Ce tome fait suite à The book of Ezekiel (épisodes 503 à 508). Il contient les épisodes 509 à 514, initialement parus en 2004, écrits par
Joe Michael Straczynski (en abrégé JMS), dessinés par
Mike Deodato, et encrés par Joe Pimentel.
Mary-Jane est en train de passer une audition pour une pièce de théâtre, essuyant une remarque blessante de la part du metteur en scène (il faut dire que son métier de base est le mannequinat). Au repas, Peter et elle en discutent, alors que tante May relève le courrier de sa boîte aux lettres. Parmi les enveloppes, une est destinée à Peter. Il s'agit d'un courrier incomplet rédigé par Gwen Stacy, lors d'un séjour à Paris, peu de temps avant sa mort. Incapable de comprendre le sens de la lettre, Peter Parker va se recueillir sur la tombe de Gwen, de nuit, en civil. Il est agressé par 2 silhouettes en tenues moulantes de combat, un homme et une femme dotés d'une force surhumaine. Il n'a d'autre choix que de fuir. Il va demander l'aide du lieutenant William Lamont pour faire analyser la lettre et il essaye de veiller sur la sécurité de ses proches.
Avec cette histoire,
Straczynski semble changer radicalement de registre narratif. Ce n'est pas complètement le cas. le lecteur retrouve bien les principaux personnages tels qu'ils étaient dans les tomes précédents. Peter Parker continue de se conduire en adulte,
Mary Jane également, leur relation est toujours nuancée et mature. Mais il est vrai que JMS explore une autre direction pour la suite des aventures de Spider-Man. L'histoire précédente apportait une conclusion satisfaisante à l'interaction avec Ezekiel Simms. Elle marquait également une forme d'aboutissement sur la réflexion de la nature héroïque de Peter Parker.
Du point de vue de l'intrigue, il ose commettre le sacrilège d'exhumer le personnage de Gwen Stacy et de salir sa mémoire. Les histoires de Spider-Man font chroniquement référence à la mort de Gwen qui fut le premier amour véritable de Peter Parker, et dont la mort répondait en écho à celle de l'oncle Ben, insistant lourdement sur le fait qu'au delà des grandes responsabilités qui viennent avec de grands pouvoirs, l'existence même de Spider-Man fait peser une menace de mort sur tous ceux qui lui sont proches. Non seulement JMS ose introduire une dose de rétrocontinuité peu reluisante, mais en plus il n'y va pas avec le dos de la cuillère. L'histoire utilise de grosses ficelles, avec révélations choc, événements coup de poing, générant des sentiments exacerbés, dignes d'une comédie de situation larmoyante (allant des enfants cachés, aux coucheries, en passant par des gros mensonges).
Le changement de cap a dû être rude pour les lecteurs de l'époque. Toutefois, JMS prend soin de doter son récit d'une solide logique interne qui explique de manière convaincante la situation. Il construit également son récit de telle sorte à respecter une unité de ton du début jusqu'à la fin, à rester dans le registre dramatique. En faisant abstraction de la révélation relative à Gwen Stacy, le lecteur profite d'une histoire haletante, avec des personnages étant le jouet de tourments émotionnels provoquant une réelle empathie chez le lecteur. JMS ne fait pas dans la dentelle, mais il utilise avec adresse les conventions du mélodrame.
Est-il possible de passer outre la révélation relative à Gwen Stacy ? L'épisode dans lequel ce personnage a trouvé la mort est paru en juin 1973 (dans "The amazing Spider-Man" 121), soit 30 ans avant la parution de la présente histoire. Fallait-il souiller la mémoire de ce personnage pour juste une intrigue ? En fait dès 1975, le scénariste de l'époque jouait avec l'apparition d'un clone de Gwen, clone qui refera quelques apparitions sporadiques au fil des décennies. Qui plus est, dans le monde des comics, les lecteurs savent bien qu'aucun personnage n'est intouchable (même Bucky est revenu à la vie). À chaque lecteur de se faire sa propre opinion su le sujet, mais finalement 30 ans plus tard la narration des comics a bien évolué et Gwen Stacy avait également droit de devenir une femme plus incarnée. le fond de l'affaire reste de savoir si le degré de plausibilité de ses actes qui sont ici révélés est satisfaisant. Il semble toutefois possible de pardonner cette rétrocontinuité à JMS dans la mesure où son histoire est bien ficelée, et dans la mesure où il conserve un doigté certain pour les nuances, malgré les grosses ficelles mélodramatiques. C'est ainsi que le lecteur observe un moment d'intimité délicate entre
Mary Jane et Peter, lorsqu'elle lui applique une base de fond de teint pour que tante May ne voit qu'il a pleuré. Cela renvoie à un épisode précédent dans lequel Peter maquillait lui-même ses ecchymoses au visage pour ne pas alarmer sa tante.
Le changement de cap visuel est tout aussi radical que le changement de registre d'histoire.
Mike Deodato succède à
John Romita junior. Il adopte une approche réaliste, à l'encrage ciselé, aux ombres portées légèrement exagérées pour mieux faire ressortir les sentiments des personnages et leur donner plus de présence. le lecteur pourra regretter que Deodato choisisse de faire de Peter un personnage plus musculeux quand il revêt sa tenue de Spider-Man et que Joe Pimentel semble fatiguer d'épisode en épisode, ayant dû mal à assurer un encrage méticuleux et léché dans les 2 derniers épisodes. Dans la globalité, les dessins de Deodato s'accordent parfaitement avec le registre mélodramatique de l'histoire, donnant une apparence très expressive aux personnages, une proximité impressionnante et une crédibilité hors paire. Son travail sur les éclairages apporte une touche subjective à ces dessins qui sous des dehors purement figuratifs et réalistes contiennent une forme de dramatisation.
Avec ce tome, la série Spider-Man passe par un changement de registre marqué par rapport aux précédents.
Straczynski se lance dans le mélodrame, avec de grosses révélations choc, sans perdre sa capacité à faire ressentir les sentiments des personnages.
Mike Deodato tire les dessins vers plus de réalisme, sans pour autant perdre en émotion. En fonction de la sensibilité du lecteur au principe de continuité rétroactive, il prendra plus ou moins de plaisir à la découverte de ce chapitre à sensation. Les révélations de cette histoire ont donné lieu à une suite Sins remembered (épisodes 23 à 26 de la série "Spectacular Spider-Man") écrite par Samm Barnes. Les épisodes écrits par JM
Straczynski continuent dans Skin deep (épisodes 515 à 518).