L'enfant baigne dans le langage et, à l'ordinaire, tout ce qui est autour de lui
l'invite à parler. On l'y provoque et on fait confiance à ses timides essais.
« L'enfant pourrait-il jamais parler s'il ne trouvait ce crédit sans borne qui donne un sens à tout ? »
Sa constitution le prédispose à la parole. Il part à la conquête du langage avec sa richesse phonétique initiale et son monde intérieur ; à l'âge même où il commence à maîtriser son corps et à adapter ses mouvements aux objets qui l'entourent. Il s'essaie à marcher, à prendre, à manipuler ; dans le même temps ses relations de société s'étendent, s'affirment, se compliquent. Il s'applique à devenir un sujet au sein d'un univers et une personne dans une société.
L'adulte aborde l'enfant avec un parler qui pour une partie vient de celui-ci, pour une part va au-devant de lui. C'est la loi de tous les sabirs. L'Européen et l'indigène s'accordent en un anglais, en un espagnol, en un français appauvris et mutilés dans leur vocabulaire et leur grammaire. Ainsi collaborent l'impuissance de l'inférieur et la condescendance du supérieur. Il se fabrique un minimum, un substitut de langue. La mère ou la nourrice font de même à l'égard de l'enfant.