Il était un grand nombre de fois
Un homme qui aimait une femme
Il était un grand nombre de fois
Une femme qui aimait un homme
Il était un grand nombre de fois
Une femme et un homme
Qui n'aimaient pas celui et celle qui les aimaient
Il était une fois
Une seule fois peut-être
Une femme et un homme qui s'aimaient
UN CONTE
Le petit poucet perd une multitude de clefs dans le
sentier ténébreux de la forêt
Voilà pourquoi tant de portes se ferment
Pourquoi votre porte est fermée
Frappe à la porte à la fenêtre
Une lueur se promène de la cave au grenier
On entend le souffle de votre sommeil
Etes-vous prisonnière dans votre maison ?
Les ténèbres de la forêt ne vous appellent-ils pas ?
La clef des champs est perdue
alors forcez la serrure
Réveillez-vous
Ne respirez plus si tranquillement
Mais surtout
surtout éteignez cette lumière
qui se promène quand vous dormez
qui se promène de la cave au grenier.
BOUQUET
Trois pensées trois coquelicots trois soucis
Trois soucis trois roses trois oeillets
Les trois roses pour mon amie
Les trois coquelicots pour la petite fille si triste
Les trois pensées pour mon ami
Les trois soucis pour moi.
MA SIRENE
Ma sirène est bleue comme les veines où elle nage
Pour l'instant elle dort sur la nacre
Et sur l'océan que je crée pour elle
Elle peut visiter les grottes magiques et les îles saugrenues
Là des oiseaux très bêtes
conversent avec des crocodiles qui n'en finissent plus
Et les oiseaux très bêtes volent au-dessus de la sirène bleue
Les crocodiles retournent à leur boire
Et l'île n'en revient pas
ne revient pas d'où elle se trouve
où ma sirène et moi nous l'avons oubliée
Ma sirène a des étoiles très belles dans son ciel
Des étoiles blondes aux yeux noirs
Des étoiles rousses aux dents étincelantes
et des étoiles brunes aux beaux seins
Chaque nuit trois par trois
alternant la couleur de leurs cheveux
Ces étoiles visitent ma sirène
Cela fait beaucoup d'allées et venues dans le ciel
Mais le ciel de ma sirène n'est pas un ciel ordinaire
Ma sirène a sept bateaux sur son océan
Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi
Samedi et Dimanche
Les uns à vapeur les autres à voiles
Les uns rapides les autres lents
Mais tous beaux mais tous charmants
avec des marins connaissant leur métier
Ma sirène a des savons de toutes formes et de
toutes couleurs
C'est pour laver sa jolie peau
Ma sirène a beaucoup de savons
L'un pour les mains
L'autre pour les pieds
Un pour hier
Un pour demain
Un pour chacun des yeux
Et celui-là pour sa queue d'écailles
Et cet autre pour les cheveux
Et encore un pour son ventre
Et encore un pour ses reins.
Ma sirène ne chante que pour moi
J'ai beau dire à mes amis de l'écouter
Personne ne l'entend jamais
Excepté un, un seul
Mais bien qu'il ait l'air sincère
Je me méfie car il peut être menteur.
COUPLET DU VERRE DE VIN
Quand le train partira n'agite pas la main,
Ni ton mouchoir, ni ton ombrelle,
Mais emplis un verre de vin
Et lance vers le train dont chantent les ridelles
La longue flamme du vin,
La sanglante flamme du vin pareille à ta langue
Et partageant avec elle
Le palais et la couche
De tes lèvres et de ta bouche.
Un jour après un jour,
Une vague après une vague,
Où vas-tu? Où allez-vous?
Terre meurtrie par tant d'hommes errants!
Terre enrichie par les cadavres de tant d'hommes.
Mais la terre c'est nous,
Nous ne sommes pas sur elle
Mais en elle depuis toujours.
L'OISEAU MECANIQUE
L'oiseau tête brûlée
Qui chantait la nuit
Qui réveillait l'enfant
Qui perdait ses plumes dans l'encrier
L'oiseau pattes de 7 lieues
Qui cassait les assiettes
Qui dévastait les chapeaux
Qui revenait de Suresnes
L'oiseau l'oiseau mécanique
A perdu sa clef
Sa clef des champs
Sa clef de voûte
Voilà pourquoi il ne chante plus.
CHANTEPLEURE
Chantecaille fleur des rues
Chantepie fleur des bois
Chanteloup fleur des eaux
Chantamour fleur des nuits
Chantemort fleur des pois
Pleurivresse fruit de l'aube
Pleurétreinte fruit des yeux
Pleuraccueil fruit des mains
Pleurémoi fruit des lèvres
Pleurez-moi fruit du temps.
TES AMANTS ET MAITRESSES
On n'inscrit pas d'initiales à la craie
dans la forêt blanche de l'amour,
Un éternel faucheur efface les tableaux noirs des
calculateurs
ville de gélatine complaisante aux araignées tu trembles
à ma voix
La fumée tient une grande place dans ma vie.
Et quelque tigre féroce a décalqué
sur ma poitrine le reflet de ses yeux jaunes.
Une enceinte de tabac et d'iris
Voilà la forteresse
du tribunal de la
rivière où voltigent
cent poissons.
ROSALIE
La petite Rosalie peigne ses cheveux odorants
Le vent le vent passe à travers les rideaux de tulle
La petite Rosalie n'a ni amie ni amant
Le vent le vent s'attelle à la charrue du houx
La petite Rosalie joue à la marelle
Le vent le vent gonfle la voile des navires
La petite Rosalie n'a pas de chance au jeu
Le vent le vent se met en boule et fait ron-ron
La petite Rosalie passe ainsi tous les jours
Le vent le vent s'épuise aux tôles des cheminées
La petite Rosalie chantonne une chanson pas bien gaie
Le vent le vent change de nom et de direction
Avant l'hiver c'était l'automne
Avant l'automne l'été et le printemps
La petite Rosalie deviendra la vieille Rosalie
Le vent le vent soufflera sur ses engelures
La vieille Rosalie décomptera ses amours
Le vent le vent se fatiguera aux éternelles semailles
La vieille Rosalie enfin mourra
Le vent le vent soufflera sur son tombeau
Et qu'est-ce que cela peut bien nous faire.