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3,3

sur 2736 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Top ou flop ce nouveau Despentes ? Ni l'un ni l'autre pour ma part. Ce n'est ni un coup de coeur, ni une déception, mais un roman intéressant dans ses réflexions et dans l'évolution de ses personnages. Il ne sera pas inoubliable pour moi, mais a eu le mérite de me faire réfléchir.

S'il y a une chose négative que je retiendrai de ce roman, c'est la totale absence de plaisir de lecture que j'ai ressenti. Lire Despentes est une expérience de lecture. J'avais envie de lire et terminer Cher connard car son propos m'intéressait, mais pour moi qui aime expérimenter la lecture comme divertissement, ce n'est pas ce que j'ai ressenti ici. On est bien loin d'une lecture divertissante avec ce livre, ce qui rend sa lecture particulière… Je comprends les personnages qui l'ont abandonné, comme je comprends celles qui l'ont dévoré. Cher connard est un livre intéressant, mais pas divertissant.

Ce qui rend ce livre difficile à lire, c'est que c'est un portrait juste de notre société actuelle. Et quand on le constate, c'est dur. La lecture est faite pour s'évader – pas tout le temps, mais souvent. Et lire Cher connard, c'est rester au coeur de notre société, ses contradictions, ses problèmes, ses personnes antipathiques, son côté glauque, cruel et violent. Mais c'est aussi assister à la beauté des relations humaines, de l'abnégation, de l'amitié et de l'amour. Cher connard est un portrait de la société qui ne fait pas plaisir, mais qui reste intéressant dans ce qu'il relève de beau et de laid. Tout est dans le titre, malicieusement laid et contradictoire.

Comme on peut s'y attendre, ce roman aborde une multitude de thématiques actuelles, parmi elles #MeToo; le post-#MeToo par Despentes n'est pas abordé, comme on pourrait s'y attendre, dans la facilité, avec ce côté violent limite vengeur. Au contraire, le sujet est bien amené, et aborde la thématique féministe dans toute sa globalité, du côté masculin comme féminin, du contrôle du corps et de l'âge comme dans le corps comme objet d'attraction voulu par les femmes. le livre contient beaucoup de nuance, confronte beaucoup de points de vue, ce que j'ai beaucoup apprécié. Et au-delà du féminisme, l'autrice aborde la thématique de la maladie mentale, et celle de l'addiction, ce qui était passionnant et sujet à réflexion.

Lire Cher Connard, c'est lire notre société actuelle. Si vous cherchez de l'évasion, vous en serez loin. Mais je retiens le portrait acerbe, sans concession, tout en étant beau et porteur d'espoir, qu'il porte. Une lecture intéressante, et une expérience de lecture particulière.
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Je tiens tout d'abord à remercier NetGalley et les éditions Grasset pour ce service presse.

Dans ce livre, nous suivons la correspondance entre Oscar, romancier, et Rebecca, actrice.
Tout commence par un post acerbe d'Oscar concernant Rebecca et son apparence physique.
Rebecca y réplique et commence alors entre eux un échange épistolaire au cours duquel différents thèmes seront abordés : le covid, leurs métiers respectifs, l'addition à la drogue et à l'alcool, les liens familiaux, et le plus dominant dans ce livre : le féminisme avec le mouvement MeToo.

J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans le livre. Je trouvais la plume de l'autrice agressive, mordante, et ce côté me dérangeait. Mais les thèmes abordés m'intéressaient, j'ai donc persévéré.

Ce ne sera pas un coup de coeur pour moi. J'ai trouvé le livre long, je ne comprenais pas où Virginie Despentes voulait emmener le lecteur et pour être franche, je ne le sais toujours pas.
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Le dernier opus de Virginie Despentes étonne par sa forme. L'écrivaine « hors norme » qui s'attaque au roman épistolaire contribue à l'attirance pour cet ouvrage. Et l'auteure ne nous déçoit pas. Dans la première moitié, elle propose une analyse très intéressante de notre époque, de la vie sous l'influence des réseaux, du renouvellement du choc générationnel… Sa verve regorge de formules lapidaire qu'on aimerait retenir à chaque page.
Dans la seconde partie du livre, la plongée dans la dépendance aux drogues m'a moins convaincu. D'abord très juste sur les comportements addictifs, la longueur de cette partie m'a conduit à sauter qq pages.

