Très joli, tendre mais bien triste roman sur la longue amitié d'Alice et Cécile, servi par une écriture claire et élégante. Fusionnelles durant l'enfance puis l'adolescence, les deux femmes se sont progressivement éloignées au cours des années pour finir par devenir étrangères l'une à l'autre. Trente ans plus tard, Cécile est plongée dans un semi-coma à la suite d'un accident de voiture. Elle adresse, dans sa tête, des lettres imaginaires à Alice, en remontant le chemin inverse de leur relation. de son côté, Alice tente de trouver des explications à cette rupture amicale, vécue aussi douloureusement, voir plus, qu'une séparation amoureuse.
Les années 1980 servent de toile de fond à cette histoire qui débute dans l'euphorie de la victoire de Mitterrand, se poursuit au son de
David Bowie,
Michael Jackson et Daniel Balavoine. Nostalgie, quand tu nous tiens ! L'ambiance prend des couleurs plus sombres lorsque Philippe, le demi-frère de Cécile et amour fantasmé d'Alice, est touché par le sida. La vie quotidienne des deux femmes, devenues adultes, devient carrément tristouille lorsqu'elle se résume à des contrats professionnels à respecter, quelques aventures adultères ou encore la disparition des parents toujours suivie par la vente des maisons de l'enfance.
A travers ses deux héroïnes.
Kéthévane Davrichewy dissèque les éléments constitutifs de l'amitié. Elle en retrace toutes les étapes : séduction, fusion, trahison, éloignement et finalement le chagrin qui n'est en réalité ici qu'un autre mot pour la solitude. Au cours des chapitres, on ressent bien l'ambivalence de cette relation : l'admiration tourne à l'animosité, la tendresse à l'irritation. Peu à peu se dessine cette conclusion en demi-teinte : la fin de cette amitié n'est-elle que le symbole de l'effondrement des illusions de la jeunesse lors du passage à la vie d'adulte ? N'est-ce qu'un moment fugace qui coïnciderait avec l'éveil des sens, avec un intellect à l'affût de tous apprentissages que la vie d'adulte se charge après de garder à distance ?