Le thème : le repas de famille organisé par la mère, c'est pour dans quelques heures. Ses trois enfants sont déjà des adultes qui ont leur propre vie, deux d'entre eux sont mariés avec enfants, un est homosexuel. Chacun des quatre voit arriver le déjeuner avec plus ou moins de tension en se remémorant les moments de leur vie d'avant, les impressions de bonheur ou de malheur qu'ils ont ressentis, les impressions de bonheur ou de malheur qu'ils ont aujourd'hui, quelques heures avant ce déjeuner de famille. La vie de chacun a connu ses joies mais elle n'a pas été simple, elle a connu des connivences, des influences, des pesanteurs et des affrontements. le père n'est plus, mais il est omniprésent, de même que Sète, la mer, et la pèche.
J'ai apprécié : On entre bien dans la vie des personnages. On entre même dans leur vie intérieure : on sait ce qu'ils pensent, ce qu'ils ressentent, et par les discours croisés on comprend les événements qui les ont affectés et qui les ont construits, parfois même sans qu'ils ne s'en rendent compte. On voit aussi une famille peut être une sorte de huis-clos même quand il n'est pas clos. Je m'explique : quand dans les Nourritures terrestres
André Gide écrit " Familles, je vous hais! Foyers clos, portes refermées", on pense aux familles dans lesquelles chaque membre vit sous le même toit, sans que n'y pénètrent les présences ou les influences qui rompraient cette clôture et apporterait un air extérieur qui permet de respirer. Dans
le sel de Jean-Baptiste del Amo, on voit les membres de la famille qui maintenant sont des adultes qui vivent indépendamment les uns des autres, les portes ne sont pas refermées, et pourtant la famille est encore pour chacun un lieu clos : chacune et chacun reçoit au fond de soi l'influence de cette sorte de trou noir constitué par les strates de la vie familiale depuis leur enfance.
J'ai moins apprécié : Dans l'ensemble j'ai peu apprécié quand j'ai lu ce roman. Dans un premier temps j'ai eu du mal à dire pourquoi : bien sûr pour beaucoup il y a le fait que j'attendais beaucoup de ce roman après avoir lu
le fils de l'homme du même
Jean-Baptiste del Amo (qu'est-ce qu'on est bête parfois ! vouloir trouver le même plaisir deux fois, alors que le plaisir doit être un renouveau). Mais il y a plus que cette espoir déçu. Il y a la complexité du récit : chaque personnage se raconte, mais au départ je comprends mal les références qu'ils font à des événements sur lesquels rien encore n'a été dit, ces évocations passent du coq à l'âne, sans doute comme chacun de nous le fait dans la vie quotidienne mais dans un roman ça peut être lassant. Aussi, l'évocation des souvenirs tourne un peu au nombrilisme et à l'auto-apitoiement, souvent chacun semble enfermé dans un carcan qu'il s'est en partie constitué sans chercher d'issue, sans agir. À la fin du roman j'ai pensé "le librairie de la rue Clerc ne m'a pas donné un bon conseil cette fois-ci" (souvent ses conseils ont été excellents). Mais cet avis négatif pourrait changer du tout au tout dans une seconde lecture : il est possible que ce soit un roman excellent par la profondeur de la psychologie des personnages et par la construction de chacun des drames personnels. Il est possible que ce roman montre que pour beaucoup la construction du moi échappe au moi, et que si on n'a pas à la fois de la vigilance, de l'activité et du courage, on puisse se trouver piégé dans la nasse d'un moi qui s'est constitué en dehors de nous. Oui il est possible que ce soit un roman génial, mais pour moi pas du tout à cette première lecture.