Je recommande pour autant vivement le livre. Toujours un plaisir de retrouver la « meuf King Kong » et de se laisser porter par son style unique.
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C'est suite à un post injurieux que la correspondance entre Oscar et Rebecca débute. le premier est un écrivain et un "Connard", comme lui écrit la seconde, une actrice culte quinquagénaire. Il la croise dans la rue, fait un post Instagram déplaisant sur elle et son physique, elle lui répond, et ainsi débute une longue correspondance que l'on va suivre dans ce récit.

Leur relation va prendre une nouvelle dimension quand Oscar va être accusé d'harcèlement par une blogueuse féministe avec qui il a travaillé.

L'histoire d'amitié entre le harceleur, accusé en plein mouvement Me Too et la féministe, chez n'importe qui cela pourrait être de mauvais goût mais chez Virginie Despentes c'est si bien fait que je ne peux qu'adhérer. L'idée n'est pas de trouver des excuses, de passer outre en oubliant, mais il n'y a pas non plus de manichéisme. L'idée reste d'avancer, parce que quoi qu'il en soit, la vie continue, avec ces personnes accusées.

On ne se trouve pas ici dans un essai, dans un manifeste, mais l'autrice travaille et utilise ses thèmes de prédilection, notamment le féminisme. Un féminisme moderne, qui se confronte à plusieurs problématiques, je note par exemple la question des femmes trans et des féministes qui les rejettent, les TERF. Il s'agit d'un dialogue donc il n'y a pas de réponse toute faite, de solution, mais des éléments de réflexion sur lesquels on peut également réfléchir, en tant que lecteur.

Un autre point central du récit est la question de l'addiction, de la désintoxication, qui va rapprocher les deux personnages, et c'est vraiment très bien écrit et raconté.

En définitive, c'est un livre qui m'a beaucoup plu. Merci Virginie Despentes.
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J'ai un affect particulier pour les relations épistolaires. Garder le lien malgré la distance. Se languir de recevoir une réponse à ses questions existentielles et autres déclarations enflammées. L'absence de réponse qui peut être aussi bien due à un oubli, à un courroux qu'à une perte de la missive par les services mandatés, voire même dans la plus vexante des vérités, l'absence de volonté de retour. Rien ne vaut un pigeon voyageur. Ou une chouette. Mais n'est pas Harry Potter qui veut. Les lettes de Flaubert à Louise Collet ou celles De Balzac à Mme Hanska résonnent encore en moi avec un écho particulier. Tant est si bien que je rêve d'entretenir une correspondance manuscrite et épistolaire, avec le talent en moins, l'orthographe illisible du médecin en plus. Que les volontaires n'hésitent pas à se précipiter sur leur plus belle plume.

Le papier et son côté suranné ont laissé place aux messages instantanés et mails, bardés d'abréviations et d'inepties en tout genre. Notre quotidien d'échanges épistolaires, que John Malkowitch avait utilisé avec brio il y a quelques années pour son adaptation 2.0 du roman le plus parfait et le plus moderne qu'il soit, j'ai nommé Les Liaisons Dangereuses. le pupitre De Valmont demeurait quant à lui celui originel. Certaines choses ne souffrent pas du temps qui passe.

La rentrée littéraire m'a ainsi doublement gâtée. Un nouveau Virginie Despentes. Une joute de textes par échanges de mails. Je trépignais à l'idée de découvrir ce Cher Connard.

