire de son frère Jacques, un bosseur qui s'échine à gagner quelques sous dont il envoie une bonne part à sa mère et dont le rêve est plus terre à terre que celui de Daniel, il veut par l'argent de son labeur reconstituer le noyau familial disloqué. Jacques se charge du petit, qu'il se consacre à l'écriture l'esprit tranquille, lui s'occupe du reste, le ménage, les courses, l'argent et le budget.
Son premier livre est édité à compte d'auteur et son frère l'introduit chez les Pierrotte, des commerçants qu'il fréquente, aussitôt la fille de la maison en tombe amoureuse, réduisant à zéro les espoirs de Jacques qui beau joueur laisse la place à Daniel. Il faut croire que Daniel est maudit car rien jamais ne lui réussit, alors qu'on pense que le sacrifice de l'un va sauver l'autre, Jacques parti à Nice pour son travail, Daniel tombe entre les griffes d'une « actrice » qui habite le même immeuble que lui. Abandonnant « les yeux noirs » de la fille des Pierrotte, Daniel devient l'esclave consentant de l'actrice qui l'entraîne dans la débauche et les dettes, nous sommes en plein mélo comme on les aimait au XIX siècle avec le jeune homme innocent qui renie tout et tous pour une femme facile qui le mène par le bout du nez droit vers l'abîme. Finalement Jacques revient en urgence à Paris, délivre son frère de cette passion mortelle, le rabiboche avec les Pierrotte qui lui pardonnent et lui lèguent commerce et fille, tandis que Jacques s'éteint victime d'une phtisie.
J'ai bien aimé la première partie du roman, la vie de province ou au collège, le voyage jusqu'à Lyon qui prend trois jours etc. Par contre la vie Parisienne transforme le récit en un mélodrame qui aujourd'hui paraît cousu de fil blanc et si le petit Chose nous était sympathique jusqu'alors, car victime, il devient par sa faiblesse un bourreau pour celle qu'il aime et indirectement responsable de la mort de son frère qui s'est tant dévoué pour lui. Cruel comme peuvent l'être innocemment les enfants. le livre se clôt sur une note optimiste puisque que Daniel trouve femme et situation stable, mais – certainement - au prix de la fin de son rêve de devenir écrivain. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.
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Citations et extraits (111) Voir plus Ajouter une citation
Seulement, je vais vous dire : Rouget, pour moi, n'était pas Rouget. Il était tour à tour mon fidèle Vendredi, une tribu de sauvages, un équipage révolté, tout ce qu'on voulait. Moi-même en ce temps-là, je ne m'appelais pas Daniel Eysette: j'étais cet homme singulier vêtu de peaux de bêtes, dont on venait de me donner les aventures, master Crusoé lui-même. Douce folie ! Le soir, après souper, je relisais mon Robinson, je l'apprenais par cœur; le jour, je le jouais, je le jouais avec rage, et tout ce qui m'entourait, je l'enrôlais dans ma comédie. La fabrique n'était plus la fabrique; c'était mon île déserte, oh ! bien déserte. Les bassins jouaient le rôle d'Océan. Le jardin faisait une forêt vierge. Il y avait dans les platanes un tas de cigales qui étaient de la pièce et qui ne le savaient pas.
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Pourtant la vérité m'oblige à dire que ce poème en douze chants était loin d'être terminé. Je crois même qu'il n'y avait encore de fait que les quatre premiers vers du premier chant ; mais vous savez, en ces sortes d'ouvrages la mise en train est toujours ce qu'il y a de plus difficile, et comme disait Eyssette (Jacques) avec beaucoup de raison : « Maintenant que j'ai mes quatre premiers vers, le reste n'est rien ; ce n'est plus qu'une affaire de temps. »
Ce reste qui n'était rien qu'une affaire de temps, jamais Eyssette (Jacques) n'en put venir à bout... Que voulez-vous ? Les poèmes ont leurs destinées ; il paraît que la destinée de « Religion ! Religion ! » poème en douze chants, était de ne pas être en douze chants du tout. Le poète eut beau faire, il n'alla jamais plus loin que les quatre premiers vers. C'était fatal. À la fin, le malheureux garçon , impatienté, envoya son poème au diable et congédia la Muse (on disait encore la Muse dans ce temps-là).
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"Si tu veux voir notre voisine...chut !...elle est là." D'un bond je fus sur le palier... Jacques ne m'avait pas menti...Coucou-Blanc était dans sa chambre, avec sa porte grande ouverte ; et je pus enfin la contempler...Oh ! Dieu ! Ce ne fut qu'une vision, mais quelle vision !...Imaginez une petite mansarde complètement nue, à terre une paillasse, sur la cheminée une bouteille d'eau-de-vie, au-dessus de la paillasse un énorme et mystérieux fer à cheval pendu au mur comme un bénitier. Maintenant, au milieu de ce chenil, figurez-vous une horrible négresse avec de gros yeux de nacre, des cheveux courts, laineux et frisés comme une toison de brebis noire, et n'ayant pour vêtements qu'une camisole fanée et une vieille crinoline rouge, sans rien dessus...C'est ainsi que m'apparut pour la première fois ma voisine Coucou-Blanc, la Coucou-Blanc de mes rêves, la sœur de Mimi-Pinson et de Bernerette...O province romanesque, que ceci te serve de leçon !...
"Eh bien ! me dit Jacques en me voyant rentrer, eh bien ! comment la trouves..." Il n'acheva pas sa phrase et devant ma mine déconfite partit d'un immense éclat de rire. J'eus le bon esprit de faire comme lui, et nous voilà riant de toutes nos forces l'un en face de l'autre sans pouvoir parler. A ce moment, par la porte entrebâillée, une grosse tête noire se glissa dans la chambre et disparut presque aussitôt en nous criant : " Blancs moquer nègre, pas joli." Vous pensez si nous rîmes de plus belle...
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"_Oh ! ces artistes, mon cher, je les exècre. Si tu savais ces gens là, à force de vivre avec des statues et des peintures, ils en arrivent à croire qu'il n'y a que cela au monde. Ils vous parlent toujours de forme, de ligne, de couleur, d'art grec, de Parthénon, de méplats, de mastoïdes. Ils regardent votre nez, votre bras, votre mention. Ils cherchent si vous avez un type, du galbe, du caractère ; mais de ce qui bat dans nos poitrines, de nos passions, de nos larmes, de nos angoisses, ils s'en soucient autant que d'une chèvre morte."
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Le plus triste, c'est que depuis notre ruine l'oncle Baptiste avait un profond mépris pour M. Eyssette, et que du matin au soir la pauvre mère était condamnée à entendre dire : "Eyssette n'est pas sérieux ! Eyssette n'est pas sérieux !" Ah ! le vieil imbécile ! Il fallait voir de quel air sentencieux et convaincu il disait cela, en coloriant sa grammaire espagnole !... Depuis, j'en ai souvent rencontré dans la vie, de ces hommes soi-disant très graves qui passaient leur temps à colorier des grammaires espagnoles et trouvaient que les autres n'étaient pas sérieux.
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Quel livre possède à la fois le parfum de l'enfance et tient lieu d'elixir de jouvence ? Un moulin… des lettres… et surtout le mistral et le chant des cigales…
« Lettres de mon moulin » d'Alphonse Daudet, c'est à lire au Livre de poche.
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