L'auteur nous propose un roman intense, avec quelques belles envolées littéraires, sur le thème banal de l'adultère. Emmanuelle est une belle femme dans la quarantaine, mère de trois enfants déjà grands et épouse d'un mari parfait, joyeux, attentionné peu cultivé mais grand connaisseur en vins fins.
Ce couple s'essouffle quand Emma tombe littéralement amoureuse d'un beau et ténébreux client qu'elle voit le midi au moment du déjeuner. Celui-ci, prénommé Alexandre, a un regard envoûtant, une bouche merveilleuse et des mains sublimes. Cela suffit à Emmanuelle pour devenir l'Emma de Mme Bovary et se pâmer d'amour fou pour ce bel inconnu.
Elle va tout quitter sur un coup de tête, mari, enfants et confort bourgeois pour suivre Alexandre, considérant que seul l'instant présent vaut la peine d'être vécu alors que le passé et le futur nous demeurent inaccessibles et nous enferment dans l'inaction.
Ce roman sur le désir est aussi une réflexion sur l'amour, sur la pérennité des sentiments et leurs nombreuses variations.
Emma n'est pas l'héroïne de
Flaubert. Elle ne se complait pas dans une forme de contemplation idéaliste de la vie amoureuse et n'a pas un caractère passif. Malgré cela, les évènements qu'elle va vivre vont remettre en question bien des certitudes et bouleverser son obstination à ne vouloir bien vivre que dans l'instant présent. le passé pèse de tout son poids sur nos décisions, de même que le futur qui, à peine évoqué trace un chemin qui n'est pas forcément celui qu'on s'attendait à emprunter…
L'écriture de
Grégoire Delacourt est très élégante, charmeuse. L'intrigue est simple sans être simpliste et les personnages ont une vraie présence. Emma est parfois bouleversante, souvent agaçante, ses enfants lui en feront le reproche. Son mari est tellement amoureux qu'il peut tout pardonner, tel Monsieur Bovary. Quelques personnages annexes, hauts en couleurs, viennent colorer ce qui aurait pu n'être qu'un huis-clos ennuyeux. le périple dans les vignobles du sud donne au lecteur des connaissances encyclopédiques originales sur les vins de Provence. le parallèle que fait l'auteur avec la Chèvre de Monsieur Seguin ponctue le déroulement de l'action comme autant de petits cailloux blancs qui suivent le fil de l'intrigue.
Les petites phrases et réflexions philosophiques distillées au fil du roman donnent du corps à la réflexion de l'auteur, même si elles sonnent parfois comme des slogans publicitaires de qualité. Malheureusement, elles ne suffisent pas à donner à l'ouvrage la profondeur du roman de
Flaubert et n'en partage que le thème.
Mon avis sur ce roman est mitigé. J'ai plutôt aimé l'écriture vive et parfois acerbe de l'auteur, mais j'ai parfois été agacé par son héroïne un peu bécasse, disons-le clairement. Son amour passionné mais pourtant plus rêvé que vécu dans la réalité ne plaide pas en sa faveur. La maigre place laissée à sa relation amoureuse fait que l'histoire elle-même danse au bord de l'abîme…
Michelangelo 2/04/2019
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