« Cher connard,
J'ai lu ce que tu as publié sur ton compte Insta. Tu es comme un pigeon qui m'aurait chié sur l'épaule en passant. C'est salissant, et très désagréable. Ouin ouin ouin je suis une petite baltringue qui n'intéresse personne et je couine comme un chihuahua parce que je rêve qu'on me remarque. Gloire aux réseaux sociaux : tu l'as eu, ton quart d'heure de gloire. La preuve : je t'écris. »

Oscar. le sus nommé connard. Auteur en perdition, en perte de repère. Avec la défonce comme mode de vie, ne sachant plus distinguer la réalité sordide de sa vie fantasmée. Une vie solitaire mais une solitude non tolérée.

Rebecca. L'actrice mûre devenue gironde au fil des années et de sa consommation d'alcool et drogues en tout genre. Un franc parlé et une personnalité explosive. Lauren Bastide dans son podcast la Poudre l'imaginait en Béatrice Dalle. C'est à cette image que je l'associe désormais.

Une rencontre entre deux fortes personnalités, qui commencent par des étincelles en réaction au scandale Mee too qui touche l'auteur sur le déclin. S'en suivent des échanges qui interrogent la société, écornent la bien pensance, écorchent la bien séance. La rencontre deux punks vivant trop tard dans un monde trop vieux. Nostalgiques d'une époque qui n'est plus. Où l'intensité des sentiments n'étaient pas gérée ni vécue de la même manière.

Au milieu de cette joute, une jeune femme, Zoé Katana, celle qui cristallise le scandale et la haine qui en découle. Au nom tranchant mais à l'âme éparpillée façon puzzle. Brisée par son époque portée par le paraitre et la haine gratuite, portée via les réseaux sociaux entre autre. Chaire à canon sacrifiée sur l'autel du féminisme.

