L'an passé, j'ai eu un véritable coup de coeur pour
La vraie vie, d'
Adeline Dieudonné. Alors quand mon regard a croisé celui de
Kerozene, son nouveau roman, je me suis fais ce petit plaisir.
Entre le recueil de nouvelles (chaque mini-histoire peut se lire indépendamment des autres) et le roman (les destins de chaque personnage se croisent à un moment ou à un autre),
Kerozene conte l'histoire de quatorze personnes (dont même un cheval !) en proie à la fureur de la vie, leur folie, leurs peurs, leurs démons, leur solitude aussi. Et c'est dans une station service, lieu anonyme, impersonnel, presque intemporel, que se croise ces destins.
La même férocité, la même écriture acide et piquante pour raconter ces quatorze histoires, la tendresse des yeux de petite fille de
la vraie vie en moins. Les mots sont violents, excessifs, semblent choisis avec soin, véhiculent des images fortes. Adeline porte à son paroxysme la laideur de la société moderne, pointe du doigts les dérives de nos modes de vie. C'est réussi. A travers quelques pages seulement, on est émus, choqués, révoltés. Chapeau bas pour l'histoire du cheval, Red Apple, qui est celle qui m'a le plus émue, alors qu'en lisant les premières lignes, je n'y croyais pas du tout.
Et puis, le dernier chapitre arrive trop vite, de façon trop abrupt. Pas de feu d'artifice, pas d'apogée. Je voulais lire encore d'autres histoires, rencontrer trop personnes, comprendre un autre aspect de la vie merdique. Je voulais qu'ils se rencontrent tous, dans cette station service, je voulais que ça prenne feu, que ça prenne vie, je voulais que ça explose. Rien de tout ça. Une fin précipitée, négligée, qui n'est pas à la hauteur du reste du récit. Déçue.
Est-ce quand même un bon roman (si on peut le catégoriser ainsi) ? Oui, sans aucun doute. Parce que le pari est réussi, que l'écriture est acerbe et si reconnaissable maintenant, parce qu'Adeline émeut et révolte en même temps. Dommage de finir sur cette petite fin ratée, bâclée peut être, qui enlève une étoile à la notation finale.