Nos emprises

Victor est assis sur la terrasse d'un café, journal en main. Une photo d'une jeune femme, munie d'une bordure noire attire son attention. Il se souvient. Avec un peu de recul. de sa presque rencontre avec Léopoldine, il y a quelques mois... Cette peintre, qu'il a contactée sur la toile pour un projet artistique commun, car lui est écrivain.
Et c'est comme ça, d'échanges en échanges, par Instagram, Facebook et autres messageries, que démarre cette relation professionnelle, qui au gré des mots, finit par glisser. Subtilement. sournoisement. Inévitablement. Jusqu'à la dépendance. Victor se nourrit de ces échanges et de la forces des jeux de langages, à défaut des jeux de langues ! Totalement sous l'emprise de cette relation épistolaire envahissante et obnubilante...

Avec des mots parfois crus, l'auteur nous dépeint un tableau plutôt réussi des dérives de la dépendance aux réseaux sociaux. Se pose aussi la question des masques et de la posture que nous adoptons devant l'écran. Car finalement, sommes-nous bien sûrs de l'identité des gens avec lesquels nous conversons sur la toile ? Dès lors, comment se sortir de ce piège des temps modernes ?

"Il fallait que je fasse une pause, mais je n'y arrivais pas : cette conversation ne ressemblait qu'à une rupture, alors que rompre avec quelqu'un avec qui nous ne sommes pas, et n'avons jamais été, est impossible. Non? Et ce n'était que du virtuel, même de plusieurs mois, ça n'aurait pas dû avoir d'importance. Si ? Pourquoi ne cessions-nous pas ce dialogue, nous vivions apparemment dans deux réalités parallèles, la mienne nommée réalité, la sienne intitulée « une oeillère nommée désir »."

Il s'agit ici du premier roman pour guillaumedelbos , qui avant d'être écrivain, est consultant en communication spécialisé en éditorial et réseaux spéciaux, ce qui confère au roman une vraie touche de crédibilité.

Aujourd'hui je viens te présenter un primo-romancier suisse romand : Guillaume Delbos. Ancien parisien, il vit à Genève depuis une dizaine d'années et situe son premier roman en 2020 durant le confinement où l'isolement et la solitude de certains ont conduit à une explosion de la fréquentation des réseaux sociaux.

Victor, la quarantaine, est assis dans un café et découvre un avis mortuaire dans le journal. Il concerne une artiste peintre et sculptrice dont il admire le talent et aussitôt, il se retrouve propulsé quelques mois en arrière. Il avait contacté Léopoldine sur Instagram pour lui proposer une collaboration artistique. Une correspondance virtuelle était née entre eux à coup de like et commentaires de story qui bien vite s'était transformée en messages privés et en jeu de séduction. Mais en plein confinement, impossible de se rencontrer. Ce sont donc les mots qui attisent le désir, font jouir les cerveaux et rendent addict. Mais connait-on ceux de l'autre côté de leur téléphone ?

Comme son personnage, Guillaume Delbos est consultant en communication digitale et connaît donc les codes des réseaux sociaux par coeur. D'une plume parfois crue mais pleine d'humour, il joue avec son lecteur et le place sous emprise, impossible de lâcher ce récit fictif mais inspiré de la réalité. Guillaume Delbos et Victor Delbauche ont-ils des points communs ?

Jeune quarantenaire, officiant comme pigiste et poète, Victor est un Xennial, de la génération qui a connu les débuts d'internet à la fin de l'adolescence. Il éprouve des difficultés à surmonter le décès de son père, ainsi que certaines relations compliquées avec les femmes et la solitude liée aux confinements du Covid. Depuis peu, caressant le projet de créer un livre conceptuel avec Léopoldine, une artiste connue, il commence à la suivre sur Instagram. Mystérieuse, secrète, très pudique quant à son image, elle partage par contre intensivement son travail via ses nombreux comptes sur la toile. Débute alors une longue série d'échanges entre eux. Très vite, les messages se veulent de plus en plus intimes. Les deux ont beaucoup d'humour, sont sur la même longueur d'ondes, tissent des liens via les écrans...

L'intensité des propos de nos deux héros va aller crescendo et leurs discussions vont se faire de plus en plus crues et directes. Maniant habillement plusieurs niveaux de langage, Guillaume Delbos passe de dialogues très désinhibés, mâtinés de punchlines dignes d'adolescents – en contraste total avec l'âge des protagonistes – aux phrases plus poétiques et aux clins d'oeil et références diverses. Sa plume "caméléon" confère au roman un décalage au départ perturbant mais qui s'avère très bien rodé.

Récit de la construction d'une relation ancrée dans le virtuel et passant par messages écrits, Nos emprises ne laissera pas le lecteur indifférent, en ressortant même un peu secoué. Cette liaison moderne pose immanquablement la question du risque d'addiction à ce type de communication déshumanisée et souligne les travers des réseaux sociaux entre dépendance, harcèlement, et les effets de ce monde virtuel qui ne reflète aucunement la réalité. Derrière son téléphone, on peut oser davantage mais où se trouve la limite ? Livrant un constat plutôt glaçant de la dérive de notre monde, tous accrochés à nos téléphones, l'auteur nous questionne sur l'avenir des relations humaines…

En résumé : une histoire de dépendance 2.0 qui pose beaucoup de questions !

Lien : https://tasouleslivres.com/n..

Nos Emprises, c'est une danse macabre de deux êtres qui on le sait dès le prologue ne finira pas en happy end

Tout se fait sur Instagram, le réseau de la vanité et du paraître, où règne la quête incessante de validation

Lui, est un écrivain au passé difficile, accro au café et au bonheur
Elle, est une artiste talentueuse, qui gère une multitude de comptes
Lui, la complimente, car il voit en elle, ce qu'elle est incapable de voir
Elle, rétorque verbeusement et toujours avec grand intérêt

Des mois durant, ils continueront comme ça, dans les rires et les confessions, dans un jeu de séduction immodéré et intrusif, des deux cotés, une fascination et une connexion semble se créer

Mais leur relation va vite devenir toxique et destructrice

Elle, avoue ne pas être maîtresse de ses actes ; sans pour autant comprendre elle-même tout ce que ça implique
Elle, se détruira à petit feu dans l'incompréhension la plus totale
Elle, mentira et jouera avec lui
Lui, tentera de l'aider, tout en subissant son jeu

Cette histoire, c'est celle de la dérive des réseaux, d'Internet, de la distance ; celle d'une femme devenue dingue-manipulée et d'un homme avec un complexe du sauveur exacerbé, un mélange de psychés digne d'un coca-mentos

Un récit plus réel qu'il n'y parait, dans une langue bâtarde assez trash, à la fois empli de poésie et de chaos, mais toujours maîtrisé à la perfection

C'est aussi le récit, d'un homme qui voit le monde perdre de son humanité au profit des likes et des commentaires, et qui se questionne plus qu'il n'a de réponses à donner

Une lecture troublante, donnant l'impression de s'immerger dans une conversation privée, au relent de voyeurisme, mais qui a le mérite de nous ouvrir les yeux

J'ai apprécié l'oeuvre autant dans son fond que dans sa forme et en amateur d'art, je me dois de notifier le travail sur la couverture qui est de toute beauté

On ressent à travers ces lignes, que l'auteur brille autant par son humanité que par son génie littéraire

Note : 💞⛓️/ 20
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