Avec Cher Connard, Virginie Despentes fait un portrait au vitriol de notre société contemporaine, en n'épargnant absolument personne. Un classique en devenir de l'ère après covid.
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Chère V, je n'irai pas par quatre chemins, j'ai adoré ton dernier livre. Pourtant, il ne s'y passe pas grand-chose, on ne doit y retrouver personne, il n'y a pas d'enquête, pas de suspense, mais une histoire captivante qui retrace le cheminement émotionnel et mental de trois personnages, Rebecca, d'Oscar et de Zoé, une histoire qui parle de notre époque, de sa férocité, de sa cruauté, de ses inégalités, de la détresse individuelle. Je dirais même qu'avec la place que tu accordes dans le récit aux réunions Narcotiques anonymes (dont les fondements religieux sont occultés), la quête ici devient spirituelle, dimension que je recherche dans la littérature : confrontés aux revers de l'âge ou au bienfait du vieillissement, Rebecca et Oscar tendent vers une forme de rapprochement, une réconciliation que j'ai trouvée belle, tendre et profonde.
Alors, sans doute, ce roman intéressera plus des quadragénaires ou des quinquagénaires comme moi en raison de nos connexions avec les deux personnages principaux du récit. Je me suis en effet bien reconnu dans les états d'âme de Rebecca ou d'Oscar et leur rapport addictif à l'alcool. Mais tu ne négliges pas les plus jeunes avec le personnage de Zoé, troisième voix de ce roman et militante féministe hyper active sur Internet. Car la question de l'addiction concerne toutes les générations. Pour nous, effectivement, la dépendance pouvait être à la bibine ou aux jeux de grattage, pour les plus jeunes, elle sera aux jeux vidéo, aux écrans, aux réseaux sociaux.
Pour en revenir à Rebecca et Oscar, ces deux personnages atypiques sont confrontés au temps qui passe et à l'avancée de l'âge. Ils doivent négocier le virage de la cinquantaine. Je me suis également reconnu dans leur difficulté à vieillir, dans leur besoin de faire le point à un tournant de leur vie. Je ne sais pas lequel te ressemble le plus, mais leur crédibilité tient sans doute au fait que tu as mis une bonne part de toi-même dans chacun d'eux. Rebecca, c'est la « belle », sulfureuse actrice sûre d'elle et qui se conduit mal. Très individualiste, elle se rend compte que sa beauté ne pourra bientôt plus lui servir pour séduire les hommes et favoriser ses intérêts professionnels ou personnels. Elle est formidable, drôle et d'une liberté folle. Oscar, c'est le « connard modèle courant ». Il est timide et compte sur son statut d'écrivain pour séduire les femmes. Mais quand ça ne marche pas, il peut être lourdingue et grossier. C'est ce qui se passe avec Zoé, son attaché de presse, qui va finir par l'accuser de harcèlement sexuel et le « metooïser » sur son blog Internet très suivi de militante féministe.
Même si la voix de Zoé se fait entendre avec moins de régularité que les deux autres, j'ai aimé la verve de tes trois personnages, leur bagou, leur humour, le récit de leurs blessures, de leurs expériences douloureuses, de leurs divergences. La relation entre Rebecca et Oscar débute sur le mode de l'insulte, mais évolue ensuite vers le dialogue et le respect. Il s'agit d'un échange de lettres ou de mails et j'ai trouvé bien vu de ta part d'opter pour cette forme épistolaire de récit. Ça change tout d'abord de tes précédents romans, ça renouvelle le genre, ça permet aux personnages de se provoquer, de se défier tout en leur laissant du temps pour évoluer, ça éloigne la violence de l'instantané, ça évite de se focaliser sur l'action et ça autorise le débat d'idées sur de nombreuses thématiques. Les sujets de désaccords sont nombreux, les pensées se frictionnent, mais les échanges se poursuivent, la discussion résiste à la dispute. On est loin de ton « On se lève et on se barre », loin de la provoc de ton titre dont le « cher » prend tout son sens dans ce récit qui célèbre l'amitié entre hommes et femmes. D'abord ennemis insupportables, Rebecca et Oscar vont faire du chemin sur de nombreuses questions contemporaines (#MeToo, les différents courants féministes, le rapport entre masculinité et patriarcat, la violence des réseaux sociaux, le libéralisme, la littérature, le cinéma, l'addiction, la vieillesse). Sans détailler le contenu, ils vont évoluer grâce à des prises de conscience pour finalement se révéler profondément humains.
