Pour le lancement de sa nouvelle collection "La Bête Noire", dirigée par Glenn Tavennec, Robert Laffont a donné carte blanche à
Ingrid Desjours. Bien connue de cette maison d'édition, notamment un passage remarqué dans le coin jeunesse/adolescence (Collection R) avec la trilogie "
Kaleb" sous le pseudonyme de
Myra Eljundir, l'auteure a redoublé de travail et d'ingéniosité pour le lancement de "la Bête Noire" au côté de
Sandrone Dazieri "
Tu tueras le père", second titre du lancement de la collection.
Ingrid Desjours n'avait plus à faire ses preuves dans le domaine du thriller psychologique: ses précédents romans "
Tout pour plaire" mais surtout "
Sa vie dans les yeux d'une poupée" sont références en la matière. On comprend rapidement qu'avec sa carte blanche pour "la Bête Noire", l'auteure voit une occasion de se réinventer une nouvelle fois et de nous surprendre là où on ne l'aurait pas forcément attendu.
C'est donc avec "
Les fauves" qu'elle nous propose un roman d'investigation qui s'apparente à un reportage romanisé.
Haïko et sa meilleure amie s'insurgent contre ses jeunes qui se font radicaliser sur les réseaux sociaux. Avec leur association, elles interceptent ces jeunes au moment où ils s'apprêtent à quitter la France pour aller combattre aux côtés de Daesh. Quand Nadia se fait assassiner en pleine rue, Haïko, se sentant menacée, se retrouve affabulée d'un garde du corps personnel, Lars. Entre ces deux caractères explosifs, la suite du roman promet de faire des étincelles.
L'auteure nous plonge dès les premiers chapitres dans une ambiance pesante, alourdie par une menace invisible mais bien réelle. Effet amplifié par une réalité des événements: le lecteur a encore en tête les attentats récents de
Charlie Hebdo. Cette histoire peut arriver, et c'est cet élément qui rend le roman terrifiant.
A travers le travail de cette association, on découvre un sujet inquiétant : la radicalisation des jeunes via internet. Un travail de recherche digne d'un reporter de la part de l'auteure nous permet de comprendre plus clairement les méthodes utilisées par ces recruteurs pour, à travers différentes étapes, amener ces jeunes à choisir de tout quitter pour une nouvelle vie. C'est effrayant de simplicité pour un résultat catastrophique. Mais l'auteure a voulu aller plus loin, avec des pratiques que notre société occidentale passe souvent sous silence: l'enrôlement des chrétiens pour combattre aux côtés de leurs troupes dans les pays où ils sont persécutés.
Afin d'appuyer ses propos, les chapitres sont entrecoupés d'articles de presse ou d'extraits d'analyses sur ces phénomènes. J'ai particulièrement été touché par la publication des plusieurs tweets qui prônaient la violence le jour des attentats
Charlie Hebdo.
En miroir, "
Les fauves" aborde également un sujet inédit qu'est le retour à la vie normale d'anciens soldats. A travers le personnage de Lars on découvre à quel point il est impossible de reprendre une vie quotidienne saine après avoir participé aux combats. Les talents d'auteure psychologique d'
Ingrid Desjours ont permis à Lars de se dévoiler petit à petit sous nos yeux, de manière très intime. le coeur serré, j'ai découvert son histoire et toutes les bêtes noires qui le hantent.
Les bêtes noires sont partout dans ce roman: infiltrées dans notre société, sur internet, cachées au plus profond de nous. Elles font parties de notre quotidien, elles se camouflent pour paraître anodines jusqu'au jour où.... Derrière une histoire d'amour une banale conversation, un souvenir, ....
"
Les fauves" est un roman qui fait peur, qui met mal à l'aise, qui dérange car il met la lumière sur ce que l'on ne souhaite pas voir étaler au grand jour. On en veut à l'auteure de nous balancer cette réalité crue et honteuse. Une vérité qui dérange, qui effraie. Un roman puissant, déstabilisant et cruel.
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