«
Pierre Loti à Rochefort »: une belle visite avec
Olivier DelahayePierre Loti, alias
Julien Viaud, est l'un de ces auteurs dont tout le monde connaît le nom : souvenirs lointains de lectures, que le temps a bien érodés, parfois aussi réminiscences à propos d'une vie que l'on a imaginée aventureuse. Il reste dans la mémoire comme une trace, un parfum, indéfinissables, mais persistants et la grande réussite du livre d'
Olivier Delahaye est de nous inviter, par cette visite-portrait de la maison de
Pierre Loti à Rochefort, à comprendre pourquoi.
« Venez, je vous emmène dans le chaos du temps, dans le labyrinthe d'une vie » dit l'auteur en introduction. le récit prend en effet la forme d'une déambulation, qu'
Olivier Delahaye ne soumet ni à la « dictature du temps » ni aux contraintes de l'espace. Une sorte de rêverie suscitée par les lieux, à la fois libre et contrôlée. Car il n'abandonne pas pour autant la rigueur documentaire qui l'a conduit à une lecture précise de l'oeuvre de
Pierre Loti, de son journal aussi. C'est cette alliance que l'on pourrait croire impossible qui donne au livre son originalité et sa force : à tout moment, dans cette présentation fondée sur des recherches approfondies, affleurent le sensible, le poétique, l'émouvant.
Le rapport intime que l'auteur entretient lui-même avec la Turquie est sans doute l'une des raisons de son intérêt pour Loti, de sa connivence même avec lui. C'est à Istanbul que
Pierre Loti a rencontré le grand amour de sa vie, cette femme évoquée dans «
Aziyadé », et il était un turcophile convaincu. C'est aussi cet amour partagé pour la Turquie qui a conduit
Olivier Delahaye à ajouter une note à la fin de son livre, destinée à ses « amis arméniens et turcs » : il y fait le point sur les positions de Loti par rapport au génocide arménien et comme à son habitude (on connaît son admiration pour la « Commission Vérité et Réconciliation » en Afrique du Sud), au lieu d'exciter la haine, il cherche, sans compromis et encore moins compromission à ouvrir la voie de la vérité et de l'apaisement.
Bien au-delà donc de l'anecdotique, ce livre, où l'auteur s'engage fortement, entraîne le lecteur au coeur d'une vie, - d'une époque aussi -, la vie d'un grand amoureux, d'un voyageur curieux au regard acéré, d'un écrivain imaginatif, d'un homme enfin « resté un esprit libre, éloigné des modes, des idéologies ».