Charmaine est une jeune fille en dehors de la réalité.
Toujours le nez plongé dans un livre, une pâtisserie à la main, elle vit sa vie à travers les pages des romans qu'elle engloutit (autant que la nourriture apparemment).
Il faut dire que ses parents ne l'ont pas vraiment préparé à la "vraie vie", et surtout pas sa mère, pour qui la respectabilité est une religion, sinon une obsession.
Alors quand Charmaine se retrouve à devoir gérer le ménage et l'intendance de son grand oncle Guillaume, sorcier royal très malade qui doit partir en petite cure de santé chez les elfes, elle y voit l'occasion de s'évader de sa monotonie.
Ou plutôt ... de réaliser son rêve, mais sans trop se fouler (et oui, il y a encore une quantité de livres à lire).
Diana Wynne Jones dépeint une héroïne bien loin des archétypes auxquels nous sommes habitués.
Car Charmaine est fainéante, paresseuse. Bref, elle a un poil dans la main si grand qu'elle préfère lire ses livres entourée d'une centaine de tasses salle plutôt que de se relever les manches.
De prime abord, Charmaine (subtilement appelée Charmante parfois par "mégarde" par les autres personnages) est terriblement agaçante. On a envie de lui mettre un coup de pied aux fesses pour qu'elle se secoue.
Sauf que ... le livre est vraiment charmant, pour reprendre l'expression, et le développement du personnage très touchant.
Comme dans les autres tomes, les chapitres s'enchainent, apportant chacun leur lot de situations saugrenues, à la manière de mini-contes raconté dans un seul grand récit. Charmaine se confronte à l'adversité à travers des rencontres, parfois touchantes, d'autres fois agaçantes, voire carrément terrifiante.
Dès le début, Charmaine se définit elle-même comme une personne pas très empathique, voir carrément pas très gentille. Son "colocataire" Pierre en fait les frais, mais force est de constater que Charmaine a un coeur bien plus grand qu'il n'y parait. Quand bien même tout l'agace, elle finit toujours par mettre les mains à la pâte pour tenter d'aider.
En parallèle, la construction du roman est identique aux autres, dans le fait que de nombreux événements s'enchainent, sans aucun lien direct de prime abord. Et pourtant, toutes les pièces du puzzle s'assemblent au fur et à mesure, pour un dénouement qui nous permet enfin de comprendre l'ensemble du tableau.
Ayant lu ce 3ème tome après la relecture des 2 premiers, j'ai retrouvé cette similitude et me suis laissée complètement happée par les différents événements, sans chercher à comprendre sur le coup, avec la délicieuse attente de "mais où est-ce que ça va nous amener tout ça ?"
Les 2 grandes déceptions de ce roman, pour ma part, se situent :
1) Au niveau de Sophie et de Hurle, que nous retrouvons à nouveau dans ce tome. Autant j'avais adoré leur intervention dans le tome 2, autant j'ai eu l'impression de suivre de loin des étrangers.
C'est vraiment dommage car sachant que c'était le dernier tome de la trilogie, j'aurai vraiment apprécié les retrouver comme dans les débuts.
2) La fin qui, bien qu'elle permette d'éclaircir tous les points d'ombre du roman, reste pour moi moins sensationnelle que les 2 premiers.
Le 1er tome reste bien sûr indétronable à tous les niveaux. Mais le 2ème tome, qui est pour moi le moins réussi, m'avait tout de même totalement emporté sur le dernier tiers, avec des révélations en cascade, et un rythme dingue.
Ici, on arrive très rapidement à ce dénouement, avec une dernière révélation finale peut marquante en soit.
Au final, le panel de personnages qui gravitent dans ce tome ont réellement conquis mon coeur. En 1er lieu Sans-Maitre, la chienne de la maison qui se révèle une amie sans faille pour notre héroïne bien naïve.
Pierre, empoté et pourtant qui n'hésite pas à secouer les puces à Charmaine tout au long du livre.
Même le luboque m'a fait sourire à plusieurs reprises.
En fait en conclusion, je finirai tout de même sur une dernière grande déception. Cette trilogie aurait mérité d'être une saga.
J'aurai aimé pouvoir suivre Sophie et Hurle pendant encore 2/3 tomes, vus par les yeux de nouveaux personnages dans d'autres contrées.
J'éprouve tout de même une grande joie et un peu de tristesse d'avoir terminé cette trilogie, que j'aurai commencé en 2004 lors de la sortie du 1er tome.
Près de 20 ans plus tard, pouvoir enfin achever l'oeuvre de Mme Wynne Jones est une chance.