Je terminerai en parlant du cadre spatiotemporel dans lequel tu fais évoluer tes personnages. Je n'ai pas trouvé original que ton récit s'inscrive dans la période de la pandémie de Covid et des confinements. On en soupe pas mal en ce moment. Par contre, j'ai trouvé intéressant que tes personnages ne s'en plaignent pas, n'en profitent pas pour étaler leurs angoisses, mais au contraire qu'ils utilisent ce moment d'accalmie forcée pour réfléchir à leur vie, à notre société abimée. Tout comme tu utilises de la forme épistolaire qui repose sur la distance entre les protagonistes et le temps entre les échanges, tu célèbres la distanciation physique et sociale induite par le confinement qui aide paradoxalement les personnages à se rapprocher. Tu célèbres également le temps offert par l'arrêt de l'activité professionnelle qui permet à tes personnages de se retrouver et d'échanger. Ils sont isolés, désoeuvrés, mais prennent ainsi le temps de se mettre à leur bureau pour réfléchir à leur vie, à notre époque, pour écrire, échanger et finalement guérir. Comme chez les Narcotiques anonymes, la parole libère, la mienne, mais aussi celle de l'autre. Merci V.
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Je suis assez mitigée sur celui-là même si je penche pour le positif. J'adore le personnage même si je suis loin de son féminisme. Je crois que nous partageons le fond mais que sur la forme, un fossé générationnel nous sépare. Et je crois qu'elle en a conscience. Je crois que c'est ce que raconte ce livre finalement. Elle passe un peu le relais avec un signe de tête bienveillant mais circonspect à la génération que nous représentons. Elle respecte les divergences, elles sont essentielles pourvu que nous ayons l'intelligence de ne pas entrer en guerre entre nous comme les dominants le souhaiteraient. Elle appelle également à une prise de conscience des agresseurs, des dominants qui sont bien souvent surtout terrifiés de devoir admettre que, oui, ils ont merdé. Qu'on peut avancer après ça. Qu'il y a des choses qu'on peut modifier, réparer ou au moins empêcher que ça se perpétue.
Je suis un peu moins sensible à toute la partie "drogue" est-ce que je suis passée au travers de par mon milieu ? c'est une possibilité mais je n'ai pas l'impression que ma génération puisse comprendre et je crois que les années 80 étaient très violentes sur ce point-là. Elle m'a donc un peu perdue au milieu.
Mais sur l'ensemble je la retrouve elle dans tous ses personnages. J'ai eu le sentiment tout le long qu'au final c'était avec elle-même qu'elle dialoguait. Les trois personnages ont envoyé des punchlines qui n'appartiennent qu'à Virginie Despentes et qui ont toujours ce feu sacré et provoquent cette joyeuse brûlure guerrière en moi !
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L'échange épistolaire comme dispositif d'écriture est un bon prétexte à l'énonciation d'idées. Car c'est de cela qu'il s'agit : une suite de réflexions sur notre société empêtrée dans ses contradictions et son malaise. Addictions, relations sociales, moyens de communication, vieillissement, relations intersexes, fragilités individuelles et collectives révélées par la crise sanitaire due au covid, féminisme, autant de sujets qui n'en font finalement qu'un, intemporel et universel : notre difficulté à faire société tout en restant singuliers. La déception subie à la lecture des premières pages (mais pourquoi ces deux personnages sacrifient-ils tout ce temps à s'écrire des textes si personnels et longs alors qu'ils se détestent ? Je n'ai toujours pas la réponse mais après avoir dévoré l'ouvrage, finalement je m'en moque...) fait vite place au plaisir des punchlines acérées et de la réflexion à fleur de peau à laquelle Virginie Despentes nous a habitués. Moins de colère, moins de hargne peut-être que par le passé, mais toujours autant de sensible intelligence exprimée dans une langue qui toujours nous fait garder les yeux ouverts. Un peu trop uniforme, la langue, un peu trop commune aux différents personnages. Parfois, on se surprend à se demander qui écrit, tellement leurs voix se ressemblent. Et pourtant... J'ai dévoré cette ode à la différence, contraire de l'indifférence, et à la tolérance.
Un petit bémol ? Sans doute pressé par le temps (rentrée littéraire oblige, les affaires sont les affaires), l'éditeur a peut-être laissé passer quelques erreurs de cohérence dans le texte, qu'une petite correction supplémentaire aurait pu éviter... Par exemple à la page 73. à moins que ce soit moi qui ait mal compris...
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J'ai lu Baise-moi il y a bien longtemps, sans être particulièrement choquée. J'ai lu le premier tome de Vernon Subutext, et je me suis arrêtée là, j'ai survolé les premières pages de King kong théorie en souriant de l'outrance langagière mais aussi en me disant que c'était pas mal balancé … Et je me suis aussi arrêtée là. Alors pour ce Cher connard, inutile de dire que c'est la curiosité pure qui m'a poussée, et finalement, ça s'est plutôt bien passé jusqu'au bout …

Le connard s'appelle Oscar. Ecrivain plutôt reconnu, il est là en panne d'écriture, et se sent quelque peu paumé (il a même fini Candy Crush, je ne savais pas que c'était possible de finir Candy Crush …). C'est un connard, selon les critères de sa correspondante, Rebecca, cible d'une de ses publications débiles postée sur son compte instagram. Et ma foi, on la comprend. Oscar est non seulement complétement alcoolique non repentant, mais acro à sa petite personne, à la fuite et à l'auto victimisation plaintive. Un sale type, par lâcheté habituelle, égocentrique par conformité intellectuelle à la norme de genre. le genre de gars pour qui les féministes sont des agitées du bocal, le genre qui se voit pas méchant dans le fond et amoureux dingue quand il fait des avances à outrances à la toute jeune attachée de presse qui les subissait.

Zoé Katana fut sa victime, et elle a décidé de lâcher sa rancoeur sur son blog. Elle le cloue au pilori, le jette dans l'arène de la dénonciation pour harcèlement, et le calvaire des commentaires commence pour les deux, coincés dans la spirale des réseaux et hashtags carnassiers.

Zoé est dans ce roman épistolaire une voix en off de l'échange principal entre le connard et une autre figure féminine, Rebecca. Elle, c'est plutôt la louve que la victime. Amie d'adolescence de la soeur d'Oscar, elle est passée du stade de la bombasse délinquante de quartier modeste, à super star du cinéma, sublime égérie d'une féminité triomphante. Mais Rebecca, perpétuellement shootée à l'héroïne, a vieilli. Oscar la croise sur une terrasse parisienne et, vexé qu'elle ne reconnaisse pas en lui le petit frère de Corinne, il publie un portrait assassin de l'idole fantasmée de son adolescence devenu crapaud … Mais sa bave ne déclenche que le mépris radical de sa cible …

Ainsi débute un échange épistolaire improbable entre les deux, toxicos, sur la tangente, solitaires, en bord de bascule … Elle est virulente, il est pleurnichard, elle se veut prédatrice, il se la joue victime, il rédige ses lettres en sujet-verbe-complément, elle balance un vocabulaire vulgaire ( un peu daté …) et des punch lines qui roulent des mécaniques .

Vu la position féministe de ses personnages, on pourrait s'attendre à une mise en pièce radicale du Oscar, un quatre heures dont l'autrice ne ferait qu'une bouchée. Mais ce n'est pas tout à fait le cas, même si il en prend pour son grade en représentant de la bonne vieille main au cul, dont ma foi, on ne se plaignait pas trop puisque c'était comme ça … Les premières lettres sont marquées par une agressivité surjouée, après, le ton se calme et on rentre dans une forme de rédemption réciproque, assez inattendue et presque décevante.

Si il y a une thèse dans ce livre, ce n'est pas celle qu'on attendait ( et qui aurait pu se résumer en une phrase « les hommes sont des connards ») mais des phrases, il y en a vraiment beaucoup … Les deux personnages après avoir acté qu'ils n'avaient rien à se dire, s'étalent longuement sur leurs divergences, féminisme, drogues, relations amoureuses, du mauvais usage des réseaux … C'est bavard, très bavard. Elle étale son anti conformisme, lui, ses échecs, elle lui enfonce le clou, il s'enfonce tout seul. Et finalement, ils font copains copains. le sulfureux est bien soft finalement, la radicalité du début finit par célébrer les vertus de la tempérance et du dialogue, avec suffisamment de vernis punk pour faire passer la harangue.

Merci aux éditions Grasset qui m'ont permis de satisfaire ma curiosité !


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Oscar, écrivain reconnu mais addict aux drogues et à l'alcool est sur la sellette suite à la parution médiatisée du blog de Zoe Katana, son ancienne attachée de presse qui l'accuse de harcèlement et de l'avoir détruit psychologiquement. Il commence un échange d'email avec Rebecca Latté, une actrice célèbre mais vieillissante qu'il a connu enfant quand elle était amie avec sa soeur. Rebecca l'envoie balader au début mais s'installe très vite une relation épistolaire au long cours où nos deux protagonistes vont se raconter leur vie, leur rapport à la drogue, à la sexualité, aux autres et ainsi se nettoyer de leurs mauvais choix passés. Leur échanges sont entrecoupés d'extraits du blog de Zoe Katana.
Alors que l'on pouvait s'attendre à une charge féministe colossale contre la masculinité toxique et le potentat machiste, Virginie Despentes à travers ses personnages ose et propose le dialogue pour peut-être in fine trouver un terrain d'entente entre l'homme et la femme, tendre la main à l'autre et pouvoir bien vivre ensemble. le livre de la sagesse pour l'ex-punk déjantée ?
Lien : https://puchkinalit.tumblr.c..
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