Un bon moment de lecture avec «
le quart d'heure de gloire » de
Mari Delle
Au début le roman m'a fait penser un peu à
Nicole de Buron dont certains livres ont été portés à l'écran. On retrouve un peu cette ambiance de vie de famille, une légèreté dans le ton, une écriture à l'humour un peu acide teintée de dérision et mêlé de fatalisme « J'ai cinquante et un ans, je suis au chômage, je porte un pantalon rouge ridicule et j'ai à priori comme seule occupation d'aller chier dans un sachet. Je suis abattu. » (Bon certes,
Nicole de Buron n'aurait pas dit « aller chier … » mais l'idée aurait été la même). On jette un oeil au coeur d'une famille "classique", un papa, une maman autour de la 50aine, une maitresse et 2 enfants, enfin 3, déjà grands. Tout va bien en apparence si ce n'est que papa vient de perdre son emploi… tuile assez courante.
Puis nous entrons dans l'intimité du couple, dans son histoire et sa construction, dans son élan et ses hoquets aux conséquences surprenantes.
Mais il y a aussi ce fond amer, quand il s'absente pour le boulot, elle est frustrée ; quand elle travaille, il déprime. L'existence de cette maitresse, l'inscription de sa fille dans une émission de téléréalité véritable épée de Damoclès qui le menace, les secrets, les mensonges pèsent sur le couple. Cette légère tension à peine sensible mais omniprésente et insidieuse m'a tenue jusqu'à la fin. Malgré quelques longueurs, je me suis trouvée embarquée dans cette histoire de famille sans savoir où j'allais jusqu'à la chute étonnante que j'ai beaucoup aimée.
L'auteure a de belles idées et fait d'intéressantes associations entre elles, j'aime son style fin, ses jeux de mots et ses jolies tournures de phrases. L'écriture m'a interpelée au début avec notamment la personnalisation d'objets, la lettre qui attend « gravement », les pots…« tristement », l'âne en pierre …« gaiement »… je pensais que ça partait mal mais le ton est donné et je m'aperçois que cela fait partie de l'humour que l'auteure veut donner à son texte et qui adoucit un contexte qui aurait pu tourner au mélo. Elle joue un peu moins avec les mots au fur et à mesure que l'histoire s'étoffe.
Je ne retiendrai pas les passages sur la téléréalité. Je m'attendais à une plongée dans ce phénomène télévisuel des temps modernes mais on y fait que quelques brasses. Cependant, elle est bien au centre de cette histoire et je ne suis pas déçue de n'être restée qu'en périphérie. J'ai par contre beaucoup aimé la description et la construction des rapports entre les personnages si proches et qui semblent parfois si éloignés les uns des autres par leurs mensonges et leurs secrets. C'est une très juste vision de l'intime, de ce que les êtres partagent et de ce qu'ils se cachent, de l'endurance de certains à se taire et à construire leur vie autour de non-dits.