J'ai lu
Baise-moi il y a bien longtemps, sans être particulièrement choquée. J'ai lu le premier tome de
Vernon Subutext, et je me suis arrêtée là, j'ai survolé les premières pages de
King kong théorie en souriant de l'outrance langagière mais aussi en me disant que c'était pas mal balancé … Et je me suis aussi arrêtée là. Alors pour ce
Cher connard, inutile de dire que c'est la curiosité pure qui m'a poussée, et finalement, ça s'est plutôt bien passé jusqu'au bout …
Le connard s'appelle Oscar. Ecrivain plutôt reconnu, il est là en panne d'écriture, et se sent quelque peu paumé (il a même fini Candy Crush, je ne savais pas que c'était possible de finir Candy Crush …). C'est un connard, selon les critères de sa correspondante, Rebecca, cible d'une de ses publications débiles postée sur son compte instagram. Et ma foi, on la comprend. Oscar est non seulement complétement alcoolique non repentant, mais acro à sa petite personne, à la fuite et à l'auto victimisation plaintive. Un sale type, par lâcheté habituelle, égocentrique par conformité intellectuelle à la norme de genre. le genre de gars pour qui les féministes sont des agitées du bocal, le genre qui se voit pas méchant dans le fond et amoureux dingue quand il fait des avances à outrances à la toute jeune attachée de presse qui les subissait.
Zoé Katana fut sa victime, et elle a décidé de lâcher sa rancoeur sur son blog. Elle le cloue au pilori, le jette dans l'arène de la dénonciation pour harcèlement, et le calvaire des commentaires commence pour les deux, coincés dans la spirale des réseaux et hashtags carnassiers.
Zoé est dans ce roman épistolaire une voix en off de l'échange principal entre le connard et une autre figure féminine, Rebecca. Elle, c'est plutôt la louve que la victime. Amie d'adolescence de la soeur d'Oscar, elle est passée du stade de la bombasse délinquante de quartier modeste, à super star du cinéma, sublime égérie d'une féminité triomphante. Mais Rebecca, perpétuellement shootée à l'héroïne, a vieilli. Oscar la croise sur une terrasse parisienne et, vexé qu'elle ne reconnaisse pas en lui le petit frère de Corinne, il publie un portrait assassin de l'idole fantasmée de son adolescence devenu crapaud … Mais sa bave ne déclenche que le mépris radical de sa cible …
Ainsi débute un échange épistolaire improbable entre les deux, toxicos, sur la tangente, solitaires, en bord de bascule … Elle est virulente, il est pleurnichard, elle se veut prédatrice, il se la joue victime, il rédige ses lettres en sujet-verbe-complément, elle balance un vocabulaire vulgaire ( un peu daté …) et des punch lines qui roulent des mécaniques .
Vu la position féministe de ses personnages, on pourrait s'attendre à une mise en pièce radicale du Oscar, un quatre heures dont l'autrice ne ferait qu'une bouchée. Mais ce n'est pas tout à fait le cas, même si il en prend pour son grade en représentant de la bonne vieille main au cul, dont ma foi, on ne se plaignait pas trop puisque c'était comme ça … Les premières lettres sont marquées par une agressivité surjouée, après, le ton se calme et on rentre dans une forme de rédemption réciproque, assez inattendue et presque décevante.
Si il y a une thèse dans ce livre, ce n'est pas celle qu'on attendait ( et qui aurait pu se résumer en une phrase « les hommes sont des connards ») mais des phrases, il y en a vraiment beaucoup … Les deux personnages après avoir acté qu'ils n'avaient rien à se dire, s'étalent longuement sur leurs divergences, féminisme, drogues, relations amoureuses, du mauvais usage des réseaux … C'est bavard, très bavard. Elle étale son anti conformisme, lui, ses échecs, elle lui enfonce le clou, il s'enfonce tout seul. Et finalement, ils font copains copains. le sulfureux est bien soft finalement, la radicalité du début finit par célébrer les vertus de la tempérance et du dialogue, avec suffisamment de vernis punk pour faire passer la harangue.
Merci aux éditions Grasset qui m'ont permis de satisfaire ma curiosité !
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