LE POISSON SANS-SOUCI
Le poisson sans-souci
Vous dit bonjour vous dit bonsoir
Ah! qu'il est doux qu'il est poli
Le poisson sans-souci.
Il ne craint pas le mois d'avril
Et c'est tant pis pour le pêcheur
Adieu l'appât adieu le fil
Et le poisson cuit dans le beurre.
Quand il prend son apéritif
à Conflans Suresnes. ou Charenton
Les remorqueurs brûlant le charbon de Cardiff
Ne dérangeraient pas ce buveur de bon ton.
Car il a voyagé dans des tuyaux de plomb,
Avant de s'endormir sur des pierres d'évier
Où l'eau des robinets chante pour le bercer
Car il a voyagé aussi dans des flacons
Que les courants portaient vers des rives désertes
Avec l'adieu d'un naufragé à ses amis.
Le poisson sans-souci
Qui dit bonjour qui dit bonsoir
Ah! qu'il est doux et poli
Le poisson sans-souci
Le souci sans souci
Le Poissy sans Soissons
Le saucisson sans poids
Le poisson sans-souci.
p.135
LA RIVIÈRE AUX NÉNUPHARS
La rivière aux nénuphars
Sous les ombres douces des grands peupliers
coule entre deux ponts
où les cris des canotiers retentissent plus sonores
La grenouille en robe à traîne
Dont le nom est Pulchérie
y retrouve Népomucène
L'amant goujon qu'elle a choisi
Son coassement d'amour s'épuise
devant l'éperdu silence du poisson
Et l'eau de la rivière les grise
Quand des buveurs versent leurs verres du haut du pont
Le pêcheur à la ligne près du coude
Depuis trente ans n'a pas bougé
On dit qu'il est mort à la tâche et d'oubli
Nul n'est allé le réveiller
Le flotteur rouge de sa ligne
Est un peu décoloré
C'est une vieille carotte que la lune
à minuit comme un veau semble brouter
Les étoiles sont gigantesques
La nuit dans le ciel de la ville
Et les chansons des buveurs
Semblent ne pouvoir franchir les remparts
Cette ville n'est pas rassurante du tout
on dit que de la source
une forme sort parfois au crépuscule
Comme une jeune fille nue d'un miroir
C'est peut-être bien Ophélie
C'est peut-être bien Pulchérie
C'est peut-être Népomucène
Goujon grenouille ou la jolie
Ophucène Népomélie
Pulcherouille ou grenoujon
au bord de la rivière aux nénuphars
qui coule coule entre deux ponts
p.102-103
Ma sirène
Ma sirène est bleue comme les veines où elle nage
Pour l’instant elle dort sur la nacre
Et sur l’océan que je crée pour elle
Elle peut visiter les grottes magiques des îles saugrenues
Là des oiseaux très bêtes
conversent avec des crocodiles qui n’en finissent plus
Et les oiseaux très bêtes volent au-dessus de la sirène bleue
Les crocodiles retournent à leur boire
Et l’île n’en revient pas
ne revient pas d’où elle se trouve
où ma sirène et moi nous l’avons oubliée
[…]
Ma sirène a des savons de toutes formes et de toutes couleurs
C’est pour laver sa jolie peau
Ma sirène a beaucoup de savons
L’un pour les mains
L’autre pour les pieds
Un pour hier
Un pour demain
Un pour chacun des yeux
Et celui-là pour sa queue d’écailles
Et cet autre pour les cheveux
Et encore un pour son ventre
Et encore un pour ses reins
[…]