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Ce livre coche quasiment toutes les cases de ce qui me permet de qualifier une lecture d'agréable.
D'abord, un mode de narration original. Bon, on connait bien la technique de l'alternance des chapitres avec des personnages différents mais l'auteur mène le tout avec intelligence et on se plait à imaginer la façon dont le tout va se relier, les indices sont subtils au début et plus évidents plus on s'approche de la fin mais le tout est bien maîtrisé.

Ensuite , un sujet qui sort des sentiers battus ou au moins un angle d'attaque décalé. le livre fait un peu les deux, abordant la mondialisation par le biais des containers, rarement choisi comme héros par les romanciers. Cela rejoint une autre des conditions, le fait d'être le reflet d'une époque et d'un lieu, et c'est notre époque que Dickner parvient parfaitement à brosser avec quelques pages vraiment réussies sur certains magasins emblématiques ou sur l'utilisation des nouvelles technologies.

Enfin des personnages attachants auxquels on peut s'identifier. Ici l'auteur dresse une galerie de portraits qui pourrait faire peur au premier abord mais constitue du coup une sorte d'étude sur les différentes psychoses que notre époque ne fait que renforcer.

Tout cela se fait au service d'une histoire qui, sans révolutionner la littérature, nous fait passer un bon moment et nous pousse à réfléchir aux comportements contemporains, avec une idéologie d'ouverture qui se rapproche de la mienne donc plutôt agréable à voir développé.

Sans atteindre au chef d'oeuvre un bon livre d'un jeune auteur québecois que je recommande et j'aurais sans doute la curiosité de tenter une autre lecture d'un de ses romans.
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J'ai mis du temps à me sentir concernée par cette histoire - double histoire en fait, puisque deux fils se déroulent en parallèle avant de se rejoindre. J'avais peu d'attachement pour les personnages, malgré ma curiosité pour les lieux évoqués. Et puis finalement, une fois le livre refermé, je me suis rendu compte que cette histoire de conteneur voguant clandestinement me resterait sans doute dans la mémoire un bon moment...
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Voilà une mécanique implacable que Nicolas Dickner étale dans ses Six degrés de liberté, la mécanique d'un roman construit avec ingéniosité où l'auteur n'hésite pas à jouer d'un décalage dans la temporalité pour le bénéfice du récit. Dickner, à son habitude, nous expose ici à des personnages marginaux, obsessifs, hantés par des désirs de liberté et contraints par autant d'amarres virtuelles. Il y a Lisa, adolescente créatrice de projets pour s'émanciper de son sud-ouest québécois et frontalier. Il y a Éric, son voisin agoraphobe, qui trouvera dans la technologie l'espoir de poursuivre. Dans un autre univers, on trouve Jay (ce n'est pas son vrai nom) qui, en bossant pour la GRC espère réduire la durée d'une peine à purger pour fraude électronique. Jay, en enquêtant pour son compte et à ses risques, croisera l'un des projets d'Éric et Lisa, le plus abouti et le plus éclaté, celui d'un conteneur en voyage pour se libérer de l'ennui, pour atteindre un certain degré de liberté.
Lien : http://rivesderives.blogspot..
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plus en plus contrôlé : la liberté. La liberté sous toutes ses formes puisque chaque personnage, à sa façon, selon ses besoins et ses possibilités, essaie de gagner quelques degrés de liberté ! Les personnages principaux bien sûr : en particulier Lisa qui prend son « envol » et défie toutes les lois possibles afin d'atteindre une sorte de liberté (ironiquement, mais je n'en dis pas plus… Spoiler alert !), son ami Eric, qui n'hésite pas à vivre ses passions librement (encore une autre liberté : celle de ne pas avoir à rencontrer les autres puisqu'il est agoraphobe), celle que Jay tente aussi de conquérir de diverses façons, etc. Ces deux récits parallèles qui finissent par se croiser à travers justement cette notion de liberté (puisque Jay donne un coup de pouce à Lisa et Eric) est un vrai bijou ! Il fait d'ailleurs partir de la sélection 2018 du Prix du Meilleur Roman des lecteurs de POINTS.

***



Ce livre nous a donné envie de relire le merveilleux poème de Paul Eluard écrit pendant la guerre.

Nous ne résistons pas à l'envie de le partager avec vous ici :

Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom
Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom
Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom
Sur chaque bouffée d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom
Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes maisons réunies
J'écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom
Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
liberté.

Paul Eluard

Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin)
Au rendez-vous allemand (1945, Les Editions de Minuit)
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J'ai très vite été embarquée dans l'histoire, et je me suis attachée aux différents personnages. Pourtant ce n'était pas gagné avec cette architecture particulière qui alterne deux histoires, chapitre après chapitre, sans que l'on sache si et comment elles se croiseront. D'une part, j'ai bien aimé suivre la jeune Lisa, une ado futée, proche de son père avec lequel elle retape des maisons en ruine et découvre tout un tas d'outils et de techniques de bricolage. J'ai apprécié aussi l'amitié de Lisa et Éric qui prouvent que deux personnes aux caractères très différents peuvent construire une amitié durable et sincère. Et leurs inventions, telles que le ballon stratosphérique, sont vraiment géniales et amusantes ! J'ai aussi apprécié de découvrir peu à peu le parcours de la mystérieuse Jay, cette femme d'âge moyen coincée dans une vie et un job qu'elle n'a pas choisi.

Le style est vraiment facile à suivre même lorsque les sujets abordés sont tristes (le déclin du père de Lisa et la fragilité psychologique de sa mère), ou complexes (les travaux de développeur d'Éric). le suspens va crescendo jusqu'à ne plus pouvoir lâcher le livre durant le dernier tiers. À plusieurs reprises, je me suis surprise à vouloir absolument savoir le fin mot de l'histoire. Alors que, sur le papier, suivre le trajet d'un conteneur réfrigéré n'est pas la trame narrative la plus palpitante, même lorsque la grosse boîte porte un nom exotique (Papa Zoulou).

Il y a quelque chose de rafraîchissant et dépaysant dans ce livre sur les mille et une façons de prendre les rênes de sa vie même lorsque les voies semblent sans issue. Je pense que ce côté plaisant et décalé vient aussi pour ma part du fait que je connaissais très mal la littérature canadienne. En effet Nicolas Dickner est Québécois comme ses personnages, et l'atmosphère, les paysages, et même le vocabulaire s'en ressentent. J'avoue avoir souri face à certaines expressions idiomatiques (« vadrouiller » pour « passer la serpillère » m'a notamment beaucoup enthousiasmée) et j'ai vraiment eu l'impression de me retrouver dans le froid et la neige aux côtés des protagonistes. Encore mieux à mes yeux, le texte est émaillé de phrases appartenant aux diverses langues parlées par les personnages, aussi bien de l'espagnol que… du danois (je vous passe ma jubilation en comprenant toutes ces phrases en VO).

Plus sur le blog :
Lien : https://lilylit.wordpress.co..
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Un livre lu dans le cadre du jury du Meilleur Roman Points 2018.
A 15 ans, Lisa a des rêves que le manque d'argent l'empêche de réaliser. Coincée dans une petite ville canadienne sur la frontière avec les États-Unis, coincée dans l'obsession immobilière de son père, coincée dans l'instabilité psychologique de sa mère, coincée dans son âge alors que sa maturité la tire vers d'ambitieux projets, Lisa ne trouve sa place qu'auprès d'Eric, informaticien de génie, que son agoraphobie enferme continuellement dans sa chambre. A mesure que les années passent l'ennui se fait toujours plus dévorant. Surtout lorsqu'Eric prend son envol en déménageant vers le Danemark et en devenant millionnaire. Les deux amis élaborent un stratagème magistral pour permettre à Lisa de quitter son pays sans laisser aucune trace. Mais même les plans les plus astucieux recèlent une faille et c'est un infime détail qui met Jay, une policière atypique, sur la piste des comploteurs.
Quel délice, ce roman ! le schéma narratif s'amuse à brouiller les repères temporels et spatiaux et se place ainsi en reflet du projet de Lisa et Eric. Mais ce n'est pas tout ! Les personnages sont attachants et gardent une part secrète sur laquelle le lecteur peut projeter ses propres images. le ton oscille sans cesse entre comique et drame, entre précisions techniques et poésie, entre l'intime et le social, et l'intrigue est menée à train d'enfer sur plusieurs années si bien que j'ai tourné les pages jusqu' à la fin sans reprendre mon souffle. Et - cerise sur ce délicieux gâteau - l'histoire entre en résonnance avec le tragique de l'actualité et stimule une réflexion passionnante sur la notion de géographie, sur l'idée de frontières et d'espaces clos, ouverts, infinis, interdits... et sur les différents degrés de liberté qu'ils permettent de conquérir.
"Six degrés de liberté" et au moins autant de strates de lecture qui m'ont fait jubiler !
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Ce livre s'ouvre sur les personnalités singulières d'Éric et Lisa. Leur lien indéfectible, leur imagination, leurs projets hors du commun. J'ai eu d'emblée envie de les suivre, de les prendre en affection et les chapitres concernant Jay me semblaient plus froids et moins addictifs. J'ai préféré la considérer comme énigmatique en espérant que son histoire allait me surprendre ou m'émouvoir. Pourtant, trop rapidement, la balance s'est équilibrée...dans le sens inverse. le déménagement d'Éric a, pour moi, été un révélateur de mon sentiment global sur cette lecture. Une distance est bel et bien présente entre les personnages et le lecteur. On n'accède pas (ou peu) à l'intimité de leur pensées, de leurs sentiments, de leurs failles d'être humains, bref on les suit mais on ne les "vit" pas. Or pour moi c'est là que réside la vraie force de la littérature. Malgré l'intelligence des thématiques abordées, j'aurais aimé ressentir davantage le contraste entre les personnes réelles, vivantes et leur enveloppe, les données traçables.
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Deux femmes. Deux vies. Deux destins incertains. Et pourtant un point commun, et non des moindres : un conteneur.
L'histoire prend sa source au Québeq, dont l'auteur Nicolas Dickner est originaire.
Lisa est une jeune femme avide de liberté et d'aventures avec un grand A. Mais la vie semble en avoir décidé autrement. Tiraillée entre des parents divorcés et névrosés, et un meilleur ami agoraphobe.
"Certaines personnes ont des plans de vol. Lisa doit se contenter de cercles vicieux."
Jay, la quarantaine, est une policière en liberté conditionnelle, suite à une condamnation.
"Elle se demande parfois si son emploi n'est pas une manière sophistiquée de la convaincre qu'elle ne vaut pas mieux. Nouvelle saveur de la réhabilitation : l'amoindrissement."
Le compte à rebours qui la rapproche chaque jour un peu plus de sa liberté est enclenché.
Afin de combler l'ennui qui lui pèse alors qu'elle s'envase dans les bureaux de la GRC, elle va se lancer corps et âme dans une enquête incroyable : retrouver la trace d'un conteneur disparu.
Mais en quoi ce conteneur va être le point de rencontre du destin de ces deux femmes ?
"Chaque fois que tu me parles des conteneurs... j'ai l'impression que tu décris une grande réalisation de l'espèce humaine. Comme les routes de l'Empire romain, mais en plus gros. Un peu comme si notre civilisation avait créé un continent artificiel mais invisible, caché dans les murs."
Malgré un démarrage un peu lent, on se retrouve embarqué dans ces vies parallèles, chacune motivée par un pressent désir de liberté. Entre thriller et science-fiction - voire dystopie - on explore à travers l'univers du transport maritime, la complexité des nouveaux outils technologiques.
Nicolas Dickner ponctue son roman de passages franchement hilarants, notamment celui sur les magasins IKEA.
C'est donc un roman pittoresque, qui frôle la science-fiction - quoique - profondément contemporain et qui questionne sur les notions de liberté et d'identité.
Lien : https://missbook85.wordpress..
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Livre lu dans le cadre du prix du roman le Points 2018

C'est un récit qui ne correspond à rien de ce que l'on peut connaître quoique..... des hackers, geeks, une enquêtrice au passé trouble, une adolescente bricoleuse et douée en informatique qui tente de trouver sa place entre un père qui restaure des maisons avant de les vendre, une mère qui passe ses dimanches chez Ikea, son meilleur ami Eric, agoraphobe, génie informatique, programmateur et hacker, tout cela on l'a plus ou moins déjà lu mais pas de cette façon, même si par moment j'avais l'impression de retrouver des traces de Millénium.....

Le récit alterne les chapitres entre Lisa, 15 ans, qui passe son temps entre des parents divorcés qui ne se préoccupent pas vraiment d'elle et c'est même plutôt elle qui s'occupe ou aide ses parents, et Jay, enquêtrice dans l'Enclave, Service de la GRC (Gendarmerie Royale du Canada) spécialisé dans les enquêtes sur des fraudes et qui va s'intéresser à la disparition d'un conteneur..... Pas commun me direz-vous ! Non pas commun et ce roman n'est pas commun du tout et il est en plus pas facile de le synthétiser et même de tout comprendre alors en faire une critique....

Les narrations des deux personnages principaux se déroulent à deux rythmes différents : celui de Lisa sur plusieurs mois tandis que celui de Jay sur quelques jours mais cela ne gênent pas la lecture et sont nécessaires pour le bon déroulé et la bonne compréhension de l'intrigue. le passé de Jay n'est pas très explicite même si on se doute qu'elle est sous le coup d'une interdiction de circuler suite à des malversations.

C'est un reflet de notre Société et de ses travers : tous repérés, tous pistés, nos névroses dans un monde hyper connecté et comment redonner un sens à nos vies dans un système qui a le pouvoir soi-disant d'hyper sécurisé le monde..... mais les deux amis vont montrer les limites du système et même éloignés l'un de l'autre (l'une au Canada, l'autre au Danemark)  ils feront voyager Papa Zoulou, un conteneur autour de la terre et je vous laisse découvrir les "détails" de ce conteneur.....

Les reproches que je ferai seront d'ordre rédactionnels : en effet les termes informatiques, GPS etc les nombreux acronymes  qui obligent à régulièrement se plonger dans l'annexe en fin de livre, les phrases en anglais (tout le monde ne maîtrise pas l'anglais et des traductions en bas de page auraient facilité la compréhension), compliquent la lecture  qui, déjà par elle-même n'est pas simple et un peu déroutante, mais retire un peu du rythme. C'est une écriture assez directe, efficace comme peut l'être un programme informatique.

Je me suis intéressée à la mise en place du projet, ce qu'il était mais sans plus. On n'a pas toutes les clés, les tenants, les aboutissants et il n'y a pas cette petite musique intérieure que j'attends quand je lis un livre, quel que soit le sujet, qui me pousse à tourner les pages par plaisir, curiosité ou intérêt.

C'est un roman générationnel, je pense, pour une tranche de population jeune, qui maîtrise l'informatique, internet et ses implications dans nos vies de tous les jours mais j'ai malgré tout pris du plaisir à le lire, même si la fin m'a déçue et je m'attendais à quelque chose de plus "flamboyant".....
Lien : http://mumudanslebocage.word..
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MAMAN LES P'TITS CONTAINERS QUI VONT SUR L'EAU ONT-ILS (ETC)...?

Ouvrage lu dans le cadre du Prix du Meilleur Roman Points 2018.

Nous vivons dans un monde tout à la fois de plus en plus consumériste et totalement mondialisé, ce n'est pas franchement la découverte de l'année. Ce sont même deux des facteurs parmi les plus importants pour que triomphe enfin le capitalisme économique universel. Or, nous oublions trop souvent que pour que cette mondialisation ait lieu, il ne lui suffit pas de pouvoir communiquer par téléphone ou par ordinateur, ni d'échanger des devises ou des actions à la micro-seconde, il lui faut aussi, malgré tout, un corps véritable, quelque chose qui n'est pas que du domaine de la virtualité omniprésente et presque totalement omnisciente. Les marchandises sont ce corps, mais il leur faut aussi un système nerveux ainsi qu'un système sanguin performant. Les grandes routes maritimes sont ce système, les cellules essentielles en sont rien moins que ces centaines de milliers de containers sillonnant la planète jours après jours afin de nous apporter qui nos jouets de Noel, qui nos bananes, qui les pièces qui permettront d'assembler la voiture que l'on attend impatiemment.

C'est à partir de ce constat trop souvent méconnu, parce que dans les coulisses, que Nicolas Dickener a pu concevoir Six degrés de liberté. Mais reprenons depuis le commencement.

Rédigé par un jeune romancier québécois, l'essentiel de ce livre se déroule entre Montréal et sa plus lointaine conurbation. Il met en scène trois personnages un peu à la marge - sans être le moins du monde des marginaux -. D'une part Jay, une femme de bientôt quarante années qui, après une vie des plus rocambolesques de monte en l'air internationale, entre Mexique et Canada, travaille désormais pour la "GRC" (Gendarmerie Royale du Canada) en échange d'une liberté conditionnelle. Bien qu'assignée aux peu palpitantes affaires de fraudes à la carte de paiement, elle va, au cours de cette histoire, s'intéresser à cette étrange histoire de container fantôme répondant au doux surnom de "Papa Zoulou", son référencement exact étant le moins mémorable PZIU 127 002 7... D'autre part, deux jeunes gens - ils ne sont encore qu'adolescents dans une large première partie du roman qui les présente sous forme d'une analepse s'entremêlant alternativement au présent de Jay - vivant dans un patelin un peu pommé de la quatrième couronne de la banlieue montréalaise et qui occupent leurs importants temps libres comme ils le peuvent. Il y a Lisa, une jeune fille pleine de ressource, aventureuse passionnée de bricolage, mais qui s'ennuie passablement, même lorsqu'elle s'est promise d'aider son père, moyennant butin, à vider une énième bicoque qu'il a racheté pour la retaper puis le revendre. Sa mère, elle ne la voit qu'un week-end sur deux, et c'est bien assez puisqu'elle est contrainte de l'accompagner chaque fois dans l'accomplissement de son addiction favorite : passer tout le dimanche dans ce temple de la consommation qu'est l'Ikéa local... Fort heureusement, Lisa a un ami d'enfance inséparable, Éric, qui souffre d'une agoraphobie terrible le vouant littéralement à une vie de reclus dans sa propre chambre. Mais cet ami n'est pas qu'un cas pathologique, c'est aussi un véritable petit génie de l'informatique - qui s'est découvert cette passion en devenant hacker -, ce qui va permettre à nos deux bidouilleurs de monter leur véritable premier projet : lancer l'appareil photo numérique de la mère du garçon à des hauteurs stratosphériques à l'aide d'un ballon gonflé à l'hélium. Ce sera, hélas, un cuisant échec, la balise devant leur permettre de récupérer l'ensemble semblant avoir eu une défaillance... Cependant, la vie va se charger de séparer les deux compères, ou, plus exactement, la mère du garçon, ce qui va l'embarquer vers le Danemark natal et professionnel du nouveau compagnon de cette dernière. Les années vont passer mais pas cette amitié, malgré la réussite aussi inattendue que fulgurante d'Éric dans le domaine de la programmation dédiée au fret maritime... L'aventure peut alors véritablement débuter !

L'ensemble est d'une construction solide, d'une grande facilité de lecture, avec l'alternance systématique de chapitres, de plus en plus brefs au fur et à mesure où l'on se rapproche du dénouement, montrant l'avancée de ce qui est, au fond, une véritable enquête policière, avec l'existence des deux ados, que l'on finit par retrouver parfaitement adultes sur la dernière partie de l'ouvrage. Six degrés de liberté se lit donc très aisément, ne négligeant pas, ici et là, la critique acerbe de notre société de consommation, hyper-marketée, où les objets sont devenus "intelligents" là où ils sont avant tout connectés, via le wi-fi, les uns aux autres, un monde où un jeune homme certes intelligent, presque totalement asocial mais surtout très spécialisé, a pu s'enrichir à une vitesse astronomique grâce à ses start-up là où sa meilleure amie, futée et d'évidence douée de ses mains, a bien de la peine à joindre les deux bouts. Un monde de grande solitude, composée de familles totalement éclatée pratiquant un amour très calibré, presque sec. Un monde aussi où il est de plus en plus difficile de passer entre les gouttes de la surveillance universelle, où il possible, en quelques clics, de savoir - d'un point de vue strictement consumériste - qui vous êtes, où vous êtes, à quelle heure, pourquoi, éventuellement avec qui. Un monde où le moindre écart à cette surveillance obligatoire (mais qui ne dit pas son nom) est source d'inquiétude, de panique presque et des pires fantasmes (terrorisme, grand banditisme, immigration massive, etc). Un monde d'êtres devenus plus ou moins interchangeables, tous plus ou moins identiques dans leurs désirs, leurs rêves, leurs vies et où la moindre originalité vraie, qui s'acharne malgré tout à subsister, passerait presque pour de la déviance politique et anarchisante...!

Bien sûr, ces thématiques ne sont abordées que sommairement et sans s'appesantir par Nicolas Dickner. Son livre est, avant tout, une sorte de thriller économique, un roman (juste ce qu'il faut de) noir sur notre société hyper-connectée, parcellisée, "big-brotherisée", lentement mais surement déshumanisée. Sérieusement construit et documenté - au point de lasser un peu dans certains chapitres consacrés à la mise en oeuvre pratique et technique du projet des deux jeunes amis, même s'il était, paradoxalement, difficile pour l'auteur qu'il puisse s'en absoudre -, évitant l'accumulation de personnages secondaires aux contours mal dessinés - à l'exception des trois principaux protagonistes, rapidement esquissés, légèrement caricaturaux mais finalement assez crédibles psychologiquement, le roman n'est peuplé que de figurants plus ou moins présents - Six degrés de liberté se lit comme un agréable roman de plage ou pour accompagner les jours sombres de l'hiver, sans passionner outre mesure (le suspense manque un peu de tension) ni bouleverser l'ordre du monde (les critiques de celui-ci sont juste mais manquent de profondeur) mais sans presque jamais ennuyer le lecteur (le style est aisé, agréable, vif et la trame fort bien imaginée).
On reprochera sans doute surtout à l'ensemble de demeurer dans les limites de cette fameuse "zone de confort" du lecteur lambda que l'ouvrage n'ose jamais véritablement atteindre et encore moins dépasser. Pas certain que ce bouquin restera des années dans les mémoires mais les amateurs du genre y trouveront probablement leur compte, n'est-ce pas là l'essentiel